LA CHRONIQUE DE MLD…La jeunesse, bombe sociale à transformer en opportunité…Par Mamadou Lamine DIATTA
Nous avons été nombreux à pousser des cris d’orfraie à juste raison en visionnant ces images en mondovision montrant des centaines de jeunes Sénégalais en situation désespérée à l’assaut des bureaux d’accueil BAOS juste pour déposer en version papier une demande relative à un départ encadré pour l’Espagne.
C’est vrai que nous sommes en 2025 et la problématique de l’émigration clandestine a fini de prendre des proportions d’une ampleur inouïe.
Aujourd’hui, 75% des Sénégalais ont moins de 35 ans et la moitié de la population a moins de 19 ans…
Le plus clair du temps des jeunots à l’éducation sommaire voire inexistante faute d’abord d’un véritable encadrement parental…Ensuite, il faudrait effectivement indexer cet État du Sénégal peu imaginatif, peu ambitieux également pour sa jeunesse au regard des nombreuses » solutions » de pis-aller, sortes de sédatifs jusque-là administrés depuis les aurores des indépendances pour tenter d’absorber en termes d’emplois cette jeunesse qui se révélera en véritable bombe sociale si d’aventure on ne parvient pas à trouver la bonne alchimie pour mieux la canaliser. C’est l’enjeu majeur de cette problématique vitale qui donne des cheveux blancs aux gouvernants du monde entier.
Oui, un État- stratège devrait avoir le courage d’affronter la situation pour la retourner en sa faveur en faisant de la jeunesse de cette population une opportunité et non un boulet à traîner à longueur de journée, d’années et de promesses électorales.
L’urgence est donc de s’imprégner des meilleures pratiques en l’occurrence pour assimiler les politiques d’organisations avant- gardistes comme la commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique ( CEA) qui a toujours incité les 54 pays africains à initier des politiques hardies en matière de santé, d’éducation- formation et de promotion de l’emploi ( surtout l’auto- emploi ) afin de capturer enfin ce dividende démographique de nature à propulser et faire décoller cette Afrique en mouvement.
Par ailleurs, nous devons à la vérité de préciser que l’émigration des Sénégalais est aussi vieille que le pays.
Nos concitoyens sont partout, toujours en quête d’un ailleurs meilleur aux quatre coins du monde. Et puis, l’émigration concerne tous les pays. Il ya trois millions de Marocains à l’étranger, 1,6 million de Français expatriés, 4 millions d’émigrants italiens, 50 millions de Chinois travaillant à l’extérieur.
Autrement dit, point n’est besoin de céder à l’émotion.
En revanche, la nouveauté c’est que depuis près de dix à 20 ans, des hordes de jeunes compatriotes empruntent de frêles embarcations dans des conditions inhumaines pour tenter de rejoindre l’occident au prix de leur vie. Comme s’ils étaient quelque part de véritables candidats au suicide.
C’est cette situation ubuesque qui donne la chair de poule et qui doit interpeller tout africain responsable.
Un célèbre adage explique que l’espoir fait vivre mais tout porte à croire que ces jeunes n’ont plus d’espoir.
Par ailleurs, beaucoup parmi eux sont plutôt tombés dans le piège du fameux mirage de l’occident notamment à cause des séries qui passent souvent en boucle sur nos chaînes de télé en vendant un Eldorado qui n’a jamais été de ce monde.
Sans oublier le fait que l’un des problèmes majeurs de ce dossier alambiqué reste sa politisation à outrance selon qu’on soit de l’opposition ou du nouveau pouvoir. Il faut d’ailleurs rappeler que cette émigration légale et encadrée qui verra 370 jeunes sélectionnés rejoindre l’Espagne dès mars 2025 pour des contrats de 3 à 6 mois n’est même pas inédite.
Sous Wade déjà, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur d’alors Me Ousmane Ngom avait effectué plusieurs voyages au pays de Cervantès et au final un accord avait été signé pour voir près de 1000 Sénégalais (essentiellement des femmes) rallier l’Espagne pour travailler dans les exploitations agricoles.
D’ailleurs l’Espagne n’est pas le seul pays à offrir des emplois ponctuels. Le Qatar a récemment relancé une vieille convention signée en 2013 pour accueillir des travailleurs Sénégalais. Comme quoi, au moment où le Sénégal a du mal à trouver des emplois même précaires à sa jeunesse, d’autres pays plus nantis, mieux organisés et en quête de main-d’œuvre sont prêts à accueillir ses jeunes désœuvrés…
Pour des solutions structurelles…
Pour autant et à moyen terme, il faudrait éviter de reproduire les schémas éculés des anciens régimes car cette émigration légale et encadrée n’a rien d’une solution structurelle. Elle ne saurait faire office de panacée. C’est juste une solution d’urgence, conjoncturelle voire politicienne…C’est du Jooni- Jonni contre-productif à long terme !
L’idéal c’est plutôt de disposer d’une politique de jeunesse réfléchie, planifiée et stratégique en commençant par le cadre institutionnel. Aujourd’hui, c’est franchement une hérésie de diluer les questions vitales de jeunesse dans un super ministère dénommé jeunesse sport et culture. Celle qui la pilote est davantage un ministre des sports. Il faut rendre autonome la jeunesse avec un ministère dédié corrélé à l’emploi.
Il faut également une politique nationale de formation pour capter ces milliers voire millions de jeunes victimes de déperdition scolaire afin de les réinsérer dans le circuit productif…L’idée est de les utiliser dans des secteurs et sous-secteurs à haute intensité de main d’œuvre comme l’agriculture, l’industrie et les grands chantiers infrastructurels…
In fine, le sempiternel problème de l’emploi reste entier et de 1960 à nos jours, nous sommes malheureusement restés au stade primaire du diagnostic.
Cette jeunesse pourtant dynamique reste plus que jamais un boulet, une bombe sociale que traînent cahin- caha les pouvoirs publics. C’est clair comme l’eau de roche : pour transformer une jeunesse en opportunité et en booster de développement, il faut se triturer les méninges, faire preuve d’imagination et de proactivité.
Le nouveau pouvoir est fortement attendu dans ce sens.