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ALIOUNE SARR, MINISTRE DU TOURISME ET DES TRANPORTS AERIENS : ‘’Notre objectif est de préserver les entreprises et les emplois’’

La signature hier, d’un pacte de stabilité sociale dans le secteur du tourisme et des transports aériens est « historique » à plus d’un titre, si l’on en croit le ministre de tutelle. Dans cet entretien accordé à « L’INFO », Alioune Sarr revient sur le sens et la portée de ce pacte, assure du respect des engagements de l’Etat avec déjà, la disponibilité du fonds de 75 milliards alloués au secteur. La situation d’Air Sénégal et son plan de relance, les principaux problèmes du secteur, le nécessaire accompagnement de l’Etat…ont été aussi évoqués.

L’INFO : Vous venez de signer le pacte de stabilité sociale dans le secteur du tourisme et des transports aériens. Quel est le sens de cet accord entre l’Etat et les acteurs de ces deux secteurs ?

Nous avons signé, mon collègue en charge du travail et moi-même, ainsi que les acteurs du secteur privé touristique, mais également les syndicats, le pacte de stabilité dans le secteur du tourisme et du transport aérien. Ce pacte qui est la traduction de la volonté de son excellence, le Président Macky Sall, d’instaurer dans le secteur du tourisme et du transport aérien, un climat social apaisé indispensable pour relancer et développer les deux secteurs qui ont été lourdement impactés par le Covid 19. C’est une journée historique dans l’histoire du tourisme et du transport aérien sénégalais. Au-delà de l’acte, en regardant le contenu du pacte, vous verrez qu’il y a des actes historiques : 75 milliards F CFA mobilisés pour ces deux secteurs dont 50 milliards pour le tourisme et 25 milliards pour le transport aérien. C’est inédit dans l’histoire de ces deux secteurs. Ça traduit aussi le génie sénégalais. Les grands peuples se distinguent dans les moments difficiles où tous ensemble, ils unissent leurs efforts et leurs forces pour regarder et aller dans la même direction. C’est ce qui s’est passé ce matin, avec la Fédération patronale du tourisme, tous les syndicats des travailleurs, tous autour du gouvernement, pour signer un pacte pour un climat apaisé dans le secteur. L’objectif, c’est de marcher sur deux pieds : la préservation des entreprises et la préservation des emplois. Maintenir les entreprises, les renforcer, mais également, préserver les emplois des travailleurs. C’est pour cela que les acteurs ont répondu à l’appel du Président Macky Sall, pour que nous puissions ensemble, dans cette phase de compétition entre Etats, capter le maximum de marchés dans le secteur du tourisme et du transport aérien. Car, ce sont les pays où l’Etat et les acteurs font bloc et sont ensemble, qui vont gagner cette compétition. C’est pourquoi, je réitère l’appel que j’ai lancé à tous acteurs, de rester mobilisés, pour ensemble traverser avec succès la crise. Séparés, on ne pourra pas y arriver.  Et je pense que l’appel a été bien entendu. 

Vous parliez de 75 milliards dont 50 milliards pour le tourisme et 25 milliards pour le transport aérien. Mais certains acteurs craignent des retards dans leur disponibilité. Si c’est le cas, est-ce que cela ne pourrait pas compromettre le pacte ? 

Ces 75 milliards, à ce jour, ont été signés avec les banques partenaires, notamment la Bnde et Nsia banque. Et le Comité de gestion du crédit bancaire hôtelier s’est déjà réuni d’ailleurs, pour lancer les premiers dépôts de dossiers. Aujourd’hui, ils sont à 240 dossiers. Je leur ai instruit de s’équiper sur le plan digital, pour avoir une plateforme qui va leur permettre de gérer déjà les dossiers avant même la réunion du comité de gestion des crédits. Nous allons utiliser le digital, mais aussi leur faire accompagner par des cabinets d’expertise, comme on a fait lors de la période de résilience, pour que ces retards ne se constatent pas. Rappelez-vous que pendant la période de résilience, c’est 82 milliards qui ont été injectés dans le secteur, dont 15 milliards pour le crédit hôtelier, 5 milliards pour les transports aériens et 45 milliards pour Air Sénégal SA. Mais ces 82 milliards ont été injectés dans l’économie, consommés par tous les acteurs du secteur, dans l’espace de trois mois. Donc c’est une performance que ce comité a réalisée. Et je leur ai demandé que les mêmes diligences soient opérées pour la mise en œuvre effective de ces 75 milliards consacrés en très grande partie à l’investissement dans le secteur touristique et hôtelier. 

Aujourd’hui, peut-on avoir l’assurance que l’Etat va respecter ses engagements pris dans le cadre de ce pacte de stabilité sociale ?

Concernant la partie financement, l’Etat a déjà respecté ses engagements. Avec les banques, on a déjà signé. L’argent est dans les banques. A ce jour, les fonds sont disponibles. Donc ce n’est pas des choses qui sont imaginées. C’est disponible. En outre, l’Etat sera là, à travers ses services : l’Inspection du travail et le ministère de l’Economie et des Finances qui va les accompagner aussi dans les moratoires fiscaux. Pour toutes ces questions-là, l’Etat est aux cotés des acteurs. Vous savez que l’Etat a fait deux années d’amnistie fiscale au secteur du tourisme. Nous allons travailler avec les collègues des finances pour que ça soit fait dans le domaine du transport aérien qui est également fortement impacté. C’est pour dire que l’Etat a toujours été là. Avant la pandémie, l’Etat était là ; pendant la pandémie il est là et après, il sera là. L’Etat a toujours soutenu le secteur du tourisme et du transport aérien.  Et nous sommes toujours dans cette dynamique.

Air Sénégal avait pris un bel élan, lequel a été brisé par la pandémie. Aujourd’hui quelle est la situation de la compagnie nationale. Et qu’est-ce qui est concrètement fait pour la relancer ? 

La compagnie nationale se relance progressivement. Vous savez que dans le domaine du transport aérien, nous avons eu dans le monde des baisses de 60 à parfois même 80%. Mais Air Sénégal a eu un impact autour de 25%. Cela veut dire que l’impact a été moins fort à Air Sénégal que dans d’autre compagnies, d’autres pays. Mais évidemment quand on ferme les frontières, il n’y a pas de transport aérien. Ainsi Air Sénégal est forcément impactée. C’est pourquoi, sur instruction du Président Macky Sall, nous avons donné instruction à Air Sénégal, de mettre en place un plan d’affaire qui tient compte de l’impact du Covid. Ce plan d’affaire a été validé par le Conseil d’administration d’Air Sénégal, suite à la validation du gouvernement en Conseil des ministres. Air Sénégal est en train de dérouler ce plan, d’abord en réduisant les charges liées à la flotte. Cela veut dire que certains investissements qui étaient prévus avant le Covid sont reportés et ensuite, en ouvrant des lignes plus performantes. C’est le cas de l’Afrique centrale : Libreville (Gabon), Cotonou (Bénin), Douala (Cameroun)…Sur les lignes européennes, une nouvelle diversification, sur Barcelone, Marseille, Lyon, a été faite, pour permettre que la région qui est la principale pourvoyeuse de touristes français au Sénégal, puisse avoir un aéroport, celui de Lyon où partira Air Sénégal. Sur les routes, la flotte et l’ensemble des éléments, Air Sénégal a adapté son plan d’affaires. 

L’Etat avait pris un certain nombre de mesures comme le payement de 75% des salaires et le maintien des emplois. Mais malgré tout, il y a eu des licenciements dans certaines entreprises. Quelle appréciation faites-vous de tout cela ?

Il y a l’ordonnance qui a été prise par le chef de l’Etat pendant la période initiale de la Covid et qui a préservé les emplois pendant cette période. C’était une période extrêmement difficile. Il reste évident que le pacte signé ce matin (hier matin) a pour objectif de préserver les emplois et les entreprises. Quand vous avez une économie qui est fermée, un secteur qui est complètement à l’arrêt, il est évident qu’il y a des conséquences. Mais l’Eta fait le maximum pour préserver les emplois. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des concertations tripartites, ces questions sont évoquées en toute responsabilité, pour préserver les plus faibles, les travailleurs, mais aussi faire en sorte que l’entreprise puisse exister. Car si les entreprises disparaissent, il y aura plus d’emplois, ni de création de richesse. 

Vous avez eu à discuter avec les acteurs. Quelles sont les problèmes qui vous sont le plus souvent posés ?

Le premier problème, c’est le chiffre d’affaires. Quand vous avez des frontières fermées, naturellement le chiffre d’affaires baisse, parce que l’activité baisse. Le principal problème tourne autour de l’activité et du chiffre d’affaires. 

On sait que la Covid est toujours là. L’Etat va continuer à injecter de l’argent. Est-ce que c’est tenable à la longue ? 

Oui, c’est vrai, mais l’Etat sera toujours là pour accompagner son secteur privé. Dans tous les pays du monde, c’est ainsi. Vous allez aux Etats unis, l’Etat a investi massivement des fonds pour accompagner les entreprises. En France c’est la même chose. Quand tout est par terre, il n’y a que l’Etat qui est debout.  Le Sénégal, jusqu’ici, est arrivé à tenir face à cette pandémie qui était une véritable guerre pour le peuple. Les écoles fonctionnent, les hôpitaux fonctionnent, les forces de sécurité sont là… L’Etat a tenu. Dans d’autre pays, l’Etat n’a pas tenu. Il y a ensuite les consommateurs. Vous n’avez jamais entendu depuis le début de la pandémie, qu’il y a eu des pénuries d’aliment au Sénégal. La consommation a été assurée. Pour les entreprises, c’est vrai qu’il y a eu des difficultés, mais l’entreprise est restée debout. Les éléments essentiels de l’Etat sont restés debout. Pour la protection des travailleurs et des citoyens, vous avez vu les efforts faits en ce sens et tous les moyens dégagés.

Entretien réalisé par Mbaye THIANDOUM