LA CHRONIQUE DE MLD: Crise de la presse et folie sociétale…Par Mamadou Lamine DIATTA
« La folie, c’est de faire toujours la même chose est de s’attendre à un résultat différent »
Albert EINSTEIN
D’emblée, force est de reconnaître que les rapports de force et les jeux d’intérêts ont toujours été le moteur de l’Histoire.
Mieux, le Président Macron ne recevra jamais la presse française pour régler une quelconque crise.C’est impensable ! Mais le Sénégal n’est pas la France et nos réalités socio- culturelles imposent pratiquement au Président Bassirou Diomaye Faye de recevoir les patrons d’entreprises de presse dans les meilleurs délais.
La position de la clé de voûte de nos Institutions est pourtant claire et nette : Il s’engage visiblement à échanger avec une « presse professionnelle, responsable et respectueuse de l’Etat de droit ».
Cela dit, la récente journée sans presse organisée exclusivement par le patronat des médias a suscité des avis mitigés au sein des populations sénégalaises dans un contexte de morosité économique accentué du reste par la raréfaction de l’argent-roi dans nos espaces de vie.
En ce mois d’août connu pour sa rudesse et surtout la vacuité des greniers surtout en milieu rural, c’est un truisme de ressasser que les Sénégalais sont très très fatigués.
Mais nous devons à la vérité de reconnaître que les patrons de presse doivent mentionner dans l’évaluation de cette journée symbolique de protestation que la bataille de l’opinion est loin d’être gagnée.Un doux euphémisme s’il en est. Diverses raisons expliquent cette situation qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’écosystème médiatique.
D’abord la désaffection de ce public désenchanté, plutôt happé, séduit, contrôlé voire manipulé par des influenceurs virtuels qui traînent pourtant des tares congénitales relativement à un défaut de formation qui suinte au quotidien à travers leurs productions intempestives sur la toile.Entre la presse sénégalaise et le grand public, la crise de confiance est manifeste.Ensuite,l’attitude paradoxale des jeunes reporters désabusés et peu solidaires de leurs patrons au regard des conditions de travail pénibles dans les rédactions. Autrement dit, une presse peu homogène et traversée par de sérieuses dissenssions internes. Sans oublier d’autres misères comme le non reversement des cotisations sociales ( IPRES et Caisse de sécurité sociale) ou encore l’absence chronique d’un Business-Plan et surtout ce modèle économique déroulé au mépris des règles basiques du Management.
Autant dire que malgré la résilience remarquable de plusieurs valeureux mohicans, percutants en diable, la presse ne fait pratiquement plus rêver.
En vérité, cette crise médiatique du reste mondiale ne survient pas ex-nihilo. Loin de là ! Au Sénégal, elle est intimement liée à une dépression sociétale sans précédent.Les journalistes ne vivent pas sur la planète Mars encore moins en vase clos.Leurs angoisses existentielles ne sont que le reflet de cette société sénégalaise malade en quête d’une thérapie de choc.
L’équation du financement
Pour autant, ceux qui incarnent actuellement l’Etat du Sénégal ont l’obligation de sauver ce secteur névralgique, courroie de transmission de la dissémination des politiques publiques, pilier de notre démocratie et acteur décisif et central de la vitalité de notre vivre-ensemble. La presse dans son ensemble joue à fond et avec bonheur sa mission de service public.
À la lumière de cette journée sans presse vécue en mondovision, il est clair que dans cet environnement particulier, c’est le fonds qui manque le plus.Le problème crucial c’est d’ailleurs comment financer la presse ?
Qui doit le faire ?
Par quelle alchimie devra-t-on y parvenir ?
Comment inventer par exemple un fonds de plusieurs milliards à partir de taxes tirées de l’exploitation d’un sous-secteur aussi lucratif que les Télécoms ?
De ce point de vue, cette presse doit être accompagnée et régulée au besoin. L’idée, c’est que malgré les soubresauts et péripéties de l’histoire mouvementée de cette jeune nation, les acteurs des médias resteront éternellement des partenaires avec la liberté et le sens des responsabilités comme bréviaire. Dans cette dynamique, des solutions structurelles donc durables devraient être trouvées dès que les plus hautes autorités de la République accepteront dans les meilleurs délais de rencontrer les dirigeants des entreprises de presse les plus crédibles.Il faudrait donc faire le tri.Clairement !
C’est aussi toute la délicatesse et la complexité de ce dossier d’autant que tous les journalistes sérieux encore actifs par vocation reconnaissent que ce secteur poreux par excellence a été infiltré depuis belle lurette par des lobbies et autres affairistes véreux dont les pratiques aux antipodes de l’éthique et la déontologie portent par ricochet un rude coup à la réputation de toute cette noble corporation. Or dans les conditions normales,le journalisme est un métier d’élite.
Il est évident que cette crise des médias n’est pas simplement et exclusivement due à la question fiscale. Elle la transcende certainement car elle est forcément plus profonde qu’elle n’en donne l’air.
La crise de la presse est une réalité depuis le début des années 2000.Seulement voilà, le secteur vivotait et survivait via des méthodes et stratagèmes qui défiaient toute logique économique.
Pour un secteur d’activités à problèmes qui ne vend pas de diamant ou des services de Télécom comme Sonatel et qui ne génère aucune valeur ajoutée, il était acté que sa décrépitude était quasiment inéluctable dès lors que les forces qui assuraient cette survie par perfusion ne sont plus en place.
L’un dans l’autre, il faudrait faire preuve d’imagination et surtout faire des concessions par une approche intelligente et visionnaire afin de trouver une solution surtout qu’on n’a vraiment pas besoin de sortir de HEC pour savoir que le modèle économique en vigueur dans les médias sénégalais n’assurera jamais une quelconque viabilité.
Trop de quotidiens pour un lectorat réduit plutôt attiré par la magie du numérique à travers l’accès aux réseaux sociaux.
La presse qui vit au jour le jour devrait faire sa mue pour se réinventer.
Cette crise devrait être analysée sous le prisme d’un mal pour un bien c’est à dire que son dénouement permettra une sélection naturelle, sorte d’auto- régulation d’une presse qui ne mourra jamais car son fonctionnement est consubstantiel à cette démocratie qui reste dans l’adn des Sénégalais.