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Élections au Paraguay: l’hégémonie du parti conservateur Colorado menacée

Quelque 4,8 millions de Paraguayens sont appelés ce dimanche 30 avril à élire président, vice-président, députés, sénateurs, et 17 gouverneurs provinciaux. Ils sont treize candidats à briguer la magistrature suprême. Celui arrivé en tête au premier tour sera directement élu président.

Vanté pour sa stabilité économique, mais gangréné par la corruption et de plus en plus la narco-criminalité, le Paraguay vote dimanche pour désigner président et parlementaires. Le scrutin pourrait mettre fin à sept décennies d’hégémonie du grand parti conservateur Colorado. Le parti n’a perdu qu’une seule élection présidentielle en 76 ans, mais, jamais la formation conservatrice au pouvoir emmenée par Santiago Peña n’a paru si menacée.

L’héritier du mouvement centenaire assure incarner une nouvelle génération. L’ancien ministre des Finances de 44 ans veut faire oublier le soutien de son parti aux 35 années de dictature. Il assure défendre une vision moderne avec un programme axé sur l’économie et la sécurité. Il se dit convaincu d’incarner au mieux les valeurs de tradition, de famille, d’un pays à la double matrice catholique et guaranie. « Nous sommes une société conservatrice, c’est profondément enraciné en nous […] et nous rend prudents face aux grands changements de société », fait-il valoir. Mais le conservateur traîne comme un boulet les affaires de corruption qui ont valu à plusieurs membres du parti des sanctions de la part des États-Unis. 

Face à lui, Efrain Alegre. L’avocat centriste, 60 ans, a déjà été deux fois candidat malheureux à la présidence. Il sent cette fois son heure venir. Les sondages le donnent au coude à coude (voire légèrement devant, 34-32% selon une dernière enquête), avec Santiago Peña. S’il est opposé comme son rival au mariage homosexuel et à l’avortement, Efrain Alegre, avocat catholique, mise sur des mesures sociales, comme la baisse de 90% des tarifs de l’électricité pour les plus pauvres. Il promet également, sur le plan international, un rapprochement avec la Chine.

« Bien sûr que nous allons gagner, estime-t-il au micro de Santiago Carnieri, correspondant à Asuncion. Les sondages nous donnent seulement une petite d’avance, mais en réalité, nous sommes bien plus nombreux. Il y a une volonté de changement. Le système s’est effondré, il n’est plus viable. Les citoyens le comprennent parfaitement. Nous avons réussi à construire un vaste projet, qui s’appelle « la Concertation ». C’est l’entente la plus large de notre histoire politique. Elle unit des Paraguayens de tous les secteurs. C’est pourquoi nous disons que la Concertation, c’est la patrie. Nous sommes tous ici : Colorados, indépendants, libéraux, tous les secteurs. Nous sommes tous des Paraguayens honnêtes qui voulons le changement au Paraguay. »

Un pays miné par la corruption

Celui qui est à la tête d’une coalition de centre-gauche se présente en pourfendeur d’un « système effondré », un « modèle lié au crime organisé transnational, au blanchiment ». Efrain Alegre concentre ses attaques sur la filiation entre Santiago Peña et son mentor, l’ex-président de 2013 à 2018 et magnat du tabac Horacio Cartes – dont Santiago Peña a été un des ministres. Ce dernier avait été qualifié par Washington de « significativement corrompu » et interdit d’entrée ou de transactions aux États-Unis.

Derrière eux, Paraguayo « Payo » Cubas, 61 ans, candidat « anti-système » au discours incendiaire, a émergé. Remonté contre la fonction publique et le clientélisme, il a connu ces derniers jours une percée notable de 20%. Pas au point toutefois de menacer les deux principaux rivaux.

Puissance agro-industrielle de soja et de viande, exportateur majeur d’électricité, le Paraguay ferait volontiers des envieux. Mais avec 24,7% de pauvreté, palpable dans les « bañados » – ces bidonvilles inondables sur les berges du Parana à Asuncion –, le « gros problème » du Paraguay « est de ne pas avoir atteint un meilleur équilibre dans la répartition des revenus, vers une plus grande équité », diagnostique l’économiste Ruben Ramirez auprès de l’Agence France-Presse. Ce dernier voit aussi dans les accusations de corruption un risque de perte de confiance des marchés à l’international. Le Paraguay est classé 137e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International.