ActualitéSociété

Me Doudou Ndoye : “Les populations ont inventé des méthodes de contournement des lois sur le domaine national”

« Les populations ont inventé des méthodes de contournement des lois sur le domaine national en vue d’arriver à des ventes. Elles ont créé leur propre système juridique. Le domaine national a mal tourné et est mal utilisé », déclare Me Doudou Ndoye. Pour l’avocat, « si l’on veut que ce qui reste du domaine national soit utile, il faut trouver des solutions impliquant l’État, maître d’œuvre de toutes les législations, les populations, les professeurs de droit et les utilisateurs ».

Le domaine national, précise-t-il, est constitué des terres appartenant à la nation. « Seul l’État peut immatriculer ces terres dans l’intérêt général. Mais dans la grande majorité des cas, il confère des titres fonciers prélevés sur le domaine national à des privés, qui, bien souvent, en font ce qu’ils veulent et finissent par les vendre. Il s’agit de baux emphytéotiques sur lesquels aucun investissement n’a été réalisé », explique-t-il.

S’exprimant dans une vidéo tournée lors de la présentation du livre de Ndeye Nangho Dioum intitulé « Gouvernance des biens communs et comptabilité patrimoniale au Sénégal », Me Ndoye a invité à faire preuve de patriotisme. « Soyons Sénégalais au profit des Sénégalais », a-t-il exhorté.

L’auteure du livre est contrôleur des impôts et étudiante en faculté des sciences économiques. Dans la même dynamique, l’avocat a mentionné que « autant l’État trouve ses solutions à travers ces immatriculations abusives, autant les populations ont aussi développé leurs propres méthodes. Elles se rendent à la mairie pour obtenir des terres interdites à la vente, mais qui finissent par être vendues devant notaire, avec l’acceptation du conseil rural ou municipal, qui procède à des affectations. Ce sont des pratiques quotidiennes », a-t-il dénoncé.

Pour celui qui a fréquenté l’École nationale des impôts en France, il est étonnant et difficile de comprendre comment, malgré son agenda chargé, l’auteure a pu rédiger un ouvrage avec autant de recherche et de réflexion. « Vous semblez même remettre en cause votre propre administration sans l’écrire ouvertement. Vous êtes très démocrate », a souligné Me Ndoye. L’avocat a également rappelé que « la loi de 1964 interdit toutes les immatriculations autres que celles de l’État. Seul l’État est habilité à immatriculer les terres en titres fonciers. Toutes les immatriculations proviennent donc de votre administration », a-t-il argumenté.

En conclusion, Me Ndoye a relevé deux aspects importants du livre : une riche documentation facilitant la recherche et une analyse approfondie sur l’économie du foncier et la comptabilité publique, qui soulève de nombreuses interrogations.