ENTRETIEN AVEC LE PRESIDENT DE L’APD/GUEUM SA BOPP : Thierno Lô assène ses vérités
Connu pour son franc-parler, Thierno Lô n’a pas bougé de sa ligne de conduite. Dans cet entretien, le PCA de la société SENTER et non moins président de l’APD/Gueum sa bopp, plusieurs fois ministre sous Wade, évoque, entre autres, les locales prochaines au sein de Benno Book Yaakaar et à Darou Mousty, la dégradation du débat public, le TER, la nécessité de donner plus de considération et d’opportunités au secteur privé national…
L’info : Pour un membre de la mouvance présidentielle, vous avez toujours gardé votre liberté d’esprit et de ton, critiquant, dénonçant quand ça ne va pas…Pourquoi ?
Thierno Lô : Vous avez raison, j’ai créé avec des amis une association qui s’appelle l’Alliance pour la paix et le développement (APD/Gueum sa bopp) en 2014. Notre ambition est de former les jeunes et les femmes pour qu’ils deviennent des citoyens conscients de leurs responsabilités, de leurs droits et devoirs. Ce n’est pas pour rien que nous disons que nous allons débattre sans nous battre et que nous nous engageons et nous l’assumons. Notre Alliance avec le Président Macky Sall est autour d’un programme qui est le PSE depuis 2014, et nous sommes satisfaits de son déroulement car il a touché tous les secteurs. On peut tout dire du Président Macky Sall sauf de ne pas avoir un bilan et une forte ambition pour développer ce pays. Il suffit de regarder les infrastructures routières et ferroviaires, les aménagements hydro-agricoles, les efforts qu’il fait pour solutionner le déficit de plateaux médicaux avec des hôpitaux de niveau 1, sans oublier le PUDC et les bourses familiales qui sont des réponses à l’obligation de donner un bien être aux couches défavorisées, en brisant cet égoïsme citadin qui est de penser que tout doit se passer dans les villes. Depuis que nous sommes avec le Président, nous impactons positivement sur beaucoup de choses. Nous avons réglé plusieurs problèmes pour le secteur privé, nous essayons de le mettre en relation avec des compétences sénégalaises qui ne demandent qu’à servir leur pays. Nous avons conscience qu’un Président est un serviteur de la République, et que ce qu’il gère, est un patrimoine commun, donc nous devons tous l’accompagner pour sa gestion au profit de l’intérêt général et non des intérêts particuliers. Les défis qui nous interpellent sont nombreux. Nous avons les ressources humaines de qualité capables, autour du Président, de les relever. C’est pourquoi, nous, Alliance pour la Paix et le Développement, nous ne lui trouvons pas d’ennemis, nous sommes pour des débats d’idées et non de personnes. Le mal de ce pays est la gestion des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. Et c’est le poison qui ronge le corps de notre pays, le tire vers le bas et broie tous ceux qui ont une ambition de bien faire, et c’est dommage. Mais cette attitude responsable et patriote commence à payer, car beaucoup de Sénégalais nous rejoignent pour fertiliser ce que nous faisons. Et vous verrez sous peu les résultats des immenses efforts que nous déployons pour faire la politique autrement.
Le Président a mis en garde contre les listes parallèles. Peut-on s’attendre à une dynamique unitaire à Darou Mousty ?
Pour les élections locales, il sera impossible que la majorité présidentielle et Bby puissent constituer des listes sans l’intervention du Président de la majorité, son Excellence Monsieur Macky Sall, qui devra avec sa connaissance du terrain et des hommes, prendre en charge cette problématique comme il l’a toujours fait. Nous devons tous essayer de lui faciliter la tâche. Pour mon parti, notre ambition est de travailler, avec comme première option, de nouer partout où c’est possible, des alliances avec des membres de la majorité pour donner le maximum de conseillers et de maires à la mouvance présidentielle.
Serez-vous candidat à la mairie de Darou Mousty ?
Pour Darou Mousty, je suis actuellement le plus âgé parmi les leaders qui y mènent des activités, à l’exception de mon cousin Cheikh Bamba Sall. Sauf cas exceptionnel, je ne suis pas candidat à la mairie, car ce sont mes jeunes frères qui sont en compétition, et je vais les encadrer. J’ai toujours dit que le maire doit se réveiller à Darou. Mais il y a une réalité qui est que ma coalition ‘’Adiana’’ (Paradis) et mon parti l’APD, vont élire des maires partout dans le pays, y compris particulièrement à Darou Mousty. Donc je réclame plus de considération. Je ne saurais accepter les décisions prises sur la base de lobbying, de sommes d’argent ou d’intrigues.
La qualité du débat public, politique notamment, est de plus en plus décriée, surtout avec la montée des réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas du tout satisfait de la qualité du débat public. Ceux qui ne savent rien ont mis à l’écart les sachants et c’est dommage. Les gens sont diplômés en tout et généralistes aussi. Il y a énormément de confusions et d’usurpations de grades et de niveaux. On est docteur, expert, coach en tout, sans honte. On n’oublie que ce pays a une tradition d’expressions plurielles et qu’on a toujours débattu avec élégance et respect. Nous avons connu des Editos d’excellence quand feu Doudou Sine trempait sa plume pour Dire : « Bara tu permets » s’adressant à feu Bara Diouf, ancien Directeur du Soleil, quand avec feu Babacar Touré, ils théorisaient le Consensus qui a permis le rapprochement entre les Présidents Abdou Diouf Diouf et Abdoulaye Wade ; quand feu Sémou Pathé Guéye s’y mettait ; c’était un régal. Nous devons débattre des questions du monde, des défis qui nous interpellent, mais chacun à sa place. La presse doit aider en mettant en place des plateaux animés par des journalistes spécialisés ou vraiment outillés pour élever le niveau du débat. C’est ce nouveau visage du débat qui est source de déni de compétence, de savoir, qui nous a poussé avec certains amis, à vouloir mettre en place, un cadre de réflexion appelé Optimum, qui s’ouvrirait à toutes les compétences d’ici et d’ailleurs. Le manque de débats tue la démocratie et est source d’anarchie.
Vous êtes Pca de la SENTER SA. A quand le démarrage et qu’est ce qui retarde les travaux réellement ?
Pour le TER qui intéresse trop les Sénégalais et à juste titre, je dis ceci : Nous ne menons pas une course contre la montre, nous sommes dans la phase de certification pour la sécurité de la voie, des biens et des personnes. Ce qui relève de la responsabilité d’une grande société de certification, qui a son image et sa responsabilité à sauvegarder, tandis que nous, nous veillons sur la sécurité des biens et des personnes. Il faut aussi voir que, l’articulation entre les différents modes de transport constitue une condition nécessaire pour la résolution de la mobilité dans notre pays. Le président de la République l’a bien compris et l’a décliné dans sa vision du PSE. Dans la mission qui est la mienne, je reste déterminé à œuvrer tous les jours pour superviser, réceptionner et mettre en service le TER qui fait la fierté de notre pays. Cette infrastructure qui sera aux standards internationaux va, sans nul doute, permettre une amélioration significative de la mobilité urbaine. Le rail comme vous le savez, a un impact carbone bien moindre par rapport aux autres modes de transport. Notre objectif, au-delà de Diamniadio, de la liaison avec l’aéroport de Diass, est de connecter une partie de l’intérieur du pays à la région de Dakar. Nous ne sommes plus dans les projections, mais dans les grandes réalisations du président de la République.
La TER, et beaucoup de grands chantiers, sont confiés à des étrangers. Partagez-vous le reproche selon lequel, l’État ne le soutient pas assez le privé national et lui préfère au privé étranger ?
Je suis convaincu qu’il faut un accompagnement et une protection de notre secteur privé qui est le seul levier qui peut créer des emplois. Il faut répertorier nos capitaines d’industries, faire leur promotion, les écouter, les mettre en groupement et mettre en place une banque de développement pour financer leurs activités. Je milite aussi pour la suppression de tous les organismes qui gèrent des fonds et leur remplacement par des banques de développement pour financer l’économie. Le secteur privé étranger qui vient puiser nos devises, est accompagné par des banques. On voit même un pays qui vient avec son secteur privé, contrôler 45% de notre secteur bancaire. La concurrence devient faussée, car les banques qui financent sont étrangères, donc partisanes. Il faut réviser le code des marchés publics pour lever tout ce qui empêche nos entreprises de pouvoir compétir sainement. Nous devons aussi avoir une administration de développement qui ne doit pas considérer le secteur privé comme une vache à lait pour régler les charges fixes de l’Etat. Il doit travailler avec lui dans une complicité qui va lui permettre de se développer, de créer des emplois et de donner plus de recettes à l’Etat. Seul le secteur privé peut nous sortir du sous-développement, donc il faut lui faire confiance et l’encadrer. Nos PME/PMI et nos différents corps de métiers du secteur de l’artisanat, ont besoin de protection et de labellisation, d’équipements et de matières premières pour des productions de qualité et en grande masse. Il faut donc taxer les importations qui concurrencent la production nationale. Le secteur privé doit aussi s’organiser mieux, mutualiser ses moyens pour la réalisation diligente et bonne des grands travaux de l’Etat qui sont les créneaux de création d’emplois. Sans un secteur privé fort, il n’y a pas de sédentarisation de devises, mais leur exportation. Ce qui ôte toute valeur au taux de croissance dont le nombre de chiffres ne signifie rien car n’impacte pas sur le panier de la ménagère. Le Sénégal doit arrêter de toujours essayer d’être le premier de la classe, dans le respect des critères de convergences que les autres pays ne respectent pas. L’économie est comme un train sur des rails. Quand on y met des choses qui ne doivent pas être sur la voie, il y a toujours un déraillement ; juste pour illustrer l’orthodoxie nécessaire à sa bonne tenue. Pour terminer avec le secteur privé, l’Etat doit respecter son principe du paiement après service rendu. Car ses retards de paiement de ce qu’il doit souvent aux entreprises, bouffent les marges, empêchent l’investissement, les embauches et les politiques sociales au sein de nos entreprises.
En tant que ministre du tourisme, vous aviez eu justement à signer un contrat récemment évoqué dans la presse et les réseaux sociaux, celui confiant à un privé national, la gestion du King Fahd hôtel…
Pour le contrat de l’hôtel King Fahd (ex Méridien Président) signé avec Monsieur Mamadou Racine Sy, beaucoup en parlent et ne se sont pas intéressés à ceux qui ont géré le dossier, et chacun y va de sa petite expertise et de son audace. Quelqu’un ayant cité mon nom comme signataire du contrat, ce qui n’est nullement un secret, et le dossier étant traité dans la plus grande transparence et de façon exceptionnelle. Le King Fahd est un don de l’Arabie Saoudite à l’Etat du Sénégal, avec la conférence de l’OCI ; ce qui en fait un domaine privé de l’Etat. Donc susceptible d’être confié à des particuliers pour des actions ou projets économiques et financiers au profit de l’intérêt général. C’est ainsi que le régime socialiste avait confié la gestion à la multinationale Starwood pendant des dizaines d’années, suite à des consultations et négociations pour faire le choix.
Comment le choix a été porté sur Racine Sy ?
Quand j’ai eu en charge la tutelle technique de cet hôtel, vu mon parcours de 38 ans dans une filiale de multinationale, il m’a été facile, dès que j’ai vu les comptes, de comprendre comment les ressources de l’hôtel, au-delà des abus de l’Etat et de son personnel politique, étaient comptabilisées. On empêchait le propriétaire, l’Etat, de tirer profit de son hôtel. C’est ainsi que j’ai pu refuser les droits de portes en milliards de francs pour choisir un autre gérant ou reconduire pour 25 ans ou 20 ans, le contrat du gérant Starwood qui voyait son contrat à titre provisoire, reconduit par trimestre ou semestre que le temps que je termine mon projet. Le Président Wade qui me voyait résister aux intermédiaires, m’appela un jour et me dit ceci : ‘’Thierno Lô, je te vois sortir du pays pour ne pas rencontrer des PDG de grands groupes recommandés, est ce que nous ne pouvons pas céder le contrat du Méridien à Monsieur Racine Sy, il est du milieu’’. Je lui ai marqué mon accord, car je manœuvrais déjà pour confier la gestion au privé national. Mais très respectueux, j’ai dit au Président que ce serait à ma manière pour que Racine ait le contrat. Ce qu’il a accepté. C’est ainsi que je pris l’attache du secteur de l’hôtellerie dont Monsieur Racine Sy est membre, pour les informer de l’intention. Et j’ai obtenu l’approbation avec félicitations. Deuxièmement, j’ai convoqué Monsieur Mademba Sock, Secrétaire général de l’Unsas, syndicat qui contrôle le Méridien. En présence de Monsieur Racine Sy, Mademba donne son accord avec félicitations. Troisièmement, j’ai réuni Mademba Sock, Racine Sy et les délégués du personnel de l’hôtel. Ces derniers, devant leur Secrétaire général, donnent leur accord et me félicitent. Ensuite, j’ai organisé dans la grande salle de conférence du Méridien, une assemblée générale regroupant l’ensemble des centrales syndicales, le personnel de starwood, Mademba Sock, Racine Sy, accompagné de ses amis du secteur de l’hôtellerie. Et quand j’ai fait l’annonce, il y’a eu des applaudissements nourris de l’ensemble du personnel, toutes catégories confondues, pour saluer la décision et s’engager à porter haut le flambeau à coté de Monsieur Racine. La société Starwood, en toute élégance lui souhaita la bienvenue. Ce jour, j’ai eu des difficultés pour sortir de l’hôtel à cause des remerciements du personnel. La séance s’est déroulée devant la presse qui n’a pas eu à noter une quelconque désapprobation. C’est ainsi que je pris contact avec le magistrat Monsieur Camara, conseiller juridique de Monsieur le président de la République, pour étudier les termes du contrat, pour sauvegarder les intérêts des deux parties, pour une bonne gestion de l’hôtel. J’ai apposé ma signature pour exécuter, avec intelligence, les instructions données par son Excellence Monsieur le président de la République qui, du reste, avait toute ma validation. Voilà comment j’ai conduit l’affaire Méridien et tous les acteurs sont vivants : hôteliers, syndicalistes, membres du personnel et le magistrat Camara. Si c’était à refaire, j’aurais fait de même. Que ceux qui en parlent sachent que dans la gestion des hôtels, l’appel d’offre n’est pas la règle. Un journaliste dit avoir le rapport de l’ARMP que moi, je n’ai pas vu jusqu’à mon départ en 2012. Et je ne sais pas qui l’a saisi. Voilà ma part de vérité.
L’info