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IDRISSA SECK: Du silence au «péché» politique

Depuis plusieurs semaines, le Sénégal est au centre de l’actualité mondiale, suite au report de la présidentielle, qui a fait naître une vive tension politique et de fortes craintes et préoccupations quant à l’avenir du pays, aussi bien pour les Sénégalais que pour ses partenaires à l’international, qu’ils soient des pays, des entités régionales ou des institutions internationales.

Mais pendant que le pays est à la croisée des chemins et son avenir politique, économique et social, plus que menacé ; pendant que tous les citoyens épris de paix, de stabilité, de justice, de démocratie… ; pendant que toute la classe politique, les candidats à la présidentielle en premier, la société civile, les religieux, sont mobilisés autour de la recherche de la meilleure solution pour sortir le pays de cette «impasse», un homme politique de premier plan, avec des ambitions présidentielles longtemps énoncées, brille par son absence et son silence : Idrissa Seck. Où est donc passé Mara ?

Celui-là même qui s’était autoproclamé leader de l’opposition est invisible et inaudible pendant que le pays est au bord du précipice. De quel pays, le leader de Rewmi est alors candidat à la présidentielle ? Peut-on prétendre diriger un pays, alors qu’on est capable de rester indifférent à son sort, au moment où dans ce pays et dans le monde entier les gens se mobilisent pour le sauver ? Comment vouloir avoir la confiance du peuple, quand on est capable, en tant que leader politique, de rester sourd à l’appel de détresse de ce même peuple ; quand on n’est pas capable de se tenir à côté de ce peuple dans ces moments de crise ? Celui qui voulait être 4e président (Idy 4 président) a-t-il renoncé à son rêve de diriger le pays ?

Même si c’était le cas, cela ne pourrait justifier son silence sur ce qui se passe dans le pays et qui a fortement secoué ses fondations constitutionnelles, institutionnelles et démocratiques. Honte à qui peut se taire, quand le pays brûle, serai-on tenté de dire, pour paraphraser Lamartine. Comment un prétendant à la magistrature suprême peut se taire alors que tout le pays bruisse de protestations ? Car, comme le soutient Abraham Lincoln, «le silence devient péché, lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation…».

Si Idrissa Seck, 2e à la présidentielle de 2024, un des doyens des leaders politiques actuels est capable de s’emmurer dans le silence pendant que le pays crie contre le report anticonstitutionnel de la présidentielle, pour laquelle il est lui-même candidat, mérite-t-il vraiment de le diriger ? Peut-on prétendre diriger un peuple, alors que par de purs calculs politiciens (jusqu’à ce qu’il prouve le contraire) on se retient d’être à côté de ce peuple, en ces moments où il a le plus besoin de guides, de leaders conscients des jeux et enjeux en cours, qui lui parlent et lui indique et éclaire la voie à suivre ? On ne peut pas prétendre diriger le Sénégal et se payer le luxe de se mettre en marge du débat politique et publique actuel.

L’homme est certes connu pour son sens du culte de la personnalité, avec le plus de mystère possible autour de sa personne, mais aussi pour son «intelligence politique supérieure», qui malheureusement, lui joue très souvent des tours et qui paradoxalement, jusque-là, n’a fait que l’éloigner du fauteuil présidentiel, à chaque fois qu’il s’en approchait. Les compromissions de dernières minutes, au moment le moins attendu, auprès de Wade et de Macky Sall qui lui ont coûté cher politiquement sont encore vivaces dans les esprits des Sénégalais.

Mais ce silence, cette indifférence, à la limite, ce cynisme politique dont il fait preuve en ce moment ne saurait s’expliquer ni par le culte de la personne, ni par une quelconque stratégie politique. Et au cas échéant, il y a peu de chance qu’elle soit plus aboutie que celles qu’il a toujours déroulées, mais qui se sont quasiment tous retourné contre lui.

«Bala nga né nam néfa», disent les Wolof. On ne peut pas convaincre les électeurs en les fuyant et en fuyant les problèmes du pays. S’il veut toujours aller à la conquête des suffrages des Sénégalais, il faudra forcément qu’il s’implique dans leur quotidien, qu’il vit leurs problèmes, leurs peurs, leurs joies et leurs peines. Si Idy veut être ce «saint» qui sera porté à la tête du pays, il devrait savoir mieux que quiconque, que «jamais les Saints ne se sont tus (Blaise Pascal)». Il gagnerait à prendre la parole, sa parole qui était écoutée, sa parole qui lui valait beaucoup de soutiens et de sympathie, sa parole qui risque, hélas, d’être haïe, du fait de son silence devenu une véritable «persécution» contre le peuple.


Mbaye THIANDOUM