LA CHRONIQUE DE MLD : Une croissance de combat…
Dès l’avènement d’Amadou Ba au forceps, le Président de la République avait tôt fait d’annoncer la couleur en parlant d’un gouvernement dit de combat.
Combat contre la vie chère ou combat de politique politicienne ?
A la lumière des toutes dernières décisions, cette croissance économique projetée en 2023 à 10% à la faveur du début d’exploitation des hydrocarbures( pétrole et gaz)est un signal fort en perspective de lendemains meilleurs pour des populations fortement éprouvées par le coût élevé de la vie.
Ce qu’on oublie de préciser, c’est que partout à travers le monde, la croissance à deux chiffres n’est pas une panacée. Autrement dit, il serait illusoire de promettre à brûle-pourpoint un Eldorado hypothétique aux Sénégalais. Surtout que ce qui se passe encore dans ce pays n’obéit à une aucune logique économique : nous ne produisons pas assez ce que nous consommons au quotidien. Il en est ainsi de toutes ces denrées stratégiques de consommation courante comme le riz importé d’Asie, l’huile, le blé russe et ukrainien ou encore l’oignon hollandais très prisé par la gent féminine.
En outre, un pays comme la Côte -d’Ivoire, locomotive de l’espace Uemoa, avait déjà affiché une croissance à deux chiffres en 2015 (10,3%), ce qui n’a jamais empêché la persistance de la pauvreté au sein des masses laborieuses.
Le problème dépasse largement cette simple croissance à deux chiffres, il faut plutôt veiller à ce que la croissance soit tirée par les secteurs à fort ancrage sociétal et à haute intensité de main d’œuvre comme l’agriculture ou encore l’industrie.
Lorsqu’ une croissance est boostée par les hydrocarbures ou les mines, elle est rarement, du moins difficilement inclusive en ce qu’elle profite très peu à toutes les couches de la population. Surtout que la gouvernance des fortes recettes issues de la vente du pétrole et du gaz est souvent d’une opacité affligeante. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans un autre pays ouest-africain comme la Sierra-Leone où une forte croissance drivée par les mines ne profite jusque-là qu’aux multinationales qui rapatrient les énormes profits en Occident en maintenant les populations autochtones dans la misère la plus noire.
Il faut aussi se méfier du fétichisme de ces chiffres souvent manipulés par les techniciens des ministères de tutelle d’autant que dans plusieurs pays africains, les taux de croissance annoncés par les gouvernements diffèrent souvent des chiffres avancés par le FMI.
Autrement dit, les Etats africains sont plutôt dans la gestion de leur image donc la communication. C’est sans doute ce qui explique l’usage de slogans pompeux comme ce budget dit de solutions que va voter dans les meilleurs délais l’Assemblée nationale du Sénégal.
2023 a été décrétée année sociale par le régime Benno mais ce sera sans doute une année de combat en perspective d’un probable troisième mandat d’où l’usage du vocable budget électoral par l’opposition parlementaire.
Quand le pouvoir travaille durement pour consacrer pas moins de 45% du budget aux subventions à la santé et à l’équité sociale, on se rend compte des efforts non négligeables fournis pour le maintien des prix de l’électricité, du gaz et des denrées de première nécessité à leur niveau actuel voire en deçà.
En dernière instance, le budget n’est rien d’autre qu’une prévision de recettes et de dépenses sur un exercice annuel.
Hormis les recettes douanières, la fiscalité est l’une des niches centrales permettant de mobiliser les fonds et cette nouvelle n’est pas rassurante : Sur 6 millions d’actifs imposables, moins de 10% des Sénégalais paient effectivement l’impôt soit un total de 25 000 dossiers actifs selon la Direction générale des impôts et domaine (DGID). On se demande encore par quel tour de passe-passe les 90% de potentiels contribuables parviennent à passer entre les mailles du filet. Il est vrai que nous avons affaire à un domaine fortement corruptogène…
Depuis le temps qu’on nous bassine avec des slogans pompeux comme l’élargissement de l’assiette fiscale avec un dispositif de collecte simple, efficace et incitatif, on demande encore à constater de visu ce qui a fini de prendre les contours de l’Arlésienne.