«Le Mackysme» : De l’empirisme à la modélisation (Dr Cheikh Kanté)
Au moment où le chef de l’Etat a annoncé son départ du pouvoir en 2024, occasion ne pouvait être plus propice pour revenir sur sa vison, son action, son bilan matériel, mais aussi immatériel. Et pour cela, nous avons fait recours à un des meilleurs théoriciens de la pensée et de l’action du président Macky Sall : le Dr Cheikh Kanté, Ministre d’Etat. Ci-dessous, l’intégralité de l’étude qu’il a réalisé pour nous, sur la doctrine de Macky Sall, que nous appelons le «Mackysme».
Pour répondre aux objectifs de politiques économiques, et lutter contre la rareté, la croissance quantitative de biens et services a toujours été particulièrement privilégiée. Au fil des ans, les fractures sociales générées par ce mode de création de richesse se sont fortement creusées, du fait de l’accroissement des inégalités qu’elle engendre dans le monde et plus particulièrement en Afrique.
Depuis quelques années, en effet, de nombreux experts considèrent que la croissance n’est pas forcément synonyme d’émergence et de développement : la croissance sans création d’emplois, celle qui accroît les inégalités, la croissance sans progrès pour une société plus démocratique, celle qui s’accompagne d’une perte d’identité culturelle, la croissance sans gouvernance nécessaire à la préservation des ressources en faveur des générations actuelles et futures, n’est pas celle qui est envisageable et adaptée pour la recherche du bien-être des populations.
Face à ce constat sans appel, un nouveau concept est né, celui de la croissance inclusive qui, relativisant la croissance traditionnelle essentiellement quantitative, repose sur une approche éthique du développement économique et social, susceptible de générer une amélioration durable du bien-être des communautés. Traditionnellement, on estime que les sociétés peuvent faire un choix entre croissance élevée et corrélée à des inégalités importantes ( comme les États-Unis), ou plus d’égalité et d’équité sociale, mais au prix d’une croissance plus faible ( comme la Suède et la France). Récemment, les travaux du Centre des Apprentissages de l’OCDE ont établi la fin d’une vérité acceptée et qui a largement prospéré, celle d’un « Trade off » entre inégalités et croissance.
Pour ces experts, les inégalités ne peuvent en aucun cas être un facteur de croissance supplémentaire, et dans bien des cas, elles sont la cause d’une croissance moindre. Ces travaux montrent qu’au cours des vingt dernières années, l’évolution moyenne des inégalités dans les pays développés leur a fait perdre 0,35 point de croissance par an sur 25 ans, soit une perte cumulée de 8,5% du PIB. A titre d’exemple, ce rapport de l’OCDE estime que le creusement des inégalités a coûté plus de 10 points de croissance au Mexique et à la Nouvelle Zélande, près de 9 points au Royaume-Unis, et environ 6 à 7 points à l’Italie et aux USA.
A l’inverse, une situation plus égalitaire a contribué à faire progresser le PIB par habitant, en Espagne, en France, et en Irlande. Les experts ne croient plus à l’argument classique qui considère comme normal que la croissance s’appuie sur les inégalités. Ils soutiennent, au contraire, que les inégalités entraînent une perte du capital humain qui affaiblit la croissance. Il est donc clair que les politiques de redistribution qui réduisent les inégalités ne sont pas un frein à la croissance économique, même si les mesures prises en ce sens n’ont pas toujours les mêmes effets positifs.
Des politiques de redistribution mal ciblées, et non centrées sur les outils les plus efficaces peuvent, en effet, se solder par un gaspillage de ressources et devenir des sources durables d’inefficience. Angus Deaton, Prix Nobel d’économie en 2015, estime pour sa part que le progrès est source d’inégalités, et creuse le fossé entre ceux qui en tirent profit et les autres.
Si ces inégalités peuvent être temporairement acceptables, les difficultés surviennent lorsque les informations issues des connaissances et des technologies ne profitent pas à terme à tous. Pour le père du concept aujourd’hui célèbre du « seuil de pauvreté », quelque chose est en train de changer. Plusieurs décennies durant, une certaine approche s’était imposée, qui considérait que lever les obstacles au libre jeu des forces du marché était une condition suffisante pour obtenir une prospérité qui bénéficierait à tous. Cette théorie est largement révolue et même si elle peut expliquer, dans une large mesure, le décollage de certains pays comme la Chine, l’Inde, où le Brésil, elle bute sur deux obstacles : une accélération forte des inégalités sociales, et la résurgence et la persistance d’une pauvreté extrême.
Il ne suffit donc pas que les riches s’enrichissent pour que les pauvres en bénéficient, via un effet de « ruissellement ». Une partie du succès de Trump peut sans aucune doute s’expliquer par cette conception de l’économie qui prévaut aux USA. Dans l’antiquité, le débat sur la relation entre croissance, justice, et inégalités a toujours passionné les esprits.
Aristote, reprenant les idées de son maître Platon, prônait déjà une justice distributive, afin de lutter contre les inégalités les moins acceptables. Depuis, de très nombreux économistes, dont certains Prix Nobel comme Simon Kuznets, Frédéric van Hayec, Amartaya Sen, Joseph Stigliz, et Angus Deaton plus particulièrement, se sont penchés sur cette question cruciale.
«Avec l’arrivée du Président Macky SALL au pouvoir, en 2012, un nouveau modèle de planification fonctionnelle, le « Plan Sénégal Émergent » (PSE), est né, apportant un souffle nouveau à la morosité économique ambiante»
Si pendant des années, on avait estimé que l’économie avait pour objectif principal de lutter contre la rareté, ce n’est plus sa seule mission aujourd’hui. Il est vrai que les économistes libéraux considèrent encore que le marché doit favoriser une allocation optimale des ressources, permettant à chacun de recevoir une rémunération en fonction de sa contribution à l’activité de production. Dans ce cas de figure, les inégalités sont justifiées parce qu’elles sont économiquement efficaces .
Les inégalités de revenus, par exemple, agissent ainsi comme un aiguillon qui pousse les individus à améliorer leur situation. Elles sont des incitations à la performance individuelle, et donc à l’efficacité collective. Au demeurant, il est constant que les inégalités trop accentuées, quelle que soit leur origine, sont un frein au progrès économique et social. La faiblesse des revenus des groupes vulnérables, comme de ceux qui sont marginalisés ou exclus, freine les ratios de consommation.
De la même manière, ne pas lutter contre les inégalités scolaires comporte un risque de compromettre le niveau général de la population active d’un pays, et donc sa compétitivité. Pour réduire ces risques, de nombreux pays européens ont mis en place des politiques de réduction des inégalités sociales. Quant aux pays africains, ils continuent de souffrir d’inégalités sociales organiques, héritées de la colonisation, et entretenues par des modèles économiques souvent inappropriés, et inadaptés. Avec l’arrivée du Président Macky SALL au pouvoir, en 2012, un nouveau modèle de planification fonctionnelle, le « Plan Sénégal Émergent » (PSE), est né, apportant un souffle nouveau à la morosité économique ambiante.
Le PSE, ce modèle économique achevé, est devenu un contrat social (au sens de Rousseau) qui le lie à son peuple…C’est un mode de planification économiquement viable, socialement équitable et écologiquement reproductible, qui prend en compte la nécessité d’équité territoriale. Il associe l’empirisme et la modélisation.
La force et l’originalité du PSE est d’être un concept novateur dont la mise en œuvre assure une croissance inclusive, adaptée aux réalités de la demande sociale, au Sénégal. Le PSE est le rêve d’un homme, son ambition, et le modèle qu’il a conceptualisé et réalisé, dans l’objectif de sortir son pays de la pauvreté, et de donner à chaque Sénégalais les mêmes opportunités. Le PSE, ce modèle économique achevé, est devenu un contrat social (au sens de Rousseau) qui le lie à son peuple, et qui est systématiquement contrôlé et évalué, et reconnu pour son indéniable réussite. Historiquement, les pays africains, d’une manière générale, ont souvent eu du mal à relever les défis de la mise en œuvre de leurs plans stratégiques. Rares sont également les pays qui se sont approchés au mieux des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD).
Au Sénégal, nous avons connu plusieurs cycles de planification: des plans quadriennaux entre 1961 et 1989, à partir de 1989 et jusqu’en 1995, des plans quinquennaux d’orientation pour le développement économique et social, de 1996-2001, le 9ème plan d’orientation pour le développement économique et social, des Documents Stratégiques de Réduction de la pauvreté , le Document de Politique Économique et Social, la Stratégie de Croissance accélérée (SCA), le Plan d’Orientation pour le Développement économique et Social, remplacé finalement par le PSE.
Ce dernier plan est un mode de planification économiquement viable, socialement équitable et écologiquement reproductible, qui prend en compte la nécessité d’équité territoriale. Il associe l’empirisme et la modélisation. Un empirisme né de l’expérience capitalisée par le Président Macky SALL tout au long de son parcours politique et administratif, qui lui a permis de vivre toutes les pulsions de son peuple et les réalités des territoires, en parcourant plusieurs fois le pays, pour écouter et entendre la voix du peuple, et constater la réalité du Sénégal des profondeurs. Cette expérience a naturellement favorisé la modélisation de sa doctrine du « Yonu Yokute » (une voie pour le mieux-être) en l’adaptant aux réalités de la gouvernance étatiques, et en tenant compte des facteurs endogènes et exogènes.
Les résultats de la mise en œuvre sont tangibles et palpables. Les égrener devra faire l’objet d’une autre contribution. Sans aucun doute, le PSE, avec ses différentes composantes, est la traduction de la volonté d’un Leader africain de prendre en charge le destin de son peuple, en misant sur ses propres ressources, tout en s’ouvrant au monde extérieur. Le Président Macky SALL a su démontrer qu’il est possible pour les Africains de compter sur eux-mêmes, pour créer les conditions d’un décollage pour l’émergence. Il a modélisé les conditions d’une croissance inclusive, articulée à la chaîne de valeur territoriale, sans occulter les conditions de forme et de fond.
En terme de classification fonctionnelle, le PSE est devenu aujourd’hui, une innovation et un outil doctrinal qui a tracé une nouvelle voie africaine d’interaction économique et sociale. L’implication personnelle du Président Macky SALL dans le processus de monitoring est une grande rupture, qui a permis de gagner des batailles clés et d’entreprendre des réformes qui ont accompagné les séquences de croissance durable que le Sénégal a comptabilisé depuis la mise en œuvre du PSE.
Sans aucun doute, le PSE, avec ses différentes composantes, est la traduction de la volonté d’un Leader africain de prendre en charge le destin de son peuple, en misant sur ses propres ressources, tout en s’ouvrant au monde extérieur.
La leçon doctrinale du PSE est que l’État s’est réinventé pour devenir « un État stratège », doté d’une vision globale, et qui gère avec rigueur ses ressources, pour le bien-être des populations.
Le Président Macky SALL apparaît ainsi comme une réincarnation multifonctionnelle et multidimensionnelle d’économistes et philosophes reconnus. A ce titre, il a incarné et mis en œuvre la logique Keynésienne d’Harold- Domar, en maîtrisant l’endettement public qui a rendu possible de nouveaux investissements. Concomitamment, il a su gérer d’une manière rigoureuse l’équilibre budgétaire, à travers les critères de convergence communautaire. Le retard de croissance du Sénégal, des Indépendances à l’année 2012, peut être estimé à 60 ans, soit un cumul des cycles de kondratief et de juglar. Ce retard est en voie d’être rattrapé grâce au PSE, dont les résultats ont confirmé la pertinence de la théorie de mon ami Lionel Zinzou sur « les avantages de l’arriération ». C’est dire que le retard de production pour une transformation structurelle n’est pas un obstacle à la diversification et au progrès qui peut permettre de rattraper le temps perdu. Le PSE dans son modèle qualitatif, est une réincarnation de la logique de « justice distributive » d’Aristote et de Platon, apte à corriger les inégalités les plus inacceptables.
Nous sommes Africains, nous sommes Sénégalais, et nous devons être très fiers de l’être en pensant par nous-mêmes. Ce qui est possible pour l’Amérique doit l’être pour l’Afrique, tout ce que possible pour l’Europe doit l’être pour l’Afrique et tout ce qui possible pour la Chine, le Japon et l’Inde doit être possible pour l’Afrique, et pour le Sénégal en particulier. Le Mackysme, qui a su excellemment donner un sens au décollage économique du Sénégal, a tracé, pour le Continent et pour les générations à venir, une voie nouvelle et sûre pour l’émergence.