ActualitéContribution

LA CHRONIQUE DE MLD: Trump, l’électrochoc pour un Sénégal ambitieux. Par Mamadou Lamine DIATTA

« Quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que lui donner du poisson ». Proverbe chinois

Le Président américain Donald Trump est certes reconnu comme un personnage atypique, spécialiste de l’invective et des outrances mais il reste un profil courageux et entier. L’avantage avec un tel dirigeant, c’est que son discours cash fait de lui un client au jeu prévisible, lisible et pas hypocrite pour un sou. Une espèce rare voire unique dans le landerneau politique mondial
De ce point de vue, il a franchement rendu service à tous ces pays pauvres jusque-là bénéficiaires de l’aide publique Us via l’activité débridée de l’USAID, la célèbre agence chargée de l’aide étrangère dotée d’un budget colossal de près de 25 000 milliards de fr cfa…
Au cours des dernières années, des millions de dollars ont été injectés par la coopération yankee au Sénégal dans des domaines aussi variés que la promotion des droits de l’homme, la gouvernance des affaires publiques, la consolidation de la démocratie et tant d’autres secteurs liés aux services sociaux de base. Sauf que lorsque Trump a décidé de suspendre même momentanément l’aide américaine dont bénéficie actuellement les pays pauvres particulièrement le Sénégal, l’on a constaté un retentissement rarement égalé au regard du contexte de rareté des ressources publiques et du blues de populations désemparées et découragées par un coût de la vie qui monte crescendo au quotidien.
Ce programme d’électrification dit Compact power d’un coût d’environ 314 milliards cfa est quand même vital pour notre pays d’autant qu’il était destiné à 12 millions de concitoyens, soit 12700 ménages devant accéder enfin à l’électricité, source de vie à l’image de l’eau.
C’est curieux et triste à la fois parce que comme d’habitude, on a encore manqué de vision pour avoir fait preuve de légèreté en suspendant un service public aussi stratégique à la magnanimité d’un contribuable américain plus que jamais exigeant. C’est toute la tragédie de ce dossier délicat et la mesure brutale de Trump aura un impact massif pour plonger davantage ce pays déjà confronté à une faible marge de manœuvre budgétaire dans une profonde situation d’incertitude et de tension.
Malgré tout, nous devons faire preuve de résilience car le Sénégal vivra visiblement des moments aussi difficiles, aussi cruciaux et aussi délicats que la fameuse période Covid …
L’idée c’est d’éviter au maximum de dépendre de cette aide, en vérité une aumône avilissante des occidentaux contribuant grandement à maintenir le continent dans une spirale de dépendance innommable. Il s’agit ainsi d’un instrument de domination et d’influence qui met en lumière le soft power des pays riches d’autant que contrairement aux apparences, l’aide publique profite plus au donateur qu’au bénéficiaire.
Ce poison qui nous lie, nous ligote et nous étouffe peut être bloqué à tout moment comme c’est le cas actuellement.
Nous avons du mal à assimiler ce célèbre proverbe chinois qui enseigne avec une pointe de sagesse que « quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que lui donner du poisson ». Les seuls maîtres-mots qui vaillent restent donc autonomie et liberté.
C’est toute la pertinence de la sortie à Louga du Premier ministre Ousmane Sonko qui a compris que le tonitruant Leader américain nous invite et nous incite à prendre nos responsabilités afin que nous puissions mettre en œuvre une stratégie robuste et intelligente de développement endogène. L’idée est sûrement de promouvoir un développement auto- centré basé prioritairement sur les souverainetés alimentaire et énergétique surtout en conformité avec notre nouveau statut de pays pétrolier gazier.
Il ne faut pas oublier de construire un nouveau modèle de gouvernance des ressources publiques et de promotion du développement. Faudrait-il le rappeler, déléguer son développement à l’occident est tout simplement un désastre et la répétition a des vertus pédagogiques.
Le retour aux affaires de ce Trump iconoclaste et haut en couleurs qui, tel un cow-boy du Far West, tire sur tout ce qui bouge, est à n’en point douter une bonne nouvelle, un mal pour un bien pour tous les Africains. Son discours annonce plus qu’une révolution ; on assiste à une véritable disruption dans les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique. Le message est clair : « Stop à l’assistanat tous azimuts et débrouillez-vous». Cette Afrique sous assistance économique depuis les aurores des indépendances a l’occasion unique de mobiliser ses dignes filles et fils pour provoquer l’électrochoc et fouetter la fierté qui doit animer tout être humain sur terre. Avec la foi, on peut soulever des montagnes dit-on.
Pour le cas spécifique du Sénégal, il faut également penser à renouveler les bonnes pratiques de Me Wade qui avait déroulé une fine stratégie de diversification des partenaires économiques avec notamment le recours aux pays du Moyen -orient et aux pays arabes.
Et puis, le Sénégal a l’obligation d’intensifier la lutte contre la corruption en plus de fermer toutes ces niches de dépenses contre-productives n’ayant aucune incidence directe sur le vécu des populations.
Sur le plan institutionnel, on constate plusieurs doublons entre certaines agences et des directions nationales stratégiques. Il faudrait clairement procéder à un écrémage.
Via le Leadership par l’exemple, l’administration Diomaye-Sonko est invitée à réduire drastiquement son train de vie. Des efforts appréciables ont été faits avec une réduction notable de dix postes ministériels entre le dernier gouvernement Macky Sall et le premier attelage gouvernemental de l’actuel pouvoir. On est donc passé de 35 ministères à 25. Dans ce pays où tout reste prioritaire, l’urgence est de rationaliser la dépense publique en privilégiant l’efficacité et l’efficience.
C’est connu, le Sénégal n’a pratiquement aucun problème lié à la pratique démocratique. Nos limites sont exclusivement d’ordre économique et la décision controversée de Trump met en lumière l’extrême fragilité de notre modèle de développement.