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RAPPEL A DIEU DE AMATH DANSOKHO : Le Sénégal perd son combattant et son humaniste

Véritable icône de la classe politique qui a marqué l’histoire du Sénégal pendant ces 50 dernières années, Amath Dansokho a tiré sa révérence hier à la suite d’une longue maladie. Homme de conviction, humaniste, patriote et vaillant combattant pour la démocratie et la liberté, l’emblématique leader du Parti de l’Indépendance et du travail (Pit) s’est éteint à l’âge de 82 ans et laisse un grand vide dans le landerneau politique qu’il illuminait de son charisme légendaire.

Le Sénégal est endeuillé avec le rappel à Dieu, hier, de Amath Dansokho. La disparition de l’emblématique et du charismatique leader du Parti de l’Indépendance et du Travail (Pit) laisse orpheline la classe politique sénégalaise dont il passait pour l’une des plus grandes icônes. C’est que la vie de ce natif de Kédougou se confond totalement avec l’histoire politique du pays. Homme de conviction et patriote jusqu’au bout des ongles, il a consacré toute sa vie à lutter pour l’instauration de la démocratie, le renforcement des libertés et l’établissement d’une justice sociale. Son militantisme et ses combats acharnés contre l’injustice font de lui l’un des acteurs clés durant les deux alternances politiques connues par le Sénégal. En effet, à la veille de la présidentielle de 2000, il est sur la ligne de front dans le combat pour l’éviction de Abdou Diouf et son régime. En compagnie de ses amis de la Gauche Abdoulaye Bathily et Landing Savané, il met en place la Coalition pour l’Alternance en 2000 (Ca 2000), parraine et porte avec détermination la candidature de Me Abdoulaye Wade. Beaucoup se souviennent encore de ses larmes d’émotion à l’annonce de la victoire du pape du Sopi sur le candidat socialiste. Inspiré par Maurice Thorez (membre fondateur du Parti Communiste français) dont il dévorait littéralement les œuvres, Dansokho entre en politique pour défendre un idéal communiste de justice et d’égalité. C’est ainsi qu’en 1957, il intègre le Parti Africain de l’Indépendance (Pai), affûte ses armes aux côtes de Majmouth Diop et prend les commandes de « Moom Sa Reew», l’organe de ce parti. A la dissolution du Pai dans les années 60, il s’exile à Prague (Tchécoslovaquie). A son retour en 1977, il proclame le retour de son parti à la légalité. En 1981 avec l’institution du multipartisme politique, au congrès du Pit, il est élu secrétaire général adjoint. Au bout de quelques années, il en devient le secrétaire général. Réputé pour son franc-parler et sa droiture, il est adulé des Sénégalais et jouit d’une immense aura auprès de l’ensemble des acteurs politiques. Ce qui lui permettait de rassembler dans son mythique salon de Mermoz des hommes politiques que tout opposait. Ce qui renseigne éloquemment sur ses énormes talents de fédérateur. Malgré sa grande amitié avec Me Abdoulaye Wade, il est le premier parmi les alliés du pape du Sopi à épingler publiquement sa gestion des affaires de l’Etat. De la même manière qu’il a contribué à porter Wade au pouvoir, il s’est battu avec hardiesse pour sa défaite. D’ailleurs, c’est son mythique salon qui abritait chaque semaine les réunions du Cpc, de la Cpa, du Front Siggil Senegaal(Fss) et de Benno Siggil Senegaal(Bss), des
cadres qui regroupaient les partis de l’opposition. Avec générosité et désintéressement, il a beaucoup contribué à l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême. Marié à une Française et père de quatre enfants (trois filles et un garçon), il a été ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme dans le Gouvernement de majorité présidentielle élargie sous Abdou Diouf avant d’être limogé pour son «franc parler». Après la victoire de Me Wade, il reprend le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme avant d’être remercié au bout de 8 mois. Élu député lors des législatives de 1998, Dansokho a été maire de Kédougou, la ville qui l’a vu naître il y a, de cela 82 ans. A l’opposé de la quasi totalité des hommes politiques foncièrement allergiques à la démocratie interne, ce journaliste de formation décide, en mai 2010, de céder volontairement la direction du Pit à Maguette Thiam. Par là, il administrait une fois de plus une bonne leçon de démocratie à de nombreux leaders de partis politiques.


( Hawa BOUSSO )