PROFESSEUR MOUHAMADOU HABIB SY, CHIRURGIEN-ORTHOPEDISTE A HOGGY: «Il n’y a qu’un lit d’orthopédie pour 10 000 personnes»
La prise en charge des accidentés de la route constitue un énorme problème au Sénégal. Selon le professeur de Chirurgie Mouhamadou habib Sy qui animait un des thèmes de la conférence initiée par l’Académie nationale des Sciences et Techniques du Sénégal, la faiblesse dans les ressources humaines, l’absence de statistiques sont entre autres les principaux facteurs qui plombent l’activité des chirurgiens orthopédistes.
L’Hôpital Général de Grand-Yoff est connu de tous comme étant la première structure hospitalière à recevoir des personnes victimes d’accidents de la route. Durant l’année, cet établissement sanitaire reçoit près de 17 000 passages, près de 45 par jour avec des extrêmes de 35 à 70 blessés au quotidien. A ces chiffres, s’ajoute une activité chirurgicale de près de 1650 interventions par an dont 900 pour des lésions traumatiques. Hier, lors de la conférence organisée par l’Académie Nationale des Sciences et Techniques du Sénégal (ANSTS), le Professeur Mouhamadou Habib Sy dont la communication a porté sur les urgences traumatiques grave : Place et rôle du Chirurgien orthopédique, a soutenu que de tous ces accidents, ceux causés par les deux roues posent plus de problèmes. Selon lui, des études hospitalières ont permis sur l’ensemble du territoire de mieux comprendre ce phénomène qui n’est pas seulement sanitaire, mais aussi social. Pour le chirurgien orthopédiste, il faut aider ces jeunes à aller vers l’immatriculation, l’octroi de permis ou encore la sensibilisation sur les décès accidentels causés par les deux roues. Le professeur Mouhamadou Habib Sy pense qu’il faut redéfinir la carte traumatologique du pays. Il ajoute que, depuis cinq ans tous les faits de santé, en dehors du phénomène Ebola, en 2014 sont pour une grande majorité des faits accidentels. Il cite les cas du naufrage de Betenty et de l’incendie survenue à Médina Gounass, lors d’une édition du Daka. Le professeur Sy qui dirige le service d’Orthopédie-traumatologie de l’Hôpital Général de Grand Yoff soutient qu’il n’y a qu’un lit d’orthopédie pour 10 000 personnes et un orthopédiste pour 365 000 habitants. A cela s’ajoutent des insuffisances dans la formation. Sur 21 candidats, seuls cinq sénégalais ont été reçus pour la spécialisation à l’orthopédie. « Les choses risquent de se compliquer encore, car la démographie va augmenter, les traumatismes également vont connaître une hausse dans un pays où les infrastructures sont souvent accidentogènes comme l’autoroute à péage qui est mal éclairée », a dit le patron de l’Institut de Recherche et de Formation en Santé. rAPIDITE, PrOTOCOLE ET DISPOnIBILITE Et malgré les conséquences au plan économique et humain, le Sénégal n’a toujours pas trouvé la stratégie pour éradiquer ce fléau. Pour lui, sans données statistiques, on ne peut pas assurer la prévention encore moins bâtir une stratégie. « Il n’y a aucun pays africain qui dispose de statistiques, alors qu’en France on dénombre 20 000 morts par accident chaque année. Il y a un chemin à faire », dit-il. Pourtant, un projet pour la construction d’un Trauma Center avait été initié à Diamniadio, mais il a été dévoyé, car, selon le professeur, l’approche que les autorités avaient de ce projet n’était la bonne. « On perd des vies, par ce que nous sommes défaillants en termes de rapidité, de protocole et de disponibilité. On confond mise en place des infrastructures, formation des hommes et caractère opérationnel», regrette le professeur de Chirurgie, Mouhamadou Habib Sy. De son côté, le professeur Abdoulaye Ndiaye a axé sa communication sur les avancées récentes de la prothèse de la hanche. Selon lui, la planification tridimensionnelle grâce aux logiciels Hip Plan Hip EOS a permis aux spécialistes de mener à bien leurs opérations. « Elle permet de visualiser et de fiabiliser la procédure chirurgicale. Elle permet aussi d’approcher de mieux la correction optimale des anomalies chez le patient », a dit le chef du Service du Laboratoire d’Anatomie à la Faculté de Médecine. L’ancien assistant associé à la Faculté de Médecine de Lyon Nord pense que si les jeunes ne viennent pas en Orthopédie c’est parce que c’est un travail astreignant et qui demande du temps et du matériel.
( Amadou THIAM )