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Relations Afrique/ France: Plus d’émotion que de raison

Le président de la République du Sénégal Bassirou Diomaye FAYE est en visite à Paris. Il s’agit de sa première, 03 mois après sa brillante élection. Une rupture très remarquable par rapport à la tradition, pour un président sénégalais fraichement élu. Cette visite est diversement interprétée par la presse et par cette pléthore de panafricanistes numériques qui envahissement la toile.

D’ailleurs, certains « agents ambulants » qui n’existent que dans la confusion et dans l’amalgame, ont voulu créer un vrai faux problème dans les réseaux sociaux autour d’un tweet de France24 disant : « le sénégalais Diomaye Faye », suivi d’une réplique de la RTS écrivant «le français Emmacron Macron».

A vrai dire, le sénégalais de Lompoul, n’accorde aucun intérêt à ce jeu de ping pong que d’aucuns cherchent à créer entre Dakar et Paris. Les Sénégalais s’attendent plutôt avec impatience, à des tweets sur des baisses très significatives des prix des denrées de grandes consommations. Car, ils estiment que l’essentiel, est plus, dans les résultats positifs dans la gouvernance de Diomaye, que dans les titres et grades pompeux. Les Sénégalais préféreraient le «sénégalais Diomaye FAYE» travailleur, qu’à «Son Excellence Président de la République Diomaye FAYE» sans aucun bilan positif, au terme de son mandat. Le plus important, ce sont les actions et non les titres.

Cela nous permet d’évoquer les agissements malsains de tous ces thuriféraires dans les réseaux sociaux, qui se contentent d’accuser la France d’être le principal responsable de la pauvreté en Afrique. Très honnêtement, peut-on continuer à pleurnicher sur le sort des pays africains indépendants depuis 1960 ? En vérité, ce que la presse française appelle de « sentiment anti français » est juste imaginaire. Car, c’est faire un mauvais procès à la France lorsqu’on veut effacer d’un trait, la responsabilité de toutes les générations de dirigeants africains qui ont dirigé leurs pays depuis les indépendances.

Ce sentiment anti français a-t-il un sens, face à l’échec de nos propres dirigeants depuis 64 ans d’indépendance pour certains pays ? Doit-on s’attaquer à la France, parce qu’un président africain a signé des contrats au profit d’une entreprise française ? Le rôle d’un président français, c’est d’aider les entreprises françaises à prospérer, à gagner des marchés en Afrique, aux Usa, en Asie partout à travers le monde. Le président français est élu pour ça. Est-ce un crime ? Si les pays africains n’ont pas d’entreprises capables de concurrencer les françaises, à qui la faute ? Si aucune entreprise africaine n’est compétitive en Europe ou aux Usa, à qui la faute ? Pourquoi, nous n’assumons jamais nos échecs, et cherchons toujours à accuser l’autre ?… la France.

Chers africains, posons-nous les bonnes questions. Quelle est la responsabilité de la France face aux échecs des dirigeants africains ? De Modibo KEITA à Assimi GOITA, les dirigeants maliens n’ont pas réussi à résoudre les crises de l’énergie dans le pays. En 2024, Bamako connait des délestages de plus de 48h depuis l’arrivée de la junte au pouvoir. Est-ce de la responsabilité de la France ? Le Niger est l’un des pays les plus pauvres en Afrique. Les Nigériens ont-ils une seule fois élu, un citoyen français comme Chef de l’Etat ? Qui d’autres sont responsables de cette pauvreté, en dehors des dirigeants et du peuple du Niger ? Doit-on accuser Paris d’être responsable des inondations à Dakar et des vagues d’émigrés clandestins vers l’Europe ? Quelle est la responsabilité des français dans les pillages des ressources du Zaïre sous Mubutu ? Paris est-elle responsable du pillage du pétrole tchadien ? Peut-on accuser Paris d’être responsable des milliards détournés et cachés dans les banques suisses par plusieurs dirigeants africains ? Paris est-elle responsable des nombreux cas de corruption de l’élite africaine dirigeante ? Non ! Si un dirigeant africain décide de «vendre» son pays à la France, aux Usa, à la Russie, qui est le fautif ?

Il est temps que les Africains se prennent au sérieux. Ce panafricanisme nouveau, impropre, malsain et galvaudé est improductif. Prenons-nous au sérieux, si nous voulons que les autres nous prennent au sérieux. Arrêtons d’imputer à la France tous les échecs de nos propres dirigeants. C’est même devenu une mode. N’avez-vous pas remarqué, que tous les dirigeants africains s’attaquent à Paris pour masquer ou justifier leurs nombreux échecs ? Et désormais, même pour gagner une élection en Afrique subsaharienne, il faut s’attaquer à la France. Les contrevérités sont mêmes permises dans ce cas précis.

Ailleurs, pourquoi veut-on nous faire croire que, sans l’Afrique, la France va disparaître de la terre. Parce qu’elle serait nourrie par ses anciennes colonies. Archi faux ! L’Afrique ne nourrit pas la France, le Sénégal encore moins. Comment un continent qui meurt de faim et de pauvreté peut-il nourrir un autre pays ?

Des panafricanistes alimentaires dont le plus célèbre se nomme Kemi SÉBA tentent de fabriquer une dualité artificielle entre la France et ses anciennes colonies. Or, les dirigeants africains conscients et responsables, doivent nouer un partenariat égalitaire avec la France dans une approche co-constructive, détachée de tout ressentiment d’une part et d’autre.

Le président Diomaye FAYE devrait prendre conscience des avantages qu’il peut tirer dans les relations entre Dakar et Paris. Même si, des dossiers comme la souveraineté monétaire et les bases militaires peuvent être révisés. D’ailleurs, les autorités françaises actuelles, ne s’agrippent pas sur le franc CFA encore moins sur les bases militaires. Cela relève de la volonté souveraine des pays concernés : le Sénégal, le Gabon, la Côte d’Ivoire.

D’ailleurs, le français Bernard Lugan, spécialiste de l’Afrique a appelé à mettre fin à la zone Franc CFA. Selon lui, cette monnaie «n’avantage que les pays africains ». Poussant sa réflexion encore plus loin, il a invité aux autorités françaises «à mettre fin à toute présence française au sud du Sahara tant la France». Il s’agit là, d’un sentiment partagé par une grande partie de l’élite intellectuelle française. Depuis quelques temps, la France a opté pour une présence timide (effacée) en Afrique. Toutefois, rappelons que les bases militaires françaises n’existent en Afrique, que par la volonté des dirigeants africains qui ont signé des accords de défense à cet effet. L’armée française n’est pas une armée d’occupation. Elle est en terre africaine sur la demande des dirigeants africains. Il suffit juste d’en manifester le désir pour que l’armée française quitte tout pays demandeur, comme c’est le cas au Mali.

Curieusement, l’on voit des pays de l’AES dénoncer des accords de défense avec la France ou avec les USA, pour ensuite, signer des accords militaires avec Moscou. Finalement, cela change quoi dans le fond et dans la forme ? Remplacer Jean par Dmitri ?

Au plan économique, la France semble avoir changé de cap par rapport à l’Afrique subsaharienne. Les échanges commerciaux entre Paris et ses anciennes colonies ne dépassent plus 25%. La France s’est plutôt réorientée vers l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte) et le Nigéria. Ce qui explique la percée de l’influence chinoise et turque en Afrique subsaharienne. Voilà qui confirme que ce panafricanisme numérique, réactionnaire, utopique à charge contre Paris, est totalement détaché de la réalité des faits.

L’émotion n’aide pas à prendre une bonne décision. Elle obstrue la raison. Or, le malheur c’est que ces panafricanistes numériques et une partie de la jeunesse africaine sont prisonniers d’une émotion aveugle lorsqu’il s’agit de parler des relations entre la France et l’Afrique.

Toute cette campagne médiatique émotive contre la France s’écroule face à la lucidité des hommes de raison. Nous devons sortir notre tête de l’eau pour mieux appréhender la réalité. La France n’est nullement responsable des échecs des politiques publiques en Afrique. Alors arrêtons d’accuser les français et regardons autour de nous.

Et, au-delà de nos dirigeants, nous Africains trainons des tares qui servent de sève nourricière au sous-développement. Surtout, nous manquons de discipline et de rigueur au travail. Expliquant la différence entre l’Afrique et l’Asie, Guy Georgy ancien diplomate français dira : «l’Asie est une fourmilière qui travaille alors que l’Afrique est une fourmilière au repos ». Alors, enterrons ce « panafricanisme au repos » et inaugurons l’ère du «panafricanisme au travail». Bonne chance Diomaye !

Mamadou Mouth BANE