A la UneActualité

CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Casse-tête et leurres français

 « L’Afrique est plus que jamais décidée à prendre son destin en mainNotre continent ne saurait être la chasse gardée des uns contre les autres. Nous sommes ouverts à tous les partenariats, sans exclusion, ni exclusivité, pourvu qu’ils soient mutuellement bénéfiques et respectueux de nos priorités de développement et de nos choix de société ».

Cette déclaration du président de l’Union Africaine (Ua) Macky Sall le 5 février 2022 à Addis-Abeba, pourrait être attribuée au tonitruant Premier ministre malien sans que celui-ci ne conteste. Tellement elle recoupe l’état d’esprit au Mali.  D’ailleurs, dans son discours prononcé à la tribune de l’Onu le samedi 25 septembre, Choguel Kokalla Maïga a laissé entendre que “la nouvelle situation née de la fin de l’opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires”.

La ligne de conduite tracée par les autorités maliennes est bien visible. Le choix de la société russe Wagner n’est dès lors qu’une logique dictée par une conjoncture très complexe. La façon dont s’est effectué le retrait de la force française Barkhane du Mali, n’agrée pas Bamako qui souligne « une décision unilatérale de la France ». Si on y ajoute le fait que la situation sécuritaire au Mali ne s’est pas améliorée malgré la présence des forces étrangères sur le terrain, que les habitants continuent à souffrir de ces menaces jihadistes, le choix malien se justifie largement. Ou du moins se comprend. 

Une posture guidée par une volonté acharnée d’ouverture à tous ceux qui sont susceptibles d’apporter de la plus-value au bénéficedes « priorités de développement et de nos choix de société ». Et dans un contexte si chargé, ce n’est guère une surprise si Bamako a fait de la sécurité sa priorité numéro 1 dans la mesure où elle est convaincue d’avoir été abandonnée par Barkhane qui n’a pas su mettre fin à l’insécurité après de dix ans de présence.

  2 400 hommes qui devraient quitter le Mali sans avoir atteint des objectifs et pire à un moment où des militaires ont pris le pouvoir et sont grandement soutenus par des populations qui attendent désespérément un sort meilleur.

Guerre des nerfs 

L’escalade verbale autour de ce retrait ne fait que confirmer la tension qui se ravive de jour en jour. Si concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali à, Ménaka et à Gossi pourrait  prendre jusqu’à  6 mois, comme le soutient  Emmanuel Macron, le pouvoir du Colonel Assimi Goïta a exigé un   retrait« sans délai » tout en sachant qu’un départ ici et maintenant est impossible. L’objectif des autorités maliennes étant de mettre la France qui avait évoqué « un retrait échelonné », devant ses responsabilités. A la guerre comme à la guerre. Une guerre froide qui peut aller en défaveur d’une France qui tient à une diplomatie d’influence qui perd de sa superbe et qui risque de s’effondrer en butte avec une réalité géostratégique marquée par une impopularité grandissante. Le pré-carré n’est plus un pré-acquis. Les choses ont tellement évolué dans le mauvais sens pour l’ancienne puissance coloniale au point que des manifestants s’en prennent aux « intérêts français ». De Dakar à Ouagadougou en passant par Tombouctou, Bamako, beaucoup de jeunes africains crient leur rage et sont convaincus que leurs maux, leurs situations viennent aussi d’une France envahissante qui dicterait ses lois à des dirigeants africains qui se montrent faibles et passifs à bien des égards. Une France qui étale une certaine duplicité en adoubant des « violeurs » de Constitution comme au Tchad avec Déby-fils -qui a succédé à son père « tué au front » – et menace Assimi Goïta et ses compagnons au Mali. Une telle démarche est à l’origine de la perception assez répandue selon laquelle, la France n’est pas étrangère aux sévères sanctions de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) contre le Mali. Bamako à l’image des militaires au pouvoir au Burkina et en Guinée, dans une moindre mesure, surfent sur cette vague de défiances pour résister aux coups de boutoir inhérents aux sanctions, suspensions et menaces. Même si les démarches cachent mal un certain opportunisme, des calculs bien précis, l’objectif visé est en train d’être atteint.

 Au Mali, actuel casse-tête de la France, les dirigeants veulent éviter de perdre l’initiative, écrivions-nous. Assimi Goïta est d’autant plus à l’aise qu’il ne se met pas en vedette tout en procédant à une parfaite distribution des rôles. Il ne montre aucun signe de faiblesse et suit un timing et un tempo qui ne débordent pas. Une stratégie de communication qui lui réussit jusqu’ici. Il ne serait pas surprenant que Macron, par pur réalisme change de fusil d’épaule pour des négociations qui s’imposent dans la mesure où l’escalade ne peut pas durer… à long terme et que le pouvoir malien plie mais ne rompt pas. Les capacités de nuisance de Paris ne sont que leurres. Nous sommes loin des expéditions punitives, des mercenaires envoyés pour mettre fin à des régimes très peu sérieux. Les temps ont bien changé. 

MAME GOR NGOM