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Entrave à la liberté de manifestation : Une dizaine d’organisation de la société civile saisissent les Nations Unies

Pour entrave à la liberté de manifestation constatée, une dizaine d’organisations de la société civile sénégalaise attrait l’Etat du Sénégal devant les Nations Unies en saisissant le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association. Cela, après l’arrêté préfectoral de Dakar en date du 15 juin ayant interdit à Yewwi son droit de manifestation que lui confère la constitution.En effet, dans une note adressée au Rapporteur spécial des Nations Unies, Clément Nyaletsossi Voule, Amnesty International, AfricaJom Center, Y en A Marre, LSDH, Pacte, Article 19 Afrique de l’Ouest, GRADEC, Imagine Africa, Agissons Ensemble, COSCE invitent ainsi l’organisation internationale à «agir et surtout à organiser une mission au Sénégal pour, disent-ils, prendre connaissance et mettre fin aux graves atteintes au droit de réunion pacifique».

Le droit de réunion pacifique garanti par l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et par l’article 21 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. En ce qui concerne la liberté d’expression, qui est inséparable de la liberté de réunion pacifique, elle constitue une liberté fondamentale reconnue par les articles 8 et 10 de la Constitution du Sénégal», ont d’emblée rappelé les signataires de la plainte, évoquant ainsi la journée du 17 juin dont le droit de manifester fut interdite à l’opposition.«En effet, la manifestation du 17 juin 2022, organisée par la Coalition Yewwi Askan Wi a été interdite par le Préfet de Dakar. Cette interdiction a été entérinée par le juge des référés, ce qui a donné lieu à des manifestations populaires qui ont été violemment réprimées», peut-on lire dans le document qui ajoute : «le bilan des violences des forces de sécurité fait état de quatre morts, d’un nombre indéterminé de blessés et de plus de 250 détenus dont deux maires et trois députés détenus arbitrairement en dépit de la protection que leur confère leur immunité parlementaire».

«Depuis sa constitutionnalisation en 2001, la force de la dimension constitutionnelle que revêt la liberté de manifestation n’est plus à démontrer. La reconnaissance d’un régime déclaratif de la manifestation relève de l’évidence, ce qui dispense de toute autorisation préalable au libre exercice d’un tel droit», soulignent Alioune Tine et ses collègues membres de la société civile sénégalaise signataires qui n’ont manqué d’évoquer notre Constitution du 22 janvier 2001 qui en son Art 8 dispose : «La République du Sénégal garantit à tous les citoyens la liberté de manifestation». Une disposition corroborée par cette même constitution qui, en son article 10, stipule : «Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public».«Des droits incontestables fondés sur une obligation de l’État », selon AfricaJom Center, Amnesty International, Raddho, Y’en A Marre et autres OSC signataires de la saisine pour qui «le droit de manifestation n’est ni plus ni moins, qu’une question de droits et libertés fondamentaux».Toutefois, l’autorité administrative peut interdire une manifestation publique que si deux conditions cumulatives sont réunies, l’existence d’une menace réelle de troubles à l’ordre public et l’insuffisance de forces de sécurité nécessaires pour protéger les personnes et les biens, telle qu’indiqué par l’article 14 de la loi n°78-02 du 29 janvier 1978 relative aux réunions « le Préfet ne peut recourir à ses pouvoirs de police administrative qu’en cas de risques avérés –

et non simplement hypothétiques – de troubles à l’ordre public et d’indisponibilité avérée des forces de l’ordre (deux éléments cumulatifs et suffisants, et non alternatifs, exigés par la loi et la jurisprudence constante de la Cour suprême) », martèlent les Organisations de Sociétés Civiles signataires de la présente saisine pour qui l’arrêté du Préfet de Dakar n°193/P/D/DK du 15 juin 2022 portant interdiction de la manifestation du 17 juin, en son article 1er, vise uniquement des « Menaces de troubles à l’ordre public ».Des jurisprudences évoquées par les OSC signataires de la saisine pour étayer leur plainteAfin d’étayer leur plainte devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, les parrains d’invoquer des décisions rendues par la Cour suprême dans des faits similaires dont l’arrêt n°35 du 13 octobre 2011, Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (RADDHO), C/ Etat du Sénégal et dans lequel, la Cour suprême a annulé l’arrêté n° 3284 du 23 décembre 2010 du Préfet du Département de Dakar interdisant le rassemblement pacifique prévu le 24 décembre 2010 à la Place de l’Obélisque, au motif que «le Préfet pour interdire le rassemblement pacifique s’est borné à invoquer la difficulté de l’encadrement sécuritaire».Ils citent ensuite l’arrêt n°37 du 09 juin 2016, Amnesty International Sénégal c/ Etat du Sénégal, la Cour suprême a annulé l’arrêté n° 196/P/D/DK du 29 avril 2015, du Préfet du Département de Dakar qui interdisait le rassemblement pacifique, d’Amnesty international Sénégal, qui devait se tenir devant les locaux de l’ambassade de la République du Congo pour réclamer la libération de jeunes militants arrêtés dans ce pays. Les termes de l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour suprême sont clairs :

«Encourt l’annulation, l’arrêté du préfet qui, pour interdire un rassemblement pacifique, invoque uniquement le risque d’atteinte à la libre circulation des personnes et des biens et le risque d’atteinte à la sécurité, sans justifier l’indisponibilité ou l’insuffisance des forces de sécurité pour y remédier». Et dans l’arrêt n°41 du 28 juin 2018, Eglise du Christianisme Céleste «Paroisse Jéhovah Elyon» contre Etat du Sénégal, la Cour suprême a annulé l’arrêté n°27/P/D/DK du Préfet du Département de Dakar, qui ordonnait la fermeture de la «Paroisse Jéhovah Elyon», invoquant des risques permanents de troubles à l’ordre public, et d’affrontements entre communautés religieuses. La chambre administrative de la Cour suprême a rejeté le motif de trouble à l’ordre public, précisant que la liberté de culte doit être protégée au besoin, avec, le concours des forces de sécurité ; Enfin l’arrêt n° 19 du 23 mai 2019, Assane Ba, Birane Barry et Djiby Ndiaye c/ Etat du Sénégal, où la Cour suprême a annulé l’arrêté n°0305 P/D/C du 31 août 2018 du Préfet du Département de Dakar portant interdiction du sit-in devant les locaux du ministère de l’Intérieur, au motif que le Préfet, s’est borné à invoquer les menaces de trouble à l’ordre public, sans justifier une insuffisance des forces de sécurité nécessaires pour le maintien de l’ordre

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