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L’artiste plasticien sénégalais Ndoye Douts est mort

Ndoye Douts, plasticien sénégalais, est décédé, le 9 juin à Dakar, à l’âge de 50 ans. La communauté artistique pleure cette figure enjouée, généreuse et prolifique.

Il y avait de la gravité, derrière l’apparente naïveté et le trait enfantin cultivé par Ndoye Douts, un plasticien sénégalais disparu à 50 ans, dans la fleur de l’âge. Sorti major de sa promotion en 1999 de l’École nationale des Beaux-Arts du Sénégal, il était déjà, à ses débuts, passionné par le « désordre architectural » de sa ville, Dakar. Ses installations ont souvent fait partie du programme officiel de la Biennale de Dakar (Dak’Art), avec des séries de dessins reflétant sa ville – et par extension, le caractère intensément urbain du continent.

Récemment rentré du Japon, où il avait exposé pendant un mois, il se disait fatigué, témoigne son ami Olivier Sultan, patron de la Galerie Art-Z, qui a maintes fois accroché ses œuvres à Paris : « Les œuvres de Douts reflétaient parfaitement Dakar, qu’il s’agisse de ses toiles, dessins ou films d’animation : il montrait le bouillonnement permanent et l’énergie de sa ville, la présence de la foule, avec une manière très particulière au niveau plastique de tout mettre sur le même plan : la mer, les pirogues, les voitures, les immeubles et les gens – un vrai kaléidoscope urbain ».

Une personnalité généreuse
Originaire d’une ethnie de pêcheurs puissante à Dakar, l’artiste inscrivait ce mot, « lébou », sur ses toiles, marquées par l’omniprésence de poissons et d’embarcations. « La raréfaction du poisson expliquait le phénomène des départs des migrants en pirogues, un voyage dont beaucoup ne sont jamais revenus, poursuit Olivier Sultan. Il abordait des sujets profonds, même s’il était tout le temps gai et joyeux. Il avait aussi une générosité rare dans les contacts : il portait les vêtements de son ami Cheikha Sigil, dont il avait fait de l’atelier son QG, à Dakar, pour mieux le faire connaître. Et il n’hésitait pas à vous emmener voir d’autres créateurs… ».

Le photographe sénégalais Mabeye Deme, grand fan du travail de Ndoye Douts, évoque un choc lorsqu’il l’a vu pour la première fois, voilà des années, à la Fondation Blachère. « D’un coup, il y avait un trait sur la toile, et puis Dakar dessiné en dessous, avec de grands taxis, de petits lampadaires, de tout petits personnages. Une vraie lecture de Dakar : il pointait les dysfonctionnements avec la circulation et la pollution, mais aussi l’ordre de marche, la vie ».

La bouillonnante Dakar de Ndoye Douts
Le photographe ne peut plus voir les embouteillages à Colobane sans que ne surgissent dans son esprit les toiles de Douts, dont il compare la force de proposition à celle de Djibril Diop Mambéty, cinéaste décédé en 1998. « Les lieux de Dakar filmés par Djibril Diop Mambéty me font aussi cet effet, je les vois à travers son regard ». Lui aussi mentionne la générosité de Douts, « qui était de toutes les familles d’artistes, on le voyait chez le photographe Antoine Tempé, à la Médina, au centre-ville, alors qu’à Dakar, les rapports peuvent être fracturés ».

Le réalisateur français Christian Lajoumard, auteur en 2020 d’un documentaire de 15 minutes sur Ndoye Douts, évoque l’un des « artistes les plus agréables et sympathiques » avec qui il lui a été donné de tourner. « Il aimait les stylistes, changeait de fringues tout le temps, on aurait dit un bouquet de fleurs en permanence. Il était très attaché à son quartier, la Gueule Tapée, et nous allions souvent à Soumbedioune voir la mer, un lieu dont il a beaucoup dessiné les bâtiments dans des toiles très colorées, touchantes ». Ndoye Douts est « parti », comme on dit chez lui. Ses œuvres restent, témoins de cette incompressible liberté de regard qui fait la marque de Dakar.

RFI