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PERTURBATION DE LA DISTRIBUTION DU GAZ BUTANE: Total, le mal du marché

Alors que certains usagers peuvent mettre des jours sans pouvoir recharger leurs bouteilles de gaz, le ministre du Pétrole et de l’Énergie, Antoine Félix Abdoulaye Diome est formel : «Il n’y a pas de pénurie de gaz butane, il y a une pénurie de bouteilles (de gaz)». Et il attribue cette situation aux couacs dans le système d’interchangeabilité des bouteilles entre les différentes sociétés et à la «fuite» de bouteilles vers les pays limitrophes. Mais en réalité, le problème n’est pas non plus une pénurie de bouteilles, mais un disfonctionnement du système d’interchangeabilité (des bouteilles) qui régule le marché. Un dysfonctionnement causé par Total, qui ne respecte pas les règles du jeu, au su et au vu de toutes les autorités, qui refusent de la nommer, encore moins de la remettre sur les rails.

«En rapport avec mon collègue du Commerce, nous suivons de très près cette actualité. Il n’y a pas de pénurie de gaz butane, il y a une pénurie de bouteilles», a martelé hier, le ministre du Pétrole et de l’Energie, lors d’une séance d’explication avec les journalistes sur des sujets relevant de son département. Oui le ministre a parfaitement raison, en ce sens qu’en termes de production et de stockage, le pays a ce qu’il faut pour se mettre à l’abri de toute pénurie de gaz. Poursuivant, le ministre de tutelle note que pour les causes de cette pénurie de bouteilles, il y a «l’interchangeabilité de ces contenants et la fuite de certaines bouteilles vers la sous-région». Sauf qu’en réalité, l’interchangeabilité est la principale cause du problème actuelle. Et une seule entreprise est au cœur de ce problème : Total. En effet, l’interchangeabilité bloque à son niveau. Les autres marketeurs, Touba Gaz, Lobbou gaz Mame Diarra Bousso (LGMDB), Ola Gaz, respectaient jusque-là ce principe d’interchangeabilité. Mais, pour ce principe marche, il faut que chaque acteur respecte les règles, en procédant à l’échange simple (bouteilles contre bouteilles), ou à la «déconsignation». On parle de déconsignation, si un acteur a les bouteilles d’un autre qui n’a pas ses bouteilles. Au bout de 3 mois, le propriétaire des bouteilles doit venir les prendre en payant le prix de la consignation pour chaque bouteille. Et si un acteur a plus de bouteilles chez un autre qu’il n’a de bouteilles de cet acteur avec lui, il paye la différence en argent, au prix de consignation de la bouteille. Ce mécanisme permet une bonne circulation des bouteilles et une stabilité des parcs bouteilles des entreprises.

Les autres acteurs ont des milliers de bouteilles de Total qui n’a curieusement pas leurs bouteilles, et qui refuse de déconsigner les siennes

Or, il s’est trouvé que depuis un bon moment, Total ne respecte plus ce principe. Il ne prend plus ses bouteilles, des milliers, qui sont chez les autres acteurs. Allez à Touba Gaz, à LMDB, ce sont des milliers de bouteilles de Total qui sont stockés sur place (comme sur les photos). Or chaque bouteille de totale qui est chez LMDB, par exemple, est une bouteille de moins pour l’entreprise. S’il y a mille bouteilles de Total, c’est mille bouteilles de moins dans le parc de LMDB. Idem à Touba Gaz. Ces milliers de bouteilles vides de Total qu’elles détiennent et qu’elles ne peuvent pas remplir et mettre sur le marché, sont l’équivalent de leurs bouteilles qui devraient être chez Total. Mais curieusement, Total n’a plus aucune de leurs bouteilles. Ce qui en principe devrait être impossible. Où sont passées ces bonbonnes de LMDB, Touba Gaz…échangées avec des bouteilles de Total ? Quoi qu’il en soit, mettant moins de bouteilles dans le marché, il y a forcément des zones mal approvisionnées, d’où cette pénurie. Une pénurie aggravée par le fait que ces sociétés (LMDB, Touba Gaz, Ola gaz) qui ne tolèrent plus le jeu de Total, refusent maintenant d’échanger leurs bouteilles avec celles de la multinationale française. L’autre aspect de cette pénurie (car une pénurie de bouteilles revient à une pénurie de gaz sur le marché), que le ministre n’a pas souligné, c’est le fait que Total n’assure plus correctement sa part de marché, autour de 15%. Cela, notamment avec les dernières explosions de bonbonnes de gaz qui la mettaient en cause, la poussant à retirer certaines bouteilles du marché. Pire, Total n’injecte plus de bouteilles dans le marché, contrairement à LMDB et à Touba Gaz qui en importent régulièrement des milliers. Et cela est vérifiable au niveau du système Gaïndé. Alors qu’elle ne met plus de nouvelles bouteilles dans le marché, son stock de bouteilles déjà très faible par rapport aux autres, est encore amoindri par ses milliers de bouteilles consignées par ses concurrents et qu’elle refuse de déconsigner. Ce qui naturellement diminue drastiquement sa production mise sur le marché, où elle détient 15% des parts environ, créant par conséquent un déficit, à l’origine de ce qui est appelé aujourd’hui pénurie. D’ailleurs, ces deux principaux concurrents sénégalais qui dominent le marché, selon nos sources, ont fait de grosses commandes de bouteilles, pour pouvoir compenser le vide laissé par Total et récupérer sa part de marché. En attendant, à Touba Gaz comme LMDB, les tonnages ont été revus à la hausse. Un signe de plus qu’il n’y a pas en réalité un déficit de bouteilles, mais un disfonctionnement de l’interchangeabilité.

La «fuite» des bouteilles vers les pays frontaliers a peu d’impact dans la situation actuelle

Par ailleurs, Felix Antoine Diome a déclaré comme autre cause du manque de bouteilles, le fait que certaines bouteilles passent les frontières, du fait du «niveau de consignation ou de déconsignation élevé dans certains pays voisins». Certes c’est la vérité. Par exemple, la bouteille de 2,7 Kg de LMDB, qui coute 1963 Fcfa, est consignée à 4500 Fcfa ; la bouteille de 6kg qui coute 13224 Fcfa est consigné à 6000 Fcfa et la bouteille de 9kg qui coute 16847 Fcfa est consigné à 8500 Fcfa. Des tarifs beaucoup plus bas que ceux pratiqués dans les pays limitrophes. Mais les tarifs ont été toujours quasiment les mêmes et il y a toujours eu ces flux vers les pays voisins, sans que l’on ne connaisse tout le temps la situation que nous vivons aujourd’hui. C’est dire que ce facteur pèse beaucoup moins dans cette situation ; en tout cas, beaucoup moins que le problème de l’interchangeabilité. En réalité, il y a suffisamment de bouteilles dans le pays, mais le non-respect des termes de l’interchangeabilité par Total fait que des milliers de bouteilles sont stockées sans possibilité de les remplir et les mettre sur le marché. Sans compter que pour le peu de bouteilles qui restent à la société française, ses concurrents n’acceptent plus de les prendre. Ce qui fait que ceux qui ont des bouteilles de cette marque ont du mal à les recharger. Si les autorités veulent régler le problème, elles savent où agir. Faire en sorte que l’interchangeabilité marche correctement de nouveau.


Mbaye THIANDOUM