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CEREMONIE DE PRESTATION DE SERMENT: Pape Oumar Sakho sermonne les politiciens et défend les institutions

Macky Sall a prêté serment hier au Centre d’exposition de Diamniadio aménagé pour la cause. C’est le président du Conseil constitutionnel Pape Oumar Sakho qui a dirigé de main de maître la cérémonie. Dans son discours, le magistrat a rappelé au chef de l’Etat toute l’ampleur de sa tâche ; non sans sermonner les politiciens qui, à l’en croire, ont intérêt à revoir leur posture face aux institutions de la république.

Un peu avant onze heures, Macky Sall débarque à l’entrée du Centre d’exposition de Diamniadio accompagné de la première dame Marième Faye Sall et de ses deux fils Amadou et Ibrahima. Ces derniers s’effacent et laissent la place aux sept sages du Conseil constitutionnel qui l’ont entouré jusque dans le vestibule aménagé pour ses hôtes chefs d’Etat et autres officiels. Quelques minutes plus tard, Macky Sall rejoint la grande salle du Centre d’exposition transformée pour la cause en une salle d’audience. Le président du Conseil constitutionnel Pape Oumar Sakho déroule en proclamant d’abord l’élection de Macky Sall en vertu de l’article 35 en tant que président de la République du Sénégal. Le magistrat appelle ensuite le candidat de Benno Bokk Yakaar (Bby) réélu pour un second mandat à prêter serment. Macky Sall de dire : «Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes les forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine». Ainsi, les sages du Conseil constitutionnel installent Macky Sall pour lever enfin la séance solennelle.

Le président du Conseil constitutionnel a profité de cette séance solennelle pour en appeler à la responsabilité de tous les acteurs politiques. Comme s’il sermonnait les politiciens, Pape Oumar Sakho a indiqué que l’élection présidentielle est un moment d’introspection générale permettant de mesurer la maturité de nos Institutions ; mais aussi l’ancrage de nos élites politiques et intellectuelles dans ce qu’il convient d’appeler une culture de l’Etat de droit. Cela suppose, à l’en croire, un respect mutuel et un esprit de dépassement entre les acteurs politiques afin de surmonter la suspicion entre les adversaires politiques et de trouver un minimum de consensus sur les questions essentielles notamment en matière électorale. Il suppose également dit-il, la participation active de personnalités indépendantes et suffisamment équidistantes des partis qui pourraient se retrouver en situation de conflits, pour se donner la légitimité d’arbitres ou de médiateurs impartiaux en vue de la pacification de l’espace social et politique. «Il semble bien que des efforts soient encore nécessaires en la matière», dit-il avant de déclarer que l’histoire politique du Sénégal n’a pas été un long fleuve tranquille et qu’il est arrivé que des adversaires irréductibles s’affrontent. «Mais, ces derniers ont su prendre suffisamment de hauteur autour d’une table afin de trouver des points d’équilibre et des consensus inédits en vue d’aller toujours de l’avant dans la longue marche sur le chemin de la démocratie». Force est de constater cependant, selon Pape Oumar Sakho, qu’il y a une mutation des heurts politiques à travers la substitution du dialogue fécond aux monologues parallèles faits d’invectives et de calomnies dans les médias et les réseaux sociaux. C’est pourquoi, dit-il, le conseil constitutionnel, malgré le caractère non public et non contradictoire de ses procédures et pour garantir la sincérité et la transparence du scrutin, a ouvert ses activités à la présence des représentants des candidats et des personnalités sans affiliation connue à une entité politique. «Ce choix se justifiait par le souci de restaurer un climat apaisé, non pas au sein de la société dont la sérénité n’a jamais été prise à défaut, mais entre les différents acteurs politiques», explique-t-il.

PAPE OUMAR SAKHO : «LE DISCOURS POLITIQUE GAgNERAIT À S’ÉLEVER»

Poursuivant, le haut magistrat souligne que la contestation principielle sur le parrainage et la confiscation du débat citoyen avait pour conséquence logique la contestation de la mise en œuvre de ladite loi et au-delà la contestation des Institutions. «Ces Institutions, si souvent prises à partie aujourd’hui, sont pourtant celles qui, en l’espace de douze années, ont permis deux alternances démocratiques», souligne Pape Omar Sakho qui rend ainsi «hommage aux forces de défense et de sécurité, à l’administration chargée des élections, à la Cena, au Cnra, à la Commission nationale de recensement des votes, aux commissions départementales de recensement des votes et aux délégués de la Cour d’appel pour avoir, encore une fois avec discrétion et efficacité, permis aux citoyens d’exercer leur droit de vote dans un cadre organisé transparent et sécurisé». Pour le président du Conseil constitutionnel, c’est aussi le lieu de saluer la maturité des électeurs qui ont fait preuve de responsabilité et de discernement pour la préservation de nos acquis démocratiques. Ce qui a le plus marqué le magistrat, c’est que les électeurs n’ont fait ni vœu de contestation systémique, ni allégeance inconditionnelle à quelque chapelle que ce soit. «Ils savent que leurs voix comptent et attendent patiemment le jour du scrutin pour exprimer leur choix. Il faut s’attendre à les respecter et à compter avec eux. En allant massivement aux urnes, ils ont su préserver la paix sociale par leur comportement civique renouvelant ainsi leur confiance aux institutions républicaines impliquées dans le processus électoral». Raison pour laquelle, il estime que le discours politique gagnerait à s’élever à la hauteur de la conscience citoyenne du peuple afin que le Sénégal reflète et enfin pour toujours l’image de la démocratie mature et apaisée qu’il est réellement.

PAPE OUMAR SAKHO RAPPELLE À MACKY SALL SES DEVOIRS ET ESPONSABILITÉS

Par  ailleurs, le président du Conseil constitutionnel estime que si l’élection du 24 février 2019 a été si particulière, c’est parce que de nouvelles perspectives économiques semblent s’ouvrir dans notre pays. Faisant allusions aux découvertes de pétrole et de gaz, il soutient que ces perspectives économiques ont décuplé les enjeux et exacerbé les passions. «Les Sénégalais sont conscients qu’ils entrent dans une nouvelle ère qu’ils appréhendent autant qu’ils espèrent. Ils savent qu’elle sera en fonction de ce que nous en ferons, une bénédiction ou une malédiction. L’expérience, c’est en effet, ce qu’on fait de ses propres erreurs mais c’est aussi les leçons qu’on tire des erreurs des autres», dit-il. En outre, toujours dans son discours, Pape Omar Sakho a rappelé à Macky Sall ses devoirs et responsabilités pour la réalisation des rêves de bonheur, de prospérité, de justice et de sécurité de ses concitoyens. «Vous êtes appelé à prendre cet engagement dans un contexte mondial où même les vieilles démocraties sont en proie à des crises profondes des valeurs républicaines à travers la résurgence des idéologies obscurantistes et extrémistes qui ont fini de décomplexer le discours suprématiste et racial, le repli identitaire et l’intolérance odieuse. Vous êtes aussi appelé à prêter serment dans un contexte africain encore marqué par l’instabilité politico-militaire, les violences et les conflits ethniques, religieux. Egalement, dans un contexte national où des clivages de tout ordre font jour», a-t-il fait savoir à Macky Sall.

( Seydina Bilal DIALLO )