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PROCHE ORIENT : Les Palestiniens disent non au plan de paix de Trump

DIPLOMATIE : Après presque trois ans de rumeurs et de reports, Donald Trump a présenté le « deal du siècle » censé régler le « plus grand challenge de tous » : le conflit israélo-palestinien.

Ce sont en tout cas les mots du président américain qui a présenté son plan de paix depuis la Maison Blanche, mardi 28 janvier. Un plan que le locataire de la Maison Blanche a présenté comme « gagnant-gagnant », mais très favorable à Israël.

Il a d’ailleurs été immédiatement rejeté côté palestinien.

Au palais présidentiel, à Ramallah, la photo de Jérusalem et les couleurs vives du Dôme du Rocher attirent l’oeil plus que d’habitude.

Devant, tous les dirigeants palestiniens sont réunis, alignés un peu comme une union sacrée. Après l’annonce de Donald Trump et Benyamin Netanyahu, Mahmoud Abbas s’adresse directement au président américain : « Jérusalem n’est pas à vendre. Les droits des Palestiniens non plus, ils ne sont pas négociables. Et ce plan, cette conspiration, ne passera pas ! »

À côté du président de l’Autorité palestinienne, preuve de la gravité de la situation, il y a même les grands rivaux du Hamas, au pouvoir dans la Bande de Gaza. De l’autre, Saeb Erekat, c’est le négociateur historique des accords d’Oslo.

Pour Sami Anou Zourhi, un responsable du Hamas, « la déclaration de Trump est agressive et provoquera beaucoup de colère ». « La déclaration de Trump sur Jérusalem est absurde et Jérusalem sera toujours une terre pour les Palestiniens (…). Les Palestiniens contesteront et accord et Jérusalem restera une terre palestinienne », a-t-il dit.

La salle applaudit par moment, mais les visages sont graves. « Ce plan est déséquilibré, bien en deçà des espoirs des Palestiniens », explique Adan, 33 ans, habitant de Ramallah, dehors malgré la pluie et le froid, à quelques mètres de la Mouqata’a. « C’est injuste, pour nous, en tant que Palestiniens. Trump ne pense qu’à Israël. Et les Israéliens occupent notre territoire. Je veux mes droits. Et Jérusalem est notre capitale, la capitale palestinienne. »

Et pour protester contre cet accord du siècle, des rassemblements sont prévus à Ramallah, et dans la Bande de Gaza. Pour l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme B’Tselem, la mise en place de ce plan officialiserait une politique d’apartheid.

« À ce stade, ce plan propose de sanctifier une réalité dans laquelle une grande majorité de la population est concentrée dans des enclaves qui rappellent les Bantoustans sud-africains parce que nous ne voulons pas être responsables de leur système de santé, de leurs infrastructures et de leurs égouts, déclare Amit Gilutz, le porte-parole de B’Tselem. Le plan dit que les Palestiniens peuvent s’occuper de ces sujets mais nous conservons le contrôle de tout ce qui est nécessaire pour qu’un État viable voie réellement le jour : pour le développement de l’économie, de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme, des vastes terres qui ne sont pas exploitées et qui sont nécessaires pour le développement futur de tous les gens qui vivent sur ces terres ».

« Donc les Palestiniens se voient offrir ce sont les zones dans lesquelles la grande majorité de la population est concentrée mais elles ne sont pas reliées entre elles et elles sont déconnectées des ressources pour leur développement futur, poursuit-il. Donc elles ne peuvent pas prospérer ».

Une mise en œuvre qui s’annonce difficile

L’application de ce plan risque donc d’être compliqué, même si le Premier ministre veut agir vite. Le premier obstacle pour Benyamin Netanyahu sera de trouver une majorité pour soutenir ce plan. Au sein de sa coalition, certains de ses partenaires ont prévenu qu’ils s’opposeraient à la création de tout État palestinien. Et dans les rangs de l’opposition, Bleu-blanc soutient officiellement le plan mais appelle à sa mise en place sans précipitation, en concertation avec la Jordanie et l’Egypte, les deux pays arabes reconnaissant Israël.

Benyamin Netanyahu va également devoir prendre en compte un aspect juridique. Il est actuellement à la tête d’un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes : sa capacité à prendre des décisions engageant durablement l’avenir du pays est limitée, et une éventuelle adoption du plan pourrait être reportée à après les élections du 2 mars.

Enfin, l’adoption de ce plan serait contraire à plusieurs engagements internationaux d’Israël : les Palestiniens préviennent qu’il marquera un « retrait des accords d’Oslo ». L’annexion de la Vallée du Jourdain pourrait aussi remettre en cause le traité avec la Jordanie. Amman, qui compte sur son territoire bon nombre de réfugiés palestiniens, ne devrait guère apprécier non plus que le plan rejette tout droit au retour les concernant. La Ligue arabe doit se réunir en urgence samedi. Ses États membres pourraient décider de mener collectivement la lutte contre ce plan.

Les réactions à l’ONU et dans le monde arabe

Un futur État palestinien sur les tracés définis par le plan Trump serait nettement en deçà de ce à quoi aspirent les Palestiniens, à savoir la totalité des Territoires occupés depuis 1967 par Israël. Peu après l’allocution présidentielle, l’ONU a d’ailleurs souligné qu’elle s’en tenait aux frontières définies en 1967.

Les Émirats arabes unis ont vu dans ce texte « un important point de départ » pour un retour à la table des négociations. Leur ambassadeur à Washington Youssef al-Otaïba était, avec ses homologues d’Oman et de Bahreïn, un des représentants de pays arabes à la Maison Blanche, où l’absence des Palestiniens était criante.

Beaucoup plus ambivalente, l’Arabie saoudite a de son côté d’abord dit « apprécier » les efforts de Donald Trump. Puis le roi Salmane s’est exprimé pour affirmer son soutien « inébranlable » aux droits des Palestiniens lors d’un entretien téléphonique avec le président palestinien Mahmoud Abbas, a rapporté mercredi l’agence d’État saoudienne (SPA). Le roi est du côté des Palestiniens et soutient « leurs choix et ce qui représente leurs espoirs et aspirations », a indiqué SPA.

L’Égypte a appelé Israéliens et Palestiniens à un examen « attentif » et « approfondi » du plan. En Turquie, le ministère des Affaires étrangères rejette un « plan d’annexion qui vise à tuer la solution à deux États et à voler des terres aux Palestiniens ». Ce plan est « mort-né », ajoute-t-il.

Toutinfo.net (avec RFI)