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SURVEILLANCE DE MASSE : Le Sénégal épinglé

La surveillance de masse des citoyens, notamment par des moyens électroniques, est en train de devenir un phénomène mondial. Et le Sénégal n’y échappe pas. Il fait partie des 6 pays africains cités dans une étude récente, de l’African Digital Rights Network, où cette surveillance de masse est pratiquée par l’Etat.  

Silence, l’Etat épie les Sénégalais ! Avec la surveillance de masse pratiquée par le régime du Président Macky Sall, les moindres faits et gestes des citoyens sont désormais guettés. C’est du moins, ce que révèle une étude de l’African Digital Rights Network. Publiée le 21 octobre, celle-ci souligne qu’une surveillance de masse est menée par les gouvernements de six pays d’Afrique, dont le Sénégal. Les autres pays sont l’Égypte, le Kenya, le Nigéria, l’Afrique du Sud et le Soudan. L’étude, décrite comme la première comparaison systématique des lois sur la surveillance en Afrique, intervient à un moment où l’on s’inquiète de plus en plus d’un «glissement» de la surveillance numérique alors que les technologies deviennent plus sophistiquées et plus intrusives dans notre vie de tous les jours. ‘’De nombreux gouvernements ont étendu leurs pouvoirs de surveillance et d’accès aux données personnelles pendant la covid-19’’, souligne entre autres, l’étude exploitée par L’info.

‘’Les préoccupations en matière de sécurité nationale ont été utilisées pour justifier des pouvoirs de surveillance accrus’’

Sur le cas spécifique du Sénégal, le document note que notre pays ‘’jouit d’une démocratie stable et le droit à la confidentialité des communications est un droit constitutionnel inviolable’’. Toutefois, souligne-t-il, ‘’les préoccupations en matière de sécurité nationale ont été utilisées pour justifier des pouvoirs de surveillance accrus’’. En guise d’illustration, l’étude souligne que ‘’l’État a rendu obligatoire l’enregistrement des téléphones portables et a acheté la technologie de surveillance des téléphones portables FinSpy’’. Plus illustratif de la surveillance exercée par l’Etat, l’étude, affirme que ‘’le Sénégal a fait les deuxièmes demandes de données de surveillance de tous les pays’’, selon le rapport de transparence de la société de télécommunications mobiles Orange.

‘’Le Sénégal a fait les deuxièmes demandes de données de surveillance de tous les pays’’

Evoquant la loi de 2016 sur les services de renseignement qui documente les circonstances dans lesquelles l’État se donne le pouvoir de violer la vie privée, l’étude note que cela correspond à la recommandation des Principes internationaux selon laquelle toute surveillance qui viole les droits à la vie privée doit être légale, nécessaire et proportionnée. Mais, au Sénégal, précise le document, ‘’il n’existe actuellement aucun mécanisme de déclaration de transparence, de surveillance indépendante ou de notification des sujets’’. De même, la nature secrète de la surveillance et à l’absence de tout rapport de transparence fait qu’il n’y a eu aucun document affaire judiciaire mettant en cause les processus de surveillance de l’État. 

 

Des principes définis par la loi, mais dont le respect est entouré de flou

S’agissant des principes qui gouvernent la surveillance au Sénégal, l’étude note, à propos de ‘’l’autorité judiciaire compétente’’, que ‘’l'autorisation préalable d'un juge d'instruction est requise pour exercer la surveillance en vertu du code de procédure pénale’’. Sur la ‘’légalité’’ de la surveillance, la loi sur les services de renseignement stipule que ‘’les agents de renseignement ne doivent agir que conformément à la législation’’. En effet, la loi définit un nombre limité de ‘’buts légitimes’’ pour la surveillance, y compris la prévention des attaques terroristes. Cependant, cela est perverti par la loi sur la cybercriminalité qui permet une surveillance plus large, pour la prévention des crimes. 
 
‘’Il n'y a pas de droit de soumettre une notification dans la loi de surveillance sénégalaise’’
 
Une surveillance doit avoir aussi des ‘’motifs raisonnables’’. La loi dit que les autorités chargées de l'enquête sont en mesure d'exercer une surveillance s'il y a présomption de crime, mais la loi ne définit pas ce qui constitue des motifs raisonnables.
Concernant la «notification» de la surveillance, l’étude signale qu’il n'y a ‘’pas de droit de soumettre une notification dans la loi de surveillance sénégalaise’’. Quant au principe de «transparence», dans la loi actuelle, il n'y a aucune obligation légale de rendre compte au public du nombre et du type de demandes et d'autorisations de surveillance. Cela, malheureusement, réduit la responsabilité publique. Et pour le principe du «contrôle indépendant», n’y pensons même pas. ‘’Il n’y a aucun organe de surveillance indépendant pour garantir que la loi est mise en œuvre comme les législateurs l'ont prévu et qu'elle est conforme aux droits constitutionnels’’, note l’étude. 
 

Des recommandations pour la suppression des ‘’restrictions sur le cryptage’’, la publication de ‘’rapports publics de transparence’’, la ‘’surveillance indépendante’’, la définition dans la loi, des termes clés comme la ‘’sécurité nationale’’…

Pour les recommandations, l’étude soutient que des rapports publics de transparence et une surveillance indépendante augmenteraient la confiance dans le système. De même, les termes clés, tels que la sécurité nationale, devraient être définis dans la loi et ancrés dans les droits de l'homme. Tout comme, les restrictions sur le cryptage devraient être supprimées pour protéger le droit à l'anonymat.
Le document souligne également que des recherches supplémentaires sont nécessaires sur la surveillance en cours et tout impact sur les droits de l'homme’’ et que ‘’la sensibilisation du public aux droits à la vie privée des citoyens et la surveillance aident à se prémunir contre les excès’’.
L'info