LA CHRONIQUE DE MLD: Thiaroye 44 ou la victoire diplomatique du Sénégal. Par Mamadou Lamine DIATTA
« La vérité historique est faite du silence des morts »
Etienne REY
Pas moins de cinq chefs d’états africains avec à leur tête le Président Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani Président de l’Union africaine pour assister à la commémoration des 80 ans du massacre de Thiaroye 44.
Au même titre que le voisin du nord, la Gambie et la Guinée-Bissau représentées au plus haut niveau restent plus que des pays frères. De même, la présence des dirigeants du Gabon et des Comores achève de consacrer l’envergure internationale jamais prise par la célébration de cet évènement tragique resté en bonne place dans l’imaginaire collectif. C’était également la première fois que la société civile du continent se mobilise autant à l’occasion.
On peut valablement mettre en lumière la symbolique d’une victoire diplomatique, d’un repositionnement voire une consolidation de la place du Sénégal dans un environnement géopolitique assez complexe.
Et puis il faut savoir que le Président Emmanuel Macron n’a pas abdiqué : les mots ont leur sens. Il a juste eu le courage de reconnaitre officiellement le massacre de Thiaroye 44 surtout que les circonstances ne lui donnaient qu’une infime marge de manœuvre.
Le Sénégal s’engage à travailler avec 16 pays africains pour raconter intégralement l’histoire authentique de Thiaroye.
Le Président François Hollande l’avait déjà fait en novembre 2014 mais il avait juste parlé de dette de sang devant le Président Macky Sall…
Aujourd’hui, il est intéressant d’analyser l’évolution sémantique abyssale entre la « dette de sang » débitée du bout des lèvres par le Président Hollande en 2014 et le « massacre » sans ambiguïté reconnu officiellement par le Président Macron et dans le contexte actuel ce n’est pas rien. C’est ce qui explique d’ailleurs l’exploitation faite en mondovision par le pouvoir actuel qui ne s’est pas privé de faire dans un certain triomphalisme en ressassant à l’envi le souverainisme et le rééquilibrage des relations économiques avec la France, en vérité le cœur de leur Projet de développement d’un Sénégal à la croisée des chemins.
C’est visiblement le tandem Diomaye-Sonko qui donne le tempo dans cette séquence importante de nos relations séculaires et tumultueuses avec la vieille et résiliente France. Ces jeunes dirigeants sont exactement dans leur rôle de travailler à capitaliser ce revirement à 180 degrés d’une puissance colonisatrice qui accepte finalement par la voix de Jean Louis Barrot locataire du Quai d’Orsay qu’il n’ya « pas de paix sans justice et pas de justice sans vérité ».
Il était important de faire l’inventaire pour rester fidèle au fameux devoir de vérité afin de mieux mobiliser les énergies.
En moins d’un an au Pouvoir, le duo Diomaye /Sonko a réussi une prouesse pour ne pas dire l’impensable : contraindre la France à faire face à ses responsabilités devant les caméras du monde entier.
Comme le disait avec justesse Etienne REY écrivain-dramaturge français « La vérité historique est faite du silence des morts ». Et puis l’histoire est remplie de faits montrant la vérité réduite au silence par la persécution car il s’agit le plus clair du temps de la grande Histoire écrite du début à la fin par les vainqueurs.Pis, elle est tronquée le plus clair du temps pour consolider une certaine domination politique et économique.
Malgré l’immense fierté ressentie par tous les Sénégalais, il faut avoir la lucidité de reconnaître que nul ne devrait tirer la couverture à soi. Il ne faut pas se méprendre également d’autant que cela ne servira à rien de bomber le torse dans ce monde complexe qui nous enseigne l’humilité et une remise en cause au quotidien.
Le nouveau régime a certes honoré notre histoire et notre dignité mais il l’a juste fait au nom du principe sacro-saint de la continuité de l’Etat d’autant que les contextes et surtout les styles sont différents d’un homme politique à l’autre, d’une époque à une autre. En 2014 déjà, François Hollande avait déjà remis solennellement une copie des archives françaises sur
Thiaroye 44 au Président Macky Sall. Et puis Senghor, fidèle à sa solide réputation de poète prolifique avait écrit sur Thiaroye. Le Président Wade avait érigé le lieu en cimetière national. Idem pour le Président Abdou Diouf qui n’a jamais été indifférent à ce massacre d’une cruauté inouïe.
Seulement voilà, l’actuel pouvoir a quand même le mérite d’avoir pris des initiatives plus hardies, plus impactantes pour ne pas dire plus spectaculaires mais sûrement plus efficaces.
Cette histoire tragique sera intégrée dans les curricula éducatifs, un mémorial sera édifié de même qu’un centre de documentation et de recherche sans oublier la sanctuarisation de la journée du 1er décembre dite du tirailleur.
Des actes significatifs qui assurent que les générations futures s’en souviendront. Un tournant historique.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’érection de ce comité international de chercheurs indépendants présidé par le brillant Historien Mamadou Diouf, un profil consensuel qui apporte une véritable caution morale à ce projet innovant qui suscite de réels espoirs.
Le Sénégal s’engage ainsi à travailler avec pas moins de 16 pays africains pour raconter intégralement l’histoire authentique de Thiaroye. Avec le soutien d’une France ayant accepté ( peut-être la mort dans l’âme) de faciliter l’accès aux archives pour la manifestation éclatante d’une vérité qui s’érige finalement en vecteur d’intégration des peuples africains.
En définitive, la vérité sur Thiaroye 44 ne va pas garnir le panier de la ménagère encore moins remplir nos assiettes mais elle va sûrement fouetter notre ardeur pour raffermir ce sentiment national et revivifier cette foi qui permet notamment de soulever des montagnes.
C’est connu, tout est dans le mental !