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REVOCATION DU MAIRE DE DAKAR Les avocats de l’etat justifient la mesure

Contrairement aux avocats de la défense de Khalifa sall, qui considèrent que le pourvoi est suspensif pour fustiger le décret de révocation de leur client par le président de la République, le Bâtonnier, Me Moussa félix sow précise que la sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires. en effet, le décret est une décision administrative qui n’a aucun lien avec la procédure en cours dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. l’avocat s’est également indigné des propos de ses confrères de la défense qui ont qualifié l’arrêt de la cour d’appel de «honte et d’insulte» sans pour autant attendre que ledit arrêt soit disponible.

Au lendemain de la conférence de presse des avocats du maire révoqué de Dakar Khalifa Sall, c’était hier au tour des avocats de l’Etat du Sénégal d’apporter des clarifications jugées nécessaires sur l’arrêt rendu par la Cour d’ap- pel et sur le décret de révocation du désormais ex maire, Khalifa Sall. Dans cet exercice, le Bâtonnier, Me Moussa Félix Sow n’a pas manqué de s’en prendre aux avocats de Khalifa Sall, coupables, à ses yeux, d’avoir procédé à un commentaire hâtif de l’arrêt de la Cour d’appel qui, d’ailleurs, indique-t-il, n’est toujours pas disponible. «S’agissant de l’arrêt en question, il n’est pas encore disponible, il le sera dans la semaine. Il est dans ces condi- tions osé, voire prématuré de pouvoir faire des commentaires sur l’arrêt allant jusqu’à estimer que cet arrêt est une honte ou une insulte. Cela est excessive- ment grave et très grave de faire de pareilles affirmations», s’in- digne le Bâtonnier qui rappelle dans la foulée, que l’honnêteté
aurait voulu que ses confrères de la défense reconnaissent que ledit arrêt a annulé les procès- verbaux d’enquête préliminaire. Sur ce point, les deux parties émettent sur la même longueur d’onde. Seulement, les avocats de Khalifa Sall pointent du doigt le manque de courage du juge d’ap- pel qui n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique pour annuler tous les actes subséquents. Cependant, loin de cautionner cette logique de la défense, Me Moussa Félix Sow fait remarquer que dans le cadre de l’appel, la Cour d’appel avait la possibilité, sur la base de l’article 508, si elle décidait même d’annuler tout, elle avait la possibilité d’évoquer le fond. «Ici, la Cour a annulé les procès-verbaux, mais a estimé pouvoir considérer que la procédure pouvait continuer et analyser le fond sur la base du rapport d’enquête qui a été fait par l’Inspection générale d’Etat (Ige) parce que le réquisitoire du pro- cureur avait visé deux actes : Le procès-verbal d’enquête préliminaire et le rapport de l’Ige», précise le bâtonnier. «C’est pour vous dire que vouloir attaquer l’arrêt de cette façon, sans le lire, ne relève que de la politique politicienne qui n’a rien à voir avec le droit. Avant d’attaquer une décision, il faut la lire pour pouvoir la commenter», renchérit l’avocat.
«lA SANCTION ADMINISTRATIVE NE PAS OBSTACLE AUX POURSUITES  JUDICIAIRES»
Qu’en est-il du décret de révoca- tion du maire de Dakar Khalifa Sall ? A cette décision jugée illégale par la défense du maire révoqué qui cite l’article 36 de la loi organique de 2017 portant sur la Cour suprême, les avocats de l’Etat, par l’intermédiaire du Bâtonnier Me Sow a opposé à cet article les dispositions des articles 135 et 140 du Code général des Collectivités locales (Cgcl). «L’article 135 dit que lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit. Tel n’est pas le cas ici. Les maires et adjoints après avoir été enten- dus et invités à fournir des explications écrites sur les faits, peuvent être suspendus par un arrêté du ministre chargé des Collectivités locales pour un temps qui n’excède pas un mois et qui peut être porté à trois mois. Il ne peut être révoqué que par décret. L’arrêté de suspension et le décret de révocation doivent être motivés. L’article 140 va citer les faits pour les- quels on va appliquer l’article 135 et parmi ces faits : Sept faits qui font que l’article 140 dit que dans les sept premiers cas, la sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires», relève la robe noire qui persiste à dire que c’est une sanction administrative même si la défense prétend que Khalifa Sall n’est pas un fonctionnaire. Pour
conforter ses dires, Me Sow d’invoquer une jurisprudence rendue en France dans un arrêt du 12 juin 1987. «Le Conseil d’Etat considérant que l’arrêt du 29 novembre 1985 de la Cour d’appel de Nîmes condamnant M. X à la peine susmentionnée bien qu’il ait fait l’objet d’un pourvoi en cassation a l’autorité de la chose jugée. Qu’il pouvait dès lors légalement servir de fondement à la mesure de révocation prononcée le 6 mars 1986 à l’égard de M. X, lequel ne saurait utilement se prévaloir dans ces conditions de ce que cette mesure méconnaitrait le principe de la présomption d’innocence dont doit bénéficier le prévenu», rapporte le bâtonnier qui estime sur ce fondement que le chef de l’Etat peut tout à fait prendre un décret de révocation qui ne porte nullement atteinte aux principes de la présomption d’innocence. «Le décret ne se limite pas seulement à évoquer l’arrêt de la Cour d’appel, il rappelle également que Khalifa Sall a fait l’objet d’un audit par l’Inspection générale d’Etat qui a révélé des manquements. Le décret de révocation se justifie amplement du point de vue des faits de détournement qui lui sont reprochés», charge Me Moussa Félix Sow.
ANOINE DIOME : «APRES  LE RAPPORT DE L’IGE, LE PRÉSIDENT  ETAIT FONDÉ A PRENDR CETTE MESURE DE RÉVOCATION»
A l’Agent judiciaire de l’Etat, Antoine Diome d’ajouter : «Le dernier alinéa de l’article 140 du Cgcl est très clair sur la question. Ca signifie en réalité, que pour un seul fait, il peut faire l’objet d’une sanction administrative ou d’une sanction pénale. Maintenant la sanction administrative lorsqu’elle est prononcée, elle ne fait même pas obstacle aux poursuites judiciaires. Il y a une sorte de déconnection ici opérée par la loi elle-même des sanctions administratives par rapport aux sanctions pénales», martèle l’Aje qui y va de sa jurisprudence pour étayer ses propos. De plus, M. Diome relève que la défense tente de créer un lien entre la procédure judiciaire et la sanc- tion administrative. Ce qui lui fait dire que le président de la République, après le rapport de l’Ige, était fondé à prendre cette mesure de révocation. Revenant sur la «déclassification» du rapport de l’Ige sollicitée par les avocats de Khalifa Sall, le patron de l’agence judiciaire de l’Etat est d’avis que la défense veut les entrainer sur un terrain qui n’a rien à voir avec cette affaire. Pour le Bâtonnier, ce n’est pas la peine de déclassifier un quelconque rapport puisque le rapport de l’Ige figure dans le dossier et débattu lors du procès. Ce qui lui fait dire que le rapport est dans le domaine public.

(Moussa   CISS et Toutinfo.net)