Lettre ouverte au Ministre de l’Hydraulique sur la pénurie d’eau à Kédougou: «L’indifférence des autorités publiques est inacceptable»
Monsieur le Ministre,
L’eau est la ressource la plus importante pour l’humanité, elle est nécessaire à la convergence de toutes les activités sociales, économiques et environnementales. C’est la condition de toute vie sur notre planète, un facteur de croissance ou de limitation de tout développement social et technologique, une source possible de bien-être ou de misère, de coopération ou de conflit.
Au moment où est chanté au peuple sénégalais, tous les jours, la litanie des exploits et vertus du PSE, plus de 95% de la région de Kédougou stagne dans une pénurie d’eau courante et potable, inacceptable dans notre pays au 21è siècle.
Cette tragédie est certes encore trop habituelle dans notre pays, dont les populations de plusieurs régions de l’intérieur, notamment les femmes, doivent encore se résoudre à la corvée d’eau plusieurs fois par jour. Cette situation est inacceptable dans cette région du Sud-est pour deux raisons au moins : Kédougou est situé dans le sud-est avec une des pluviométries les plus fortes du pays et la nature a doté cette région de nombre de cours d’eau naturels (fleuves, mares, étangs et chutes…).
Mais l’inacceptable, c’est surtout l’indifférence affichée des autorités publiques face à ce lancinant problème qui assaille régulièrement les populations de cette région, depuis quelques années déjà.
Comment peut-on parler de développement, d’émergence, de paix et de cohésion nationale dans un contexte où le minimum vital que l’État doit assurer est absent, avec toutes les conséquences que cette pénurie entraine?
Chaque jour, ce sont des milliers de nourrissons qui en pâtissent, des milliers de Kédovins qui se coltinent toutes sortes de maladies, des élèves qui arrêtent l’école pour aider les parents à trouver l’eau.
Qu’est-ce qui donne le droit de rester aussi insensible devant tant de souffrance? Le faible poids électoral de la région ? L’absence de ses enfants dans les hautes sphères de l’État ? Je ne puis me l’expliquer.
Cette indifférence des pouvoirs publics responsable au premier chef du traitement de cette question, frise la non-assistance à personnes en danger et une démission des responsabilités que le peuple sénégalais leur a donné mandat d’assumer. Oui, une indifférence des pouvoirs publics qui montre en réalité une crise de vision tant sur le plan politique, économique que social quand il s’agit des régions de l’Interland.
Monsieur Le Ministre,
Il y a quelques années et tout récemment encore, à l’occasion de la session budgétaire de 2018, vous vous êtes engagés à résoudre le problème d’eau à Kédougou à travers un programme dit d’urgence pour permettre aux populations de vivre décemment et dignement. Le verdict des faits parle aujourd’hui : toujours pas d’eau à Kédougou.
Il y a environ un an à la veille des élections législatives, pour certainement amadouer les populations vous êtes allé jusqu’à faire la pose de la première pierre d’une série de forage prévue. Un an après : toujours la seule brique posée et plus aucune réaction.
Monsieur Le Ministre,
Nous attendons que vous replaciez au cœur de l’action publique la question de l’eau et de l’assainissement. N’est ce pas le temps de l’action ? L’accès à l’eau est un droit fondamental inaliénable pour la préservation de la dignité humaine et une condition sine qua non de notre développement.
Un pays qui postule à l’émergence à l’horizon 2035 ne peut se permettre le luxe d’être confronté à des problèmes aussi durables pour ce qui est de l’accès à des services de base, dont la puissance publique à l’obligation d’assurer la disponibilité en qualité et à moindre coût pour tous.
Tant d’années de soif et de privation d’eau, ça suffit !
Les populations de Kédougou de dire : que ne construisez-vous pas les forages qu’il faut à la place d’une résidence présidentielle secondaire à Diamniadio, qui ne revêt aucun caractère d’urgence ?
Que ne mettez-vous pas à profit le potentiel hydrographique de cette région ? Non seulement la soif y serait un lointain souvenir, mais les étendues de terres ainsi irriguées seront mises en valeur par une agriculture et un élevage qui ne sera plus de transhumance, seuls voies efficaces et pérennes pour fournir les emplois et l’activité économique légitimement attendus par nos populations.
Au nom de la cohésion nationale, des lois de la République et notamment de la Constitution sénégalaise, et enfin de votre devoir de préservation de la dignité humaine et des vies, je vous interpelle solennellement : Kédougou, ne mérite pas de vivre plus longtemps ainsi privé d’eau courante et potable.
Je me fais le porte-parole de ces populations pour exiger le retour sans délai de l’eau.
Si rien n’est fait, je vous notifie d’ores et déjà que j’appellerai et encouragerai les populations à mettre en œuvre une série de mesures de protestation : signature d’une pétition nationale, marche pacifique devant la gouvernance et enfin, si rien n’est toujours fait, boycott du paiement des factures d’eau jusqu’à nouvel ordre.
Fait à Dakar, le 20 mars 2018
Moustapha GUIRASSY, Député, Président de Sénégalais Unis pour le Développement (S.U.D)