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« La prison est un espace de coercition, et dans nos États, c’est un espace qui vulnérabilise et qui fragilise les individus » (Felwine Sarr)

Dans un élan de décrispation de la situation politique très tendue dont le Sénégal est en proie depuis le report de l’élection présidentielle du 25 février, des centaines de détenus politiques continuent d’être libérés. Après plusieurs mois de détention dans des conditions d’une atrocité inouïe qu’ils racontent eux-mêmes, ils n’ont pas perdu un poil de leur engagement pour la démocratie. En atteste le slogan unanime qu’ils lancent à leur sortie : « Fcus ! Le combat continue. » Une détermination qui fascine l’enseignant-chercheur et philosophe Felwine Sarr.

Invité de l’émission « Objection » de ce dimanche sur Sud Fm, l’auteur d’ »Afrotopia » a passé au crible cette détermination des détenus politiques qui reflète, selon lui, l’attachement frénétique du peuple sénégalais à la démocratie. En les regardant et en les entendant, souligne Felwine, « les détenus politiques libérés nous font réfléchir ». « J’ai compris que ce qui se jouait était important. Parce qu’en principe, l’espace démocratique est un espace de citoyenneté capacitaire (où l’on capacite les citoyens) où l’on est censé produire des sujets de droit. Ce n’est pas un espace où l’on est censé vulnérabiliser les individus », analyse-t-il.

Inversement, poursuit-il, « la prison est un espace de coercition, et dans nos États, c’est un espace qui vulnérabilise et qui fragilise les individus. Ce sont des espaces en principe de dé-citoyenneté ou d’a-citoyenneté. Et pourtant on a vu dans ces lieux-là des individus sortir plus citoyens que jamais. Malgré les brimades, les vulnérabilités et les violences qui leur sont infligées, sortir et être beaucoup plus déterminés pour lutter pour des principes d’équité, d’égalité et de démocratie ».

« Les Sénégalais sont attachés à leur démocratie et sont prêts à payer le prix »


 À en croire, le directeur de l’UFR Crac (Unité de formation et de recherche des civilisations, religions, art et communication) de l’UGB, quand on veut connaître une société, on la regarde dans ses lieux autres : dans ses hôpitaux psychiatriques, dans ses prisons. « A travers ces lieux, on voit comment elle (la société) traite la dignité humaine. Tous les individus qui sont passés par ces espaces d’incarcération en sorte avec des récits qui sont absolument effrayants, constate-t-il. Malgré tout cela il y a quand même chez ces individus-là un désir de reconstruire un corps collectif qui fonctionne sur la base de la justice, de l’équité et de la dignité humaine ».
« Je les trouve admirables », déclare Felwine Sarr. Selon lui, « cela montre le profond attachement des Sénégalais à leur démocratie. Ils sont prêts à payer le prix de la lutte pour cela. Et quand ils sortent, ils sont beaucoup plus démocrates que jamais. C’est une leçon que nous devons réfléchir et méditer ».