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Soupçons de corruption : Airbus paie 15,9 millions d’euros d’amende pour éviter des poursuites

Le montant de l’amende correspond aux commissions totales versées aux intermédiaires lors de la vente des appareils en Libye et au Kazakhstan (9,8 millions d’euros), selon le PNF.

Une affaire définitivement soldée pour Airbus : l’avionneur européen a accepté ce mercredi de payer une amende de 15,9 millions d’euros en France afin d’éviter des poursuites pénales pour des soupçons de corruption lors de la vente d’appareils principalement en Libye et au Kazakhstan entre 2006 et 2011. Lors d’une audience publique, le président du tribunal judiciaire de Paris Stéphane Noël a homologué une convention judiciaire d’intérêt public (Cjip), conclue entre Airbus et le Parquet national financier (PNF) le 18 novembre, prévoyant le paiement par le groupe d’une amende de 15 856 044 euros.

Pour les magistrats du PNF, qui ont relevé d’un côté le « caractère répété des agissements corruptifs » de l’entreprise et de l’autre l’époque « ancienne » des faits reprochés et la « coopération » du groupe lors de l’enquête, il s’agit d’une amende « équitable, juste, adaptée ». La pénalité ne vaut pas reconnaissance de culpabilité et le géant européen peut donc toujours accéder aux marchés publics.https://4e6c7d575ec44277ea26d7fdf53cbb66.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-40/html/container.html

Cette amende, d’un montant relativement modeste, vient s’ajouter à celle qui avait déjà été fixée dans une précédente Cjip, validée le 31 janvier 2020. Airbus avait alors déjà accepté de verser 3,6 milliards d’euros d’amende, dont 2,1 milliards d’euros à la France, pour éviter des poursuites devant les justices française, britannique et américaine, dans une enquête sur des « irrégularités » portant notamment sur les agents commerciaux intervenant dans les contrats de vente d’avions ou de matériels militaires.

CJIP « complémentaire »

La Cjip de ce mercredi est « complémentaire » à la première, et concerne un même « schéma frauduleux » d’une « époque révolue » pour des faits qui n’avaient pas pu être introduits en 2020 pour des « motifs procéduraux », a souligné le procureur national financier Jean-François Bohnert. La convention ne prévoit cette fois-ci pas de plan de conformité, un tel programme ayant déjà été mis en place lors de la précédente Cjip.

Les faits retenus ont été mis à jour dans le cadre de trois informations judiciaires menées à Paris. La première, sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy, ouverte en 2013, s’est intéressée à la vente fin 2006 de douze avions Airbus au régime de Mouammar Kadhafi.

La deuxième information judiciaire, dite du « Kazakhgate », ouverte en mars 2013, se penche, elle, sur des soupçons de corruption et de commissions illégales versées à des intermédiaires en marge de contrats conclus entre la France et le Kazakhstan entre 2009 et 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ces contrats portaient sur la fourniture d’hélicoptères, d’un centre de satellites, de deux satellites et 295 locomotives, pour un montant annoncé à l’époque de deux milliards d’euros.

Enfin, la troisième information judiciaire concerne des soupçons de corruption du gérant d’une société privée et de son fils pour des contrats notamment en République tchèque, au Koweït et au Turkménistan.

L’avocat d’Anticor dénonce un « accord commercial judiciaire »

Le montant de l’amende correspond aux commissions totales versées aux intermédiaires lors de la vente des appareils en Libye (6 millions d’euros) et au Kazakhstan (9,8 millions d’euros), selon le PNF, précisant que dans le cadre de la troisième instruction il n’avait pas pu être établi que des commissions avaient été effectivement versées.

Lors de l’audience, la défense d’Airbus a salué cette procédure. Avec la mise en place du programme de conformité, « le système a été profondément transformé », a assuré Me Gilles August, un des avocats du groupe.

« La poursuite de l’intérêt économique vous conduit à faire de la justice une transaction, c’est-à-dire un accord commercial judiciaire », a lancé pour sa part Me Jérôme Karsenti, avocat de l’association Anticor, au PNF. À l’issue de l’homologation, Vincent Brengarth, avocat de l’association Sherpa, a de son côté déploré le côté « prévisible » de cette « validation annoncée ».

Il avait en début d’audience demandé la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité pour contester « le rôle résiduel » des parties civiles dans la conclusion des Cjip, celles-ci n’étant actuellement pas parties au processus. Cette demande, qui aurait impliqué une suspension de la convention dans l’attente d’une réponse du Conseil constitutionnel, a été jugée irrecevable par le président du tribunal.

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