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AMADOU MAHTAR MBOW : UN PANAFRICANISTE HORS-PAIR. Par Dr.  Ahmed Hamid DAWELBEIT, membre d’honneur du CACSUP

mail : ahmeddawelbeit77@gmail.com

«  Ce n’est pas commun de fêter les 100 ans d’une personne.  Aussi voudrais- Je remercier Dieu de m’avoir fait vivre  jusqu’ici. Je ne sais pas combien de temps j’ai encore à vivre, mais j’ai consacré toute ma vie à essayer de faire bien en compagnie de mon épouse, qui est là, à ma droite  » .

Extrait du message de regretté Professeur Amadou Mahtar  MBOW lors du Colloque international commémorant son Centenaire, qui a eu lieu le 20 mars 2021, le jour de son anniversaire (3)  

  1. En guise d’introduction : les bienfaits des liens intergénérationnels. Le Patriarche et les jeunes générations. Le cas d’Ibrahima Eloi SARR : un exemple à suivre                                   

Le décès du Professeur Amadou Mahtar MBOW, survenue  la nuit du lundi au mardi 24 septembre à l’âge de 103 ans, est une perte énorme pour sa famille, ses amis, ses nombreux disciples, son pays, pour l’Afrique ainsi que pour la communauté internationale, en raison de la singularité de l’homme.

• Au cours de sa carrière exceptionnelle il s’imposait à la fois comme un pédagogue de talent engagé à la fois dans la réflexion, l’action éducative, et un homme des plus érudits et  des plus respectés dans  les pays en développement.

• Amadou Mahtar MBOW  a été  un visionnaire au potentiel illimité qui incarnait parfaitement, qui  a possédé une vaste connaissance et expérience dans plusieurs domaines.

• Historien et éducateur de carrière, le professeur MBOW a  été Directeur Général de l’UNESCO de 1974 à 1987, Ministre, député de la nation, homme politique.                                   

 •  En 2009, il a été choisi pour conduire les travaux des Assises nationales, événement historique qu’il a dirigé avec brio. En profitant de l’occasion offerte par son peuple, le Patriarche décida de nous proposer, dans son  discours de clôture,  une ligne de conduite et de collaborer avec enthousiasme à la sauvegarde et à l’enrichissement du fonds déjà imposant une chose que nous avons en commun : notre destin..                           

   «Notre destin n’est inscrit dans aucune fatalité et rien ne changera sans l’effort des volontés de tous ceux dont le destin est en cause..Il n’y a pas, dans la vie d’un peuple, des situations que ne puissent changer. Tout peut  changer, mais rien ne changera sans l’effort des volontés de tous ceux dont le destin n’est inscrit dans aucune fatalité. C’est à nous qu’il appartient de forger pour nous-mêmes, et par nous-mêmes, et pour l’avenir de nous enfants et de nos petits enfants.  Mais l’avenir on le fait dès maintenant, en commençant d’abord par résoudre les problèmes d’aujourd’hui et en menant des actions pouvant influencer positivement l’évolution ultérieure, ». ( Extrait du discours de clôture ).

 • Nous, conseillers et membres d’honneur du Centre Africain de Complémentarité Scolaire-universitaire et de la Promotion- CACSUP, nous sommes très fiers de déclarer que parmi ceux  à qui le Patriarche a  passé le flambeau figure en premier rang Ibrahima Eloi Sarr, Président du Centre Africain de Complémentarité Scolaire-universitaire et de la Promotion- CACSUP , et  de l’institut  Communautaire Africain de Gestion et d’ingénierie – ICAGI / Amadou Mahtar Mbow.

• A la question qui lie le Patriarche avec Ibrahima Eloi Sarr ?         La réponse est donnée par Mme Aissatou DIA NDIAYE (la petite-fille du Président Mamadou DIA ) Directrice  Général du Centre de Formation Artisanale (CFA) de Dakar dans son hommage émouvant au Patriarche. Quelques extraits :

 «…Son lien avec Ibrahima Eloi SARR transcende la simple collaboration professionnelle pour devenir une relation fondée sur un profond respect mutuel, empreinte d’une estime considérable.

• « Ibrahima Eloi SARR, reconnu par son  dévouement au Sénégal et de l’Afrique, a toujours vu en Amadou Mahtar MBOW un mentor, une source d’inspiration, et un modèle à suivre. Leur relation s’est bâtie autour de valeurs communes : la volonté de promouvoir l’éducation comme un pilier du progrès, le respect des traditions africaines, et l’engagement pour la transmission des savoirs aux générations futures.

• «  Ensemble, ils partageaient la vision du Sénégal fort, ancré dans ses racines mais ouvert au monde, et ont souvent collaboré dans cette direction.

• «  Professionnellement, Amadou Mahtar MBOW voyait en Ibrahima Eloi SARR un allié et un acteur clé dans les initiatives de développement. Leur complicité était nourrie par une profonde admiration réciproque, le Doyen MBOW étant sensible à l’énergie et la rigueur qu’Eloi SARR déployait pour chaque projet.                            • «  Leurs  échanges étaient  marqués par une bienveillance naturelle, Amadou Mahtar MBOW n’hésitant jamais à encourager Ibrahima Eloi SARR à poursuivre ses actions novatrices, tout en le conseillant avec la sagesse propre à son âge et à son expérience.

•  «  Cette relation, construite sur le respect, l’humilité et le désir d’avancer pour le bien de la communauté, restera gravée dans les mémoires comme un exemple de collaboration intergénérationnelle.

• «  Amadou Mahtar MBOW et Ibrahima Eloi SARR ont incarné, chacun à sa manière, les valeurs de leadership et développement qui font la fierté du Sénégal et de l’Afrique.

 Ibrahima Eloi SARR nous rappelle, que, « ..C’est dans cette dynamique qu’il a accepté d’être le parrain de l’institut Communautaire de Gestion et d’ingénierie (ICAGI), une école de formation communautaire pionnière créée ( en 2012 ) pour offrir aux jeunes africains issus de milieux défavorisés une chance de se former et de contribuer au développement de notre continent. La vision d’Amadou Mahtar MBOW allait bien au-delà de l’acquisition de compétences techniques. Pour lui, il s’agissait aussi d’inculquer un sens aigu du devoir citoyen et de l’engagement  social.

•  Ibrahima Eloi SARR  a eu l’idée ingénieuse de faciliter les contacts et  les échanges réguliers  intergénérationnels entre le Patriarche  et les étudiants boursiers du CACSUP ainsi que les étudiants  de l’ICAGI. À l’occasion de l’anniversaire d’Amadou Mahtar MBOW, Ibrahima Eloi SARR lui      rendait visite, accompagné d’un groupe d’étudiants, du personnel administratif de l’ école et des membres du CACSUP, pour lui remettre des cadeaux ( un grand boubou, des dattes, etc..) , geste que le Patriarche appréciait beaucoup.        

• Le dernier engagement moral d’Ibrahima Eloi SARR  envers le Patriarche, c’est l’invitation  des étudiants de L’ICAGI à participer  à la levée du corps et à l’enterrement du notre cher Amadou Mahtar MBOW ( voir la vidéo ).

  • Un panafricaniste hors-pair

 • Amadou Mahtar MBOW  était un panafricaniste hors pair

• Amadou Mahtar MBOW  était convaincu que les peuples africains croient à la liberté, à  la démocratie et aux droits de l’homme mais la démocratie va de pair avec la justice sociale,  la liberté avec l’éducation et la culture, et il ne peut y avoir d’exercice réel des droits de l’homme sans égalité ni équité.

• En tant que panafricaniste le Professeur Amadou Mahtar MBOW n’était pas seulement acteur très actif de la lutte politique pour l’indépendance du Sénégal et les anciennes colonies françaises de l’Afrique de l’Ouest.

• Dans sa communication intitulée, » L’UNESCO dans la lutte contre l’apartheid et pour la décolonisation : la contribution d’Amadou Mahtar Mbow   présentée au Colloque international commémorant le 90 ans d’Amadou Mahtar MBOW(2), le Professeur Abdoulaye Bathily a montré le rôle important du patriarche Amadou Mahtar MBOW dans la lutte contre l’apartheid et la décolonisation.  

• Le Professeur Abdoulaye BATHILY a déclaré que, « Mieux que cela, il a été le premier directeur de L’UNESCO à s’être investi de manière pratique après des mouvements de libération nationale, en allant les rencontrer dans leur quartier général, discuter avec eux, formuler les recomandations et définir les

   formes et types d’appui que l’organisation devait porter à ces mouvements.

• Une quantité considérable de manuels , de documents didactiques de toutes sortes ont été produits par L’UNESCO, en appui aux mouvements de libération.

• Le soutien aux écoles dans les zones libérées, en sollicitant non seulement le concours financier de L’UNESCO, mais aussi en tandem avec le programme des Nations Unies pour le développement.

• Le soutien à l’Institut des Nations Unies pour la Namibie, basé à  Lusaka, les relations avec les dirigeants des mouvements de libération nationale comme  Amilcar Cabral, Sam Nujoma, Olivier Tambo. Le résultat a été que ces organisations ont pu, à partir de cet appui de L’UNESCO – matériel , moral, politique – , augmenter leur capacité de résistance.

• Il fallait les talents d’Amadou Mahtar MBOW, mais plus que ses talents de diplomate, il fallait ces convictions établies, pour qu’Amadou Mahtar MBOW joue ce rôle dans la lutte contre l’apartheid ».

  • Amadou Mahtar MBOW et le Parti pour l’indépendance de la Guinée et Cap Vert – PAIGC

• Ministre de l’éducation du Sénégal, Amadou Mahtar MBOW a fourni un appui aux écoles ouvertes par le Parti  pour l’indépendance de la Guinée et Cap-Vert  (PAIGC), qui fonctionnaient déjà sur le territoire Bissau-guinéen, Sénégalais, et de la Guinée Conakry  avant l’indépendance, et facilitait l’ouverture d’une représentation de ce mouvement au Sénégal. Il a joué aussi le rôle très délicat de facilitateur et médiateur entre le Chef d’Etat du Sénégal d’antan, Léopold Sédar Senghor et Amilcar Cabral, leader du mouvement ayant lutté pour l’indépendance de la Guinée portugaise et du Cap Vert, deux colonies du Portugal en Afrique voisines du Sénégal.            Au cours de ses multiples rencontres et échanges avec Amilcar Cabral, Amadou Mahtar MBOW a pu tisser de liens très forts d’amitié avec ce dernier. La dernière rencontre du Patriarche  avec Amilcar Cabral a eu lieu fin octobre 1972 à l’aéroport de Hong-Kong, à peine trois mois avant  son  assassinat.

• Le 14 mai 2013, un peu plus de 40 ans après sa dernière rencontre avec Amilcar Cabral, le Professeur Amadou Mahtar MBOW présida dans les locaux de l’UNESCO à Dakar la Conférence de presse de lancement de la campagne internationale de collecte des objets, photos, archives sur Amilcar Cabral dont nous avons l’honneur d’assister en tant que représentant de l’Ambassadeur de la Guinée Bissau au Sénégal (1). L’UNESCO qui avait restauré en 2011 à Bafata (Guinée-Bissau) la maison natale de Cabral, a voulu à travers cette campagne donner une plus grande visibilité à cette maison devenue musée, promouvoir le tourisme de mémoire et immortaliser Amilcar Cabral (voir annexe le discours d’ouverture de la conférence).

• Les témoignages, souvenirs, et propos touchants sur Amilcar Cabral ont été proférés par le Professeur Amadou Mahtar MBOW au cours de cette conférence, en présence des nombreux élèves et étudiants venus de différents établissements d’enseignement de la capitale sénégalaise. Voici un extrait de son discours                        ç« Je félicite d’abord l’UNESCO et tous qui ont travaillé à la restauration de cette maison »

« Amilcar Cabral est un symbole mais malheureusement nous n’en avons pas beaucoup de ce type en Afrique ».

« Amilcal Cabral a toujours dit que vous devez réfléchir par vous-même, ce que signifie éliminer les aliénations culturelles et intellectuelles. Mais nous en Afrique nous continuons de nous appuyer sur les modèles extérieurs et sommes préoccupés par ce que les autres pensent de nous ».

• « Nous devons faire comprendre aux jeunes générations qu’elles doivent réfléchir par elles-mêmes. Nous avons essayé, avec Cabral et d’autres de ma génération, d’assumer notre responsabilité historique, c’est à présent au tour de la nouvelle génération d’assumer la sienne ».  

• « Faisons de la maison de Cabral un musée, et un centre de documentation sur Amilcar Cabral, sur le mouvement d’Independence en Afrique et aussi sur ce que pourrait être l’avenir de l’Afrique un continent où règne la paix, la fraternité, un continent de progrès et un continent où chacun trouve sa place ».

• Amadou Mahtar MBOW a  présenté la vie de Cabral et sa contribution aux mouvements de libération postcoloniale en évoquant aussi le souvenir de ses multiples  rencontres avec lui.

• Je termine mon hommage en reprenant les propos du père fondateur du panafricanisme, premier Président du Ghana KUAME NKRUMAH, qui disait :

[ J’ai la certitude que la mort ne peut éteindre la flamme que J’ai allumée au Ghana et en Afrique. Longtemps après ma mort, elle continuera de briller, éclairant et guidant tous les peuples ] .

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Références :

1. Invitation à la conférence de  presse de lancement de la campagne de collecte des objets, photos, archives sur Amilcar Cabral par M.     Amadou Mahtar MBOW, le 14mai 2013 au BREDA, adressée à Son Excellence monsieur l’Ambassadeur de la République de Guinée-Bissau au Sénégal (Réf. : DKR/2013 CLT/ 039, le 06mai 2013)     

2. Amadou Mahtar MBOW. Le sourcier du futur. Un combat pour l’Afrique, un destin pour l’humanité.

Actes du colloque international tenu à Dakar, 10-12 mai 2011

3. » Synthèse du séminaire sur Amadou Mahtar MBOW et l’émancipation des peuples  en Afrique et dans le monde ». Actes du Colloque international du Centenaire 20 mars 2021, sous le titre, » Amadou Mahtar MBOW un siècle qui éclaire l’avenir « Hommages ( Messages, Témoignages, Expositions, Fresques Médias ).Page 146.

 Ñ http :www.unesco.org  

Le présidium de la conférence de presse de lancement de la campagne internationale de collecte des objets,  photos, archives sur Amilcar Cabral organisée par l’UNESCO Dakar sous la présidence du Pr. A.M. MBOW.

Monsieur Amadou Mahtar MBOW (4ème sur image) ; Ambassadeur du cap vert au Sénégal (2ème sur l’image) ; Ahmed Dawelbeit (1er sur l’image).