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Le Sénégal en avance dans la gestion du gaz : Pourquoi la Mauritanie tarde-t-elle à s’aligner ?Par Abdallahi Ould Abdallah

Introduction

L’exploitation des ressources gazières dans la sous-région ouest-africaine, notamment entre le Sénégal et la Mauritanie, est un enjeu stratégique majeur. Tandis que le Sénégal met en œuvre une gestion rigoureuse et transparente, la Mauritanie semble encore en retard dans plusieurs aspects, notamment la gouvernance, la diversification et l’impact social. Cet article examine les approches des deux pays, met en lumière les faiblesses mauritaniennes et s’interroge sur le manque de coordination entre les deux voisins dans la gestion de ces ressources communes.

  1. Cadre juridique et institutionnel

Sénégal

Le Sénégal a adopté des mécanismes solides et innovants, notamment :
• La loi n°2022-19 qui établit un cadre clair pour la répartition des revenus gaziers entre le budget général (90 %), le fonds intergénérationnel (10 %) et le fonds de stabilisation.
• Le Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ), garant de l’exécution des politiques.
• Une renégociation proactive des contrats pour mieux défendre les intérêts nationaux.

Mauritanie

En Mauritanie :
• Le cadre juridique repose sur des réformes, notamment un nouveau Code de l’électricité, mais reste axé sur l’attractivité des investisseurs étrangers, au détriment d’une vision intégrée pour la population.
• Le Fonds national pour les hydrocarbures existe depuis 2006, mais manque de transparence et de mécanismes clairs pour garantir sa durabilité.

Analyse : Le Sénégal se distingue par une stratégie plus récente, structurée et tournée vers le développement durable, alors que la Mauritanie semble privilégier une approche favorable aux investisseurs, souvent au détriment des populations.

  1. Projets et retombées économiques

Sénégal

Le Sénégal a lancé des projets ambitieux comme :
• Grand Tortue Ahmeyim (GTA) en collaboration avec la Mauritanie, avec une production prévue dès 2025.
• Sangomar, un projet pétrolier déjà opérationnel.
• Yakaar-Teranga, destiné à alimenter la consommation domestique.

Un projet notable : Le Sénégal prévoit également d’utiliser ses ressources gazières pour construire une centrale énergétique afin de développer l’accès à l’électricité sur l’ensemble du territoire. Ce projet montre une volonté claire d’investir dans des infrastructures qui bénéficient directement à la population et soutiennent l’industrialisation locale.

Mauritanie

En Mauritanie :
• Les projets majeurs incluent GTA et Bir Allah, mais l’accent est mis sur l’alimentation des pôles miniers et l’exportation de gaz vers des marchés étrangers.
• Contrairement au Sénégal, la Mauritanie n’envisage aucun projet énergétique national utilisant ses ressources gazières pour améliorer l’accès à l’électricité ou soutenir le développement local.

Analyse : Alors que le Sénégal favorise un développement inclusif en réinvestissant les revenus dans des infrastructures sociales et énergétiques, la Mauritanie se concentre uniquement sur l’exportation, limitant l’impact direct sur sa population.

  1. Transparence et gouvernance

Sénégal
• Membre actif de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE).
• Publication systématique des contrats pétroliers.
• Audits réguliers pour renforcer la gouvernance.

Mauritanie
• Manque de transparence sur les contrats pétroliers.
• Faible gestion des revenus via le Fonds national, exposant le pays à des risques de corruption.

Analyse : La transparence du Sénégal est un modèle à suivre, tandis que la Mauritanie reste vulnérable à des pratiques de gouvernance inefficaces.

  1. Environnement et développement durable

Sénégal
• Mise en œuvre de 35 mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
• Intégration de mécanismes de reforestation et de promotion des énergies renouvelables.

Mauritanie
• Peu de mesures explicites pour limiter les impacts environnementaux.
• Absence d’un plan clair pour utiliser les revenus du gaz dans une transition énergétique.

Analyse : Le Sénégal adopte une démarche proactive pour allier développement économique et protection de l’environnement, tandis que la Mauritanie reste limitée dans ce domaine.

  1. Une absence de coordination régionale

Malgré leur collaboration dans le projet GTA, la Mauritanie et le Sénégal n’ont pas harmonisé leurs stratégies. Le Sénégal, grâce à ses mesures ambitieuses, apparaît comme le leader dans la gestion de ces ressources, tandis que la Mauritanie semble attendre passivement les retombées financières. Cette situation soulève plusieurs questions :
• Pourquoi la Mauritanie n’a-t-elle pas adopté des mesures similaires à celles du Sénégal pour garantir un développement inclusif ?
• Le manque de coordination entre les deux pays pourrait-il limiter l’impact du projet GTA sur le développement régional ?

  1. Les risques spécifiques pour la Mauritanie

En réalité, la Mauritanie, avec une population de moins de cinq millions d’habitants, est potentiellement un pays riche, même sans l’exploitation du gaz. Cependant, sa mauvaise gouvernance chronique, une corruption endémique et des détournements massifs de fonds à une échelle industrielle maintiennent la majorité de sa population dans la pauvreté.

Si l’exploitation du gaz est mal gérée et les inégalités sociales s’aggravent, le pays pourrait faire face à des conséquences graves :
• Exacerbation des tensions sociales : L’absence de retombées pour les populations pourrait générer des mouvements de contestation, voire des risques d’implosion.
• Accentuation des inégalités : La concentration des revenus entre les mains d’une élite corrompue pourrait creuser les écarts entre riches et pauvres.
• Risque de malédiction des ressources : Comme d’autres pays riches en ressources (Nigeria, Angola, Venezuela), la Mauritanie pourrait voir ses richesses naturelles devenir une source de troubles au lieu d’une opportunité de développement.

  1. Conclusion et perspectives

Le Sénégal illustre comment une gestion proactive, structurée et transparente des ressources gazières peut transformer un pays. En revanche, les insuffisances de la Mauritanie, notamment en matière de gouvernance, d’infrastructures et de développement social, mettent en évidence les risques d’une approche axée uniquement sur les retombées financières.

Pour garantir un avenir durable et inclusif, il est crucial que la Mauritanie :
• Renforce la transparence et la gouvernance de ses ressources.
• Diversifie ses investissements pour inclure des projets à impact social direct.
• Coordonne davantage avec le Sénégal pour tirer pleinement parti des ressources partagées.
• S’inspire des initiatives sénégalaises, notamment en envisageant des projets énergétiques nationaux pour améliorer l’accès à l’électricité et soutenir le développement local.

En l’état, si la Mauritanie ne change pas radicalement sa gouvernance, l’exploitation du gaz pourrait aggraver les inégalités et plonger le pays dans des conflits internes. Une opportunité unique de prospérité pourrait ainsi se transformer en un facteur d’instabilité et de pauvreté accrue.

Ce texte met désormais en évidence le projet énergétique du Sénégal et l’absence de vision similaire en Mauritanie.

Abdallahi Ould Abdallah