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CODE PÉNAL ET DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : Les députés élargissent le champ d’application du terrorisme

La loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale a été adoptée hier, par l’Assemblée nationale. Ce, dans un contexte assez tendu jalonné par plusieurs incidents, d’une part entre les députés de la majorité et leurs collègues de l’opposition, et d’autre part entre le garde des sceaux et certains parlementaires.  


Les députés ont voté hier, en séance plénière, la loi n°10/2021 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et celle n°11/2021 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale. À travers cette modification, la loi prend en compte la répression des faits de financement du terrorisme qui n’avaient pas été couverts par la loi N°2018-03 du 23 février relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La définition de l’infraction d’association de malfaiteur, la répression des faits de piraterie maritime tels que spécifié dans la Convention des Nations sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, entrent aussi dans le champ d’application de la loi. Les nouvelles modifications prennent en compte également, la fixation d’un régime général de la responsabilité pénale des personnes morales et la refonte du régime général de la peine complémentaire de confiscation.  

Me War : ‘’J’avoue que cette loi est dure, très dure même, au vrai sens du terme’’

C’est dans un contexte très tendu, avec des accrochages, que cette loi a été adoptée, après près de 6 tours d’horloge. D’après le député Seydou Diouf, contrairement à ce qui est véhiculé, cette loi n’a pas apporté de changements profonds sur la loi de 2016, définissant le terrorisme. Elle vise tout simplement à compléter l’arsenal juridique pour prévenir le pays des menaces terroristes. ‘’Cette loi ne chamboule pas l’ordre établi’’, a expliqué Seydou Diouf. Dans la foulée, Sira Ndiaye a tenu à préciser que cette loi n’a rien à voir avec les événements de mars dernier. Mais, a-t-elle précisé, nous n’accepterons pas que le scénario de mars refasse surface. Cela n’a rien à voir avec le projet de loi. Il faut que cela soit clair’’, a-t-elle clamé.  ‘’Vous êtes averti. Personne ne vous interdit de marcher, mais il faut le faire sans violence’’, a-t-elle lancé. Avant de se préciser : ‘’cette loi ne vous vise pas, la loi est générale et impersonnelle’’. 

Dans sa prise de parole, Me Djibril War a tout   d’abord reconnu le caractère sévère de cette loi. ‘’J’avoue que cette loi est dure, très dure même, au vrai sens du terme’’, a reconnu l’avocat. Mais, a-t-il poursuivi, elle doit l’être, même si selon lui, les honnêteté citoyens n’ont rien à ceindre. Tout compte fait, le député Alioune Kébé invite ceux qui ne sont pas terroristes ou qui n’ont pas l’intention de poser des actes terroristes, à ne rien craindre avec cette loi. Toutefois, a-t-il précisé, ‘’quiconque pose un acte terroriste sera sanctionné par cette loi’’. Pour sa part, Nicolas Ndiaye estime qu’avec la modification de cette loi, il y a beaucoup de bruits pour rien. Suffisant pour que Pape Sagna Mbaye persifle qu’il faut être salafiste, ou apprenti terroriste ou vendeur de drogue, pour être contre de cette loi. De façon globale, les députés du camp de la majorité ont expliqué les biens faits de cette loi. 

Aïda Mbodji : ‘’On veut banaliser le terrorisme en l’assimilant à des manifestations ou des discours…’’

En dépit de ces explications, l’opposition est restée sur le qui-vive avec le vote de cette loi. Le député Aboubacry Thiaw trouve d’ailleurs que la compréhension des motivations de cette loi n’est pas à chercher dans les alinéas ou les dispositions des articles. ‘’Cette loi vise à espionner les citoyens et à restreindre les libertés des populations’’, a soutenu le député de l’opposition.  Une position largement partagée par Aïda Mbodji qui estime que même si la majorité vote cette loi, le peuple ne l’acceptera pas. ‘’On veut banaliser le terrorisme en l’assimilant à des manifestations ou des discours. Le terrorisme, c’est plus sérieux’’, a-t-elle soutenu. Lui emboitant le pas, Déthié Fall trouve que le débat n’est pas technique, mais éminemment politique.  Pour lui, cette loi vise à maintenir Macky Sall au pouvoir après 2024. ‘’Le texte qui nous est soumis aujourd’hui, n’a rien à voir avec un terrorisme réel existant au Sénégal. C’est les deniers soubresauts d’un régime en déperdition’’, a de son côté indiqué Serigne Mansour Sy Djamil.  ‘’La question du terrorisme n’est pas une question de droit ou de police. C’est une question de terreau’’, a ajouté le marabout politicien. 

Garde des Sceaux : «C’était l’urgence absolue qui nous l’impose»

En réponse aux interpellations des députés, le Garde des sceaux a précisé que le projet concerne uniquement les blanchiments de capitaux, le financement du terrorisme et la criminalisation de la piraterie maritime. ‘’Il n’a jamais été question de terrorisme ou de quoi que soit’’, a expliqué Me Malick Sall, tout en précisant que le terrorisme figure déjà dans le corpus juridique du Sénégal. Sur la procédure d’urgence, Me Malick Sall l’a expliqué par une contrainte de temps.  Selon le Garde des Sceaux, le Sénégal doit apporter ces modifications avant le 22 janvier 2022, pour être en phase avec ses engagements internationaux notamment, le Groupe d’action financière (GAFI). ‘’Le Sénégal a été classé en zone grise. Si nous dépassons ce deadline, le Sénégal sera classé en zone rouge et les investisseurs ne vont pas venir investir dans notre pays. C’était l’urgence absolue qui nous l’impose’’, a justifié le ministre de la Justice sur les raisons de la procédure d’urgence.  

L’info