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MACKY SALL, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE «Je suis plus que peiné par les meurtres de sénégalais»

Fidèle à sa réputation de grande ville de rencontres, lomé a accueilli les lundi 30 et mardi 31 juillet, trois sommets : cedeao-ceeac, cedeao et uemoa. présent dans la capitale togo- laise, le président de la république, macky sall, s’est prononcé en exclusivité et sans détour sur la pénurie d’eau dans dakar et sa banlieue, les meurtres de sénégalais à l’étranger et sur les questions sécuritaires en afrique de l’ouest et du centre 

L’AS: Monsieur le président, les populations souffrent depuis quelques temps de la pénurie d’eau à dakar et sa banlieue. que comptez-vous faire pour les rassurer ?
Macky Sall: C’est avec douleur que je ressens les difficultés des populations de la région de Dakar à s’approvisionner en eau. Je demande leur compré- hension et leur dis que je suis conscient de ces désagréments. J’avais instruit le gouverne- ment, depuis déjà trois ans, d’engager une action globale pour trouver des solutions défi- nitives à l’approvisionnement en eau de la région de Dakar et au-delà de l’alimentation en eau potable des populations séné- galaises. Malgré les dispositions prises pour la réalisation des infrastructures hydrauliques, nous voyons les populations souffrir. J’en suis désolé, mais je veux donner aux populations l’assurance que des solutions durables et pérennes ont été trouvées à moyen et long termes. Tout un programme d’urgence a été mis en place pour combler le déficit de 50.000 mètres cubes par jour à Dakar et qui a d’ailleurs été lar- gement réduit avec la remise en service du 4e ballon anti-bélier de Keur Momar Sarr, sans compter la mise en service défi- nitive de la station de Bayakh, visitée mardi par le Premier ministre et le ministre de l’Hydraulique. Le programme spécial de Dakar mis en œuvre depuis 2014 a beaucoup aidé à la résorption du déficit. C’est un travail qui demande du temps et qui nécessité des études hydrauliques, géologiques, des procédures de marché longues. C’est dire donc que même les solutions urgentes demandent du temps. Rappelez-vous seulement le problème de la radio- thérapie de l’hôpital Le Dantec, il y a un an et demi. Nous avions fait le pari d’aller vers des solu- tions modernes pour la santé de nos populations, mais cela prend du temps. Nous avions même pris des mesures pallia- tives en internant des malades au Maroc. Aujourd’hui que nous avons trois machines de radio- thérapie et que nous n’avons rien à envier à personne dans la lutte contre le cancer, ce pro- blème est un vieux souvenir. Pour l’eau, c’est pareil. Nous avons des solutions durables. Pour Keur Momar Sarr, 300 mil- liards de francs Cfa y ont été injectés pour obtenir la mise en service de 200.000 mètres cube jour. Mais au-delà de cette station qui se trouve à 300 kms de Dakar et qui est très sensible, l’autre solution alternative, c’est de transformer l’eau de mer. Ce programme va coûter 137 milliards financés par la Coopération japonaise que je remercie au passage pour cet acte majeur.
Le dessalement de l’eau de mer sera accompagné du renouvellement du réseau de Dakar, vieux de soixante-dix ans avec des diamètres de tuyauterie très faibles par rapport à la population du Sénégal estimée à 15 millions d’habitants. Rien qu’à Dakar, nous sommes 04 millions avec un habitat en hau- teur en pleine expansion et une population en croissance exponentielle. Dans un espace où vous aviez 4 ou 5 maisons, aujourd’hui, vous avez 15 immeubles. Le travail que nous menons pour résoudre les pro- blèmes en eau de Dakar, ce n’est pas un travail d’apprenti ou de sorcier. C’est du sérieux. Des esprits mal intentionnés essaient d’abuser les popula- tions, mais je les comprends. Ils feignent de ne pas comprendre que ce travail demande du temps. Je veux dire aux popula- tions que je suis personnelle- ment cette question de l’eau, et au quotidien. L’Etat a mis les ressources qu’il faut pour parvenir à une solution durable. Ces désagréments seront bien- tôt un vieux souvenir. Il y a Bayakh, il y aura Tassettte, Keur Momar Sarr, etc. On parle des problèmes de Dakar, mais notre action s’étend à l’ensemble du Sénégal. Aujourd’hui, au niveau de l’hydraulique rurale, nous avons une politique offensive, volontariste, qui nous a permis d’accomplir des progrès prodi- gieux, d’avoir un accès à l’eau estimé à 90% et nous escomp- tons l’accès universel à l’eau en milieu rural en 2021. J’avais fait le pari avec le PUDC d’attaquer fortement le problème de l’ali- mentation en eau en milieu rural qui m’avait beaucoup frappé lors de mes tournées entre 2009 et 2012. Les réponses apportées par le PUDC et la Chine nous ont permis de réaliser plus de 400 forages en moins de trois ans. C’est du jamais vu. Jamais autant de res- sources n’ont été injectées dans l’hydraulique urbaine et rurale et l’assainissement dans notre pays. Nous devons prendre notre mal en patience et nous dire que les difficultés ont été identifiées, les solutions préco- nisées. Mais il y a le temps de la réalisation des ouvrages qui correspond au temps de l’action et qui peut être long. Après cela, on verra que le Sénégal a beau- coup changé en matière d’hy- draulique et d’énergie. Pour l’électricité, c’est pareil. On ne peut pas régler les problèmes du jour au lendemain. Avant d’en arriver là, il a fallu étudier les ouvrages avant de les réali- ser physiquement. Ce qui nous évite ce qui est arrivé avec la brèche de Saint-Louis où on s’est réveillé un jour et on a creusé. Aujourd’hui, on voit toutes les conséquences que cela a engendré. Or, on doit réfléchir sur les solutions de façon optimale et sérieuse. Parfois il y a des désagréments, mais bientôt, cette pénurie d’eau sera un vieux souvenir.
depuis quelques temps, des sénégalais sont tués à l’étranger : congo, gabon, Brésil, italie, etc. quelles mesures envisagez-vous de prendre pour défendre notre diaspora ? Je voudrais saisir cette occasion pour présenter mes condoléances aux familles qui ont perdu des proches à l’étranger, parfois dans des conditions atroces ou nébuleuses et pas encore clarifiées. A chaque fois, nous avons exigé des gouverne- ments des pays concernés que toute la lumière soit faite dans des cas de meurtre ou d’assassinat. J’en suis plus que peiné, parce que nos compatriotes de la diaspora sont des citoyens modèles, courageux, qui gagnent leur vie parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Je veux leur dire que nous leur accordons la plus grande attention dans nos politiques. Mais il y a des parties du monde où il y a beaucoup de dif- ficultés. Aujourd’hui, en Europe, par exemple, la situation est devenue plus difficile; elle se recroqueville sur elle-même et a de plus en plus de mal à accep- ter les étrangers, surtout Africains. Ces questions, nous les discutons avec les pouvoirs publics, mais dans la société européenne, il y a de plus en plus de mouvements radicaux, anti-immigration avec lesquels il est difficile de cohabiter. Je recommande donc la plus grande prudence à nos compatriotes dans ces pays-là. Cependant, la diaspora doit avoir la certitude et l’assurance que l’Etat est à ses côtés. Lundi seulement, j’ai envoyé une mis- sion au Brésil et en Argentine, lorsque j’ai eu écho qu’il y a des difficultés d’avoir des papiers ou l’absence d’assistance consulaire. Notre ambassadeur au Brésil et le directeur des Sénégalais de l’extérieur seront partout au Brésil et en Argentine pour les réconforter et les soutenir. Nos concitoyens sont partout dans le monde, mais l’Etat est à leur côté. Et à chaque fois que de besoin, nous enverrons une mission à l’étranger. Ce n’est pas tout. Dès le mois d’août, nous allons mettre à leur disposition 50 à 100 hec- tares dans le Pôle urbain du Lac Rose. En relation avec les ambassades et les consulats, ils confectionneront des listes pour obtenir des parcelles et partici- peront pour seulement 1,5 mil- lion de francs Cfa au maximum aux frais d’aménagement du site identifié. Ensuite, puisque nous sommes à Lomé, je vous parle d’Afrique Dem Dikk avec la mise en service de 15 bus de Dakar Dem Dikk à l’endroit de la diaspora pour alléger leurs souf- frances en desservant certains pays de la sous-région. Afin qu’ils comprennent qu’au-delà du FAISE et autres actions, nous sommes et nous serons toujours avec eux.
monsieur le président, vous venez de participer au deuxième sommet ceeac- cedeao à lomé. quels enseignements en tirez-vous pour le forum annuel de dakar ? Le Sommet conjoint Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac)/ Communauté écono- mique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a regroupé au total plus de 26 pays autour de la thématique: «Paix, sécurité et lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent». Cette rencontre montre à quel point les pouvoirs publics et les chefs d’Etat eux-mêmes ont pris conscience que pour lutter contre le terrorisme et l’insécurit, il faut une coopération régionale, puisque la lutte contre le terrorisme déborde nos frontières et que sont nécessaires des législations appropriées entre Etats et une synergie d’action entre nos ser- vices contre ce fléau qui est en
train de déstabiliser nos pays. Depuis quelques temps, le Sahel et le Bassin du lac Tchad sont le théâtre d’actions violentes, avec Boko Haram en particulier. Cette situation impactant sur toute la région, c’est dire donc que si ces deux régions (Sahel et Bassin du lac Tchad) ne sont pas en paix, c’est tout le continent africain qui est déstabilisé, et du coup, tous nos efforts de développement seront annihilés. Et malheureusement, tous les efforts qui devaient servir aux infrastructures de développement sont aujourd’hui orientés vers les dépenses militaires. C’est donc un impact très négatif. Et nous avons voulu mettre en synergie nos actions. Le Forum de Dakar montre la pertinence du sujet sur la sécurité en Afrique. Ce Forum est soutenu par l’Union Africaine, la Cedeao, l’Onu et différents partenaires. Tous viennent échan- ger avec des chefs d’Etat et des universitaires sur l’intégrisme rampant et la propagande djihadiste et proposer des solutions. Mais, il n’y avait pas que ce Sommet sur la sécurité à Lomé. Il y avait aussi une ren- contre de la Cedeao pour choisir le Président de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, mais aussi un sommet de l’Uemoa sur nos perspectives financières. L’Uemoa, la Cedeao et l’Ua sont financées par le prélèvement communautaire de solidarité. Le Sénégal contribue pour 1,7% de ses importations à ces trois organisations. C’est beaucoup. Pour l’Uemoa, ce prélévent étant de 1% des importations, il était nécessaire de décélérer un peu pour le conformer soit à celui de la Cedeao qui est de 0,5%, soit à celui de l’Union africaine qui est de 0,2%. Il y avait aussi les reformes de la Cour de justice de l’Uemoa. Des orientations précises ont été données sur toutes ces thématiques.

Entretien réalisé par Mamadou Thierno  TALLA (envoyé spécial à Lomé)