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LA CHRONIQUE DE MLD PARUE DANS LE QUOTIDIEN L’INFO DU VENDREDI : Mimran, le sucre, l’industrie et nous…

Lorsque Jean Claude Mimran, l’un des plus gros employeurs et contributeurs fiscaux du Sénégal décide de sortir brusquement de sa tour d’ivoire pour faire une sortie publique synchronisée dans trois quotidiens de la place, c’est que la cote d’alerte est largement atteinte .Mieux ou pis (c’est selon),la coupe des investisseurs semble pleine. Mimran n’est pas n’importe qui dans ce pays .Son empire industriel (sucrerie, minoterie,…) fait tourner une frange importante de l’économie nationale. Cette sommité, réputée pour sa discrétion, investit aussi dans le négoce des céréales et de l’or. En ce mois béni de Ramadan, la pénurie artificielle de sucre place forcément l’homme d’affaires français amoureux du Sénégal au cœur de l’actualité. La pomme de discorde réside dans la délivrance incontrôlée et à grande échelle des droits d’importation de produits alimentaires(Dipas) qui ont permis aux commerçants détenteurs de ces précieux sésames d’inonder le marché national en sucre.

Il y’aurait d’ailleurs un marché noir des Dipas, ce qui en dit long sur les méandres d’un business juteux au profit exclusif des commerçants et des autorités politico-administratives en charge de délivrer ces documents. En distribuant ces Dipas en veux-tu en voilà, le ministère du commerce travaille visiblement à renforcer la situation peu enviable du Sénégal de rester encore un immense souk à l’image de ces pays qui ont pris l’option de ne pas s’industrialiser comme la Gambie voisine. C’est que l’industrie du sucre, l’industrie tout court, n’est pas une mince affaire. Il faut avoir le cœur bien accroché et une foi inébranlable pour se lancer dans le secteur secondaire, créateur par excellence de valeur ajoutée mais aussi et surtout gros pourvoyeur d’emplois. Pour rester au cœur de ce débat qui agite l’écosystème de la consommation et alimente la chronique locale, il faut rappeler avec force que pas moins de 8000 emplois du fleuron industriel du nord du pays sont en jeu au moment où la puissance publique est engagée dans une vaste opération de promotion de l’emploi avec notamment l’hyperactivité de la délégation à l’emploi rapide(Der).

De ce point de vue, la puissance publique a intérêt à assurer la protection de ce géant économique que demeure la CSS afin de préserver ces milliers d’emplois dans un contexte de morosité industrielle ambiante marqué par les fermetures massives d’entreprises dans le textile ,les usines de pêche et ailleurs dans le domaine manufacturier. Il ne faut pas perdre de vue que Mimran lui-même demeure le premier employeur privé du pays et joue quasiment le même rôle que le mastodonte industriel ivoirien la Sifca de Jean Louis Billon. Le gouvernement devrait siffler la récréation et mettre fin à cette hérésie économique des Dipas incontrôlés. Surtout que les Sénégalais ont souvenance des importations de produits chinois ayant mis à genoux le tissu industriel du pays juste avant les années 2000. Ce projet de sucrerie de l’Unacois éternellement reporté Les commerçants sont des concitoyens bon teint, ils ont le loisir de s’adonner à leur business pour se tirer d’affaire au même titre que les industriels.

Seulement voilà, il faut veiller à ne pas torpiller la logique économique car les importations tous azimuts de produits alimentaires n’ont jamais développé un pays. En Côte-d’Ivoire, les choses sont pour ainsi dire à l’endroit : ce sont les industriels qui ont l’autorisation exclusive d’importer le différentiel de sucre nécessaire à la consommation. Il semble que sous nos cieux, cette décision consistant à accorder des Dipas aux commerçants obéit plutôt à une logique politicienne. Réunis au sein de l’Unacois, les acteurs de l’informel disposent pourtant d’un vieux projet de création d’une sucrerie qui devrait mener une rude concurrence à la CSS. Depuis trente bonnes années, n’importe qui peut ouvrir une sucrerie au Sénégal. Jusque-là, pas une seule brique n’a été mise sur ce projet qui a fini de prendre les contours de l’Arlésienne.

Les commerçants ont donc reculé. Pourtant l’Etat et la CSS n’empêchent personne d’investir pour renforcer le rachitique tissu industriel qui a besoin d’un véritable coup de semonce. Autrement dit, on ne saurait parler d’un quelconque monopole entretenu par le géant de Richard-Toll. L’un dans l’autre, l’Etat a la mission historique de reprendre la main dans ce dossier afin que les investisseurs qui ont choisi le Sénégal comme destination ne cèdent point au découragement. Si ces derniers se retirent ou se braquent, ce serait au grand dam de tous les acteurs de développement, particulièrement des nombreux croisés d’un renouveau industriel. Il faut veiller à ne pas tuer l’esprit d’entreprise dans un pays en quête effrénée d’émergence.