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LA CHRONIQUE DE MLD: Pastef : La crise de croissance…Par Mamadou Lamine DIATTA

L’apprentissage de l’Etat continue pour les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). Ses figures emblématiques trébuchent, se relèvent et poursuivent leur chemin cahin-caha…
Ce parti politique qui a grandi trop vite semble dépassé par certains événements comme l’épisode des récentes nominations contestées avec véhémence. Normal au regard de cette croissance rapide ayant permis aux Pastéfiens de vivre « prématurément » ce Grand soir du 24 mars 2024, soit dix bonnes années après la naissance de ce parti pas comme les autres. Un peu comme l’APR du Président Macky Sall née en 2008 pour toucher le Graal d’une accession au pouvoir dès 2012 toutes choses étant égales par ailleurs.
Pastef, c’est d’abord Ousmane Sonko, une icône africaine, un téméraire doublé d’un réformateur qui a une approche disruptive de l’action politique. Autrement dit, Pastef c’est Sonko et vice-versa. L’actuel Premier ministre entretient donc une relation fusionnelle avec ses militantes et militants qui n’hésitent point à « défendre le projet » comme pour plonger littéralement dans leur champ lexical particulier. Par moment, au prix de maladresses, amalgames et autres errements. Des confusions et violences verbales également comme dans les affaires Samba Ndiaye et Aoua Bocar Ly Tall.C’est justement tout ce qui fait l’originalité de cette formation politique pas comme les autres.
Tant que Pastef se déployait dans l’opposition, il n’y avait pratiquement pas péril en la demeure. Les diatribes voire les insultes pouvaient fuser de partout pour enflammer la toile. Cela ne dérangeait pas trop au regard du style Sonko qui promeut une approche offensive de la chose politique. Mais de nos jours, la donne a changé à une vitesse grand V et Pastef exerce le pouvoir. On n’est plus dans le même contexte socio-politique. Pour autant, ce parti qui se confond quelque part à l’Etat est obligé de faire sa mue, d’opérer une transformation radicale pour ne pas rater le train de la performance et de l’émergence…
Au vu de ce paradigme, le cas Fadilou Keita DG de la Caisse de dépôt et de consignations ( CDC) mérite toute notre attention. Qu’est ce qui le fait courir ?
Qui l’actionne ?
Pourquoi se permet-il une telle liberté de ton ?
Il ressort des récentes déclarations de Monsieur Keita que Pastef qui a accédé au pouvoir au prix d’immenses sacrifices n’a visiblement pas fini de panser ses nombreuses blessures. Cela coule de source.
C’est connu, au Sénégal, les conditions carcérales peuvent être traumatisantes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il faut faire preuve d’humanisme, de compréhension et d’intelligence pour comprendre ces réactions qui heurtent quelque part l’esprit de nombreux Sénégalais qui n’ont jamais connu pareille mésaventure. Dans cette vie d’ici-bas, rien ne se donne sur un plateau d’argent et ces gens-là ont subi pas mal d’épreuves sur la route d’une consécration parsemée d’embûches…
Malgré tout, Pastef a la chance de compter sur Sonko, sorte de gourou qui sait rappeler ses troupes à l’ordre pour les remobiliser par ricochet en usant de techniques de communication de crise éprouvées…
Dans le récent épisode Aoua Bocar Ly, celui qui rappelle son statut stratégique de personne morale du PROJET a franchement fait preuve de lucidité et de fermeté pour remettre les choses à l’endroit. Les éléments de langage n’ont pas été choisis au hasard. Pêle- mêle, l’ancien opposant intrépide de Macky Sall parle de méthode, responsabilité, humilité, adaptation, écoute…Des mots forts pour provoquer l’électrochoc à même de réveiller certains  » Patriotes » qui semblent se morfondre dans ce discours incontrôlé et débridé de la rude période de l’opposition.
En vérité, Sonko se révèle au quotidien comme un stratège, un général en mission de rectification. Et dans cette intéressante séquence de la crise Aoua Ly/ CNRA, il a visiblement travaillé à « transformer l’incident en opportunité » pour reprendre la pertinente analyse de l’ancien ministre Mamadou Diop Decroix, passé récemment allié du parti au pouvoir.
Les phases successives de conquête du pouvoir, de stabilisation, de réformes systémiques et enfin de transformation structurelle de l’économie et du pays par ricochet ont été passées au peigne fin par ce Premier ministre qui n’a pas hésité à enfiler nuitamment le bleu de chauffe du chef de parti afin d’éteindre l’incident. Un Leadership assumé pour celui qui s’est mué en protecteur du Chef de l’Etat tout en rappelant avec force que le temps de l’Etat n’est point celui du militant.
« Paris ne s’est pas construit en un seul jour »…Et Sonko rappelle à l’envi que « Le système résiste encore « …
Cette sortie d’urgence du Boss de Pastef sonne sûrement comme une véritable Catharsis pour cette jeune formation politique dont les militants expriment souvent des attentes irrationnelles.
De ce point de vue, Sonko s’affirme désormais en homme d’État rasséréné et lucide comme pour faire taire bon nombre de ses contempteurs qui n’ont jamais cru en ces qualités de visionnaire et de transformateur du quotidien de nos 18 millions de concitoyens…
L’homme a dernièrement centralisé autour de la Primature la validation des dépenses d’investissement du Sénégal : un exercice jusque-là dévolu au ministre des finances. Ce qui a soulevé l’ire du Journal le Quotidien qui parle avec un brin de sarcasme de « Premier ministre des finances ». Mais qui va changer Sonko ? Vaste programme.