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RENDEZ-VOUS AU-DELA DE LA RENTRÉE UNIVERSITAIRE EN FRANCE : Le calvaire, l’angoisse et le désespoir d’étudiants sénégalais en quête de visa

Malgré les assurances du secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, Moïse Sarr, le problème de visa auquel sont confrontés des étudiants sénégalais admis dans les Universités françaises persiste. Avec des rendez-vous au 15 septembre pour certains, plus d’une semaine après la date de rentrée, des rêves pourraient être brisés. « Tu déposes, les lenteurs administratives bloquent le dossier ; Tu veux des renseignements, tu ne trouves pas d’interlocuteur ; Tu es dans l’imbroglio total ; (Au final), la demande est refusée. Les frais de dossiers et autres, aucun remboursement de la part de l’ambassade. » Le résumé de la situation fait par cet étudiant de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis traduit le calvaire que vivent beaucoup de ses camarades élèves et étudiants passés par Campus France pour l’obtention de préinscription dans les Universités françaises. Après leur acceptation, ils sont aujourd’hui confrontés à un problème de rendez-vous à l’ambassade de France pour les besoins du visa. Problème : ceux qui n’ont pas encore connu le sort peu enviable décrit par notre interlocuteur risquent la forclusion.En effet, alors que la rentrée universitaire est fixée au 05 septembre 2022, ils sont nombreux à être dans l’expectative sur la dernière étape de la pré-inscription, la phase consulaire. D’habitude, les dépôts débutent en juin. Mais, cette année, les demandes ont été ouvertes en juillet. Avec le temps qu’il faut pour le traitement des dossiers, des passeports sont encore dans le circuit depuis environ deux mois loin de leurs propriétaires, dans l’attente d’une notification de leur disponibilité.En cas d’accord hors délai, l’étudiant devrait faire face à un coût plus élevé du billet d’avion, sans compter le retard qu’il accuserait auprès de l’Université qui devait l’accueillir. Une décision défavorable intervenue dans les mêmes circonstances le priverait de la possibilité de faire une nouvelle demande, anéantissant tous ses efforts et ceux de sa famille.La problématique des frais non-remboursables en cas de refusSecrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, Moïse Sarr avait pourtant obtenu des autorités consulaires françaises, lundi après une rencontre avec une délégation de l’ambassade de France au Sénégal, le renforcement de «ses équipes avec quatre (4) agents supplémentaires dont un (1) venant de Paris, l’allongement des journées de travail (heures sup), l’augmentation des créneaux journaliers, l’ouverture récente de 1200 nouveaux rendez-vous de dépôt à VFS pour, entre autres, plus de diligence dans le traitement des demandes de visas de nos compatriotes toutes catégories confondues, avec une priorité accordée aux dossiers des étudiants dans le contexte actuel». Seulement, à l’épreuve des faits, des énormes lenteurs ainsi notées, il semble que le problème reste donc entier.Des retards qu’a reconnus l’ambassade de France au Sénégal dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux le 26 juillet, rapporte le journal Le Monde dans un article publié le 31 août et intitulé : «Au Sénégal, les difficultés à obtenir un visa pour la France suscitent inquiétude et exaspération». «Le consulat général fait face à une augmentation de plus de 250 % des demandes de visa court séjour par rapport à la situation pré-Covid. Nous comprenons que cela génère beaucoup d’impatience et de frustration, ce que nous regrettons », a justifié la diplomatie française. «Nous mettons vraiment tout en œuvre pour réduire les délais de traitement et restituer les passeports au plus vite, dans un contexte tout à fait inédit de reprise de l’activité », assure-t-elle. Pour Karim Ben Cheikh, député de la neuvième circonscription des Français de l’étranger (Nupes), « les personnels consulaires ne disposent pas des moyens pour bien réaliser leur travail ». Tout juste désigné rapporteur spécial du budget de l’action extérieure de l’Etat pour la commission des finances, il pointe la responsabilité d’une « politique de réduction de personnels dans les consulats, avec 30 % de postes supprimés depuis dix ans». Lors d’une audition au Sénat le 28 juillet, le ministre délégué pour les Français de l’étranger, Olivier Becht, avait lui-même constaté que la France avait « désarmé [ses] services consulaires ces dernières années.Exacerbation de frustrations qui font grossir un sentiment anti-françaisAu Sénégal, Guy Marius Sagna n’avait pas manqué d’alerter, dénonçant la posture de l’ambassade de France, identique selon lui à «quasiment toutes les ambassades de l’espace Schengen, de l’Union européenne. (…) Non seulement, ils leur facturent beaucoup d’argent qui n’est pas restitué en cas de non-obtention de visa, mais en plus, ils prennent en otage plus d’un mois le passeport des Africains. Nous demandons à l’ambassade de France de respecter les Africains, les Sénégalais». Avec le SMS facturé à 715 FCfa, des frais de livraison du passeport après la réponse de l’ambassade qui s’élèvent à 11000 FCfa à Dakar et 22000 FCfa dans les régions, difficile de ne pas ressentir une injustice après une décision de refus sans remboursement des frais. Un pays comme le Maroc demande le minimum en cas d’échec de la procédure : le remboursement des frais. Levée de boucliers de plusieurs associations de la société civile au royaume chérifien ont dénoncé la politique systématique de la France de refus des visas à de nombreux Marocains, sans réels motifs et sans remboursement des frais. L’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) a bonnement envoyé une lettre ouverte au président Macron où elle dénonce la façon discriminatoire dont sont traités les demandeurs de visas, demandé le remboursement des frais payés par les demandeurs de visa. D’autres associations annoncent même des poursuites contre les ambassades européennes au Maroc.Qu’en sera-t-il au Sénégal ? De plus en plus de voix s’élèvent pour exprimer un ras-le-bol surtout dans les réseaux sociaux pour dénoncer ce qu’elles qualifient de nouvelle politique de l’ambassade de France au Sénégal et qui alimente le sentiment anti-français grandissant chez les Sénégalais.Le Président Emmanuel Macron a au moins un début de réponse possible à son interpellation sur le sentiment anti-français de la part des activistes africains. Cette situation n’est pas pour arranger les choses. Dans sa déclaration forte à Alger, le 26 août dernier, il demandait à la jeunesse africaine de ne pas se laisser « embarquer parce que votre avenir ce n’est pas l’anti-France, ce n’est pas vrai. (…) Il y a quelque chose dans nos âmes profondes qui nous lient et doit nous permettre de bâtir ensemble ». L’heure est au règlement avec diligence de la douloureuse situation de jeunes sénégalais qui doivent aller étudier en France.Pourtant pendant ce temps, des ambassades, comme celle des Etats-Unis à Dakar a pris des dispositions pour traiter avec célérité les demandes de visas des étudiants qui doivent se rendre au pays de l’Oncle Sam.