Démission de Nicolas Hulot: le bilan d’un malaise
Vendredi 28 août, Nicolas Hulot, leader et militant écologiste devenu ministre de la Transition écologique et solidaire dans le gouvernement d’Emmanuel Macron en 2017, a annoncé sa démission sur les ondes de France Inter. Une annonce en forme de bilan qui témoigne du malaise d’un ministre toujours minoritaire dans les prises de décisions finales de son gouvernement.
Nicolas Hulot, personnalité populaire et respectée pour son engagement, a appuyé sa démission sur la disproportion entre les « petits pas » du gouvernement Macron pour faire avancer la cause climatique et environnementale, et l’urgence de l’action nécessaire pour enrayer la disparition de la biodiversité et le réchauffement climatique, qui conduisent à la catastrophe.
Pour le ministre, on l’a vu cet été : les incendies gigantesques en Californie et en Europe du Sud, les invasions d’algues sargasses aux Antilles, la canicule généralisée, sont autant de témoins de cette urgence à agir. Or, pendant ses 15 mois de travail au ministère de la transition écologique, les arbitrages du gouvernement ont rarement été en sa faveur.
La goutte d’eau
Lundi 27 août, le président Macron a réuni le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, et ses ministres, pour valider la baisse de moitié du coût du permis de chasse et « l’adaptabilité des quotas d’animaux chassés », autrement dit la permission de tuer notamment des animaux en danger d’extinction.
Lors de cette réunion – la 3e depuis le début de l’année -, où aucune ONG n’était invitée, le lobbyiste Thierry Coste, qui représente les chasseurs, mais également les marchands d’armes en affaires au Tchad et au Gabon était présent.
Sur France Inter, le ministre a affirmé que « …c’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir (…) c’est un problème de démocratie » et c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Un bilan rarement positif
Les ONG ont reproché à Nicolas Hulot son manque d’efficacité mais le ministère de la Transition écologique n’a pas eu, au sein du gouvernement, beaucoup d’arbitrages en sa faveur.
Au titre des réussites, on peut compter : l’annulation du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes ; l’inscription dans le 1er article de la Constitution de la « préservation de l’environnement » et de la lutte contre le changement climatique ; et le vote de la France à la Commission européenne pour le raccourcissement du délai d’interdiction du glyphosate, un pesticide cancérigène, à 5 ans au lieu des 10 ans proposés. Mais Nicolas Hulot aurait souhaité ramener ce délai à 3 ans.
Beaucoup de points négatifs
Le ministre de la Transition écologique n’a pas été entendu, et pour chaque petit pas en avant, députés et sénateurs ont affaibli les décisions par des amendements, repoussant les échéances d’une véritable mise en œuvre.
Concernant l’énergie : l’objectif de la loi de transition énergétique, qui devait ramener la part d’électricité nucléaire à 50% en 2025, a été repoussé à une date non précisée et la fermeture de Fessenheim, la plus vieille centrale nucléaire française, a elle aussi été repoussée sine die. En face du nucléaire, les mesures en faveur des énergies solaires et éoliennes, le plan de rénovation énergétique des bâtiments, restent très modestes.
Sur les énergies fossiles : le Parlement a adopté en 2017 la loi sur la fin des permis d’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures d’ici 2040, mais des dérogations ont été accordées depuis aux groupes pétroliers.
Dans la loi agriculture et alimentation votée l’hiver dernier, Nicolas Hulot n’a pas cautionné le fait que l’agriculture productiviste reste au centre de la loi alors qu’il est temps de changer de modèle agricole.
Et concernant l’accord de libre-échange CETA, entre l’Europe et le Canada, auquel Nicolas Hulot s’est opposé, il entrera en vigueur le 21 septembre sans modification.
« Droit dans ses bottes »
Pour Nicolas Hulot, il n’est simplement plus possible d’assumer ces échecs : « je ne veux plus me mentir (…) on s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques (…) sur un enjeu aussi important, je me surprends tous les jours à me résigner, à m’accommoder des petits pas, alors que la situation universelle, au moment où la planète devient une étuve, mérite qu’on se retrouve et qu’on change d’échelle (…) je me suis surpris à abaisser mon seuil d’exigence et je me suis dit c’est le moment de partir ».
Après 15 mois de travail au sein du gouvernement d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot, qui ne veut plus servir d’alibi écologiste, a préféré démissionner. C’est donc avec un certain panache, qui ne saurait nuire à l’image populaire d’un homme engagé et « droit dans ses bottes », que Nicolas Hulot a quitté son poste de ministre.
Pour les ONG WWF et France Nature Environnement, si cette démission est une mauvaise nouvelle, elle doit aussi être un appel pour une prise de conscience et un changement structurel profond.
Les associations de défense de l’environnement perdent un relais au sein de l’exécutif.
(Avec rfi)