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COMPRENDRE LA SECURITE SOCIALE SENEGALAISE. (Par FRANCOIS CALIXTE SAGNA : Juriste, Chef du Service des Cotisations et Gestions des Carrières de l’I.P.RE.S ; Cadre supérieur en sécurité sociale certifié CIF/OIT)

Article N°2 : maitriser la législation et prévenir les situations contentieuses
Toute Institution de prévoyance Sociale administrant un régime contributif doit avoir pour objectif principal d’inciter les cotisants à respecter leurs obligations en vue d’obtenir un taux de recouvrement élevé. Si elle constate que certains contribuables ne remplissent pas leurs obligations, elle doit pouvoir prendre des mesures contraignantes à l’encontre des assujettis.
C’est dans ce cadre que l’I.P.RE.S, pour lutter contre l’évasion sociale, l’erreur et la fraude, effectue des missions de contrôles et de vérifications dans les entreprises afin de s’assurer que les déclarations ainsi que les paiements sont conformes à la réglementation. Qu’il s’agisse d’une mission inopinée (Prospection ; dépistage) ou programmée (contrôle d’assiette et ou d’effectifs), les employeurs sont tenus de recevoir les Inspecteurs et Contrôleurs dûment habilités. (cf art 23 de la Loi n° 75-50 du 03 avril 1975 et les articles 15 et 16 du Décret 75-455 du 24
avril 19751)
En cas de fausses déclarations ou d’erreurs dans l’application ou l’interprétation de la réglementation, il peut s’en suivre un redressement et le contrevenant s’expose à des sanctions.
Dans les lignes qui suivent, je propose de vous entretenir sur quelques cas d’erreurs très fréquents, motifs de redressement et de sanctions à éviter et que commettent souvent certains employeurs et ou responsables déclarants.
1) Travailleurs considérés à tort comme « prestaires de service »
Un prestataire de service est une personne physique ou morale qui réalise et facture une prestation à un client. Par conséquent il ne peut exercer son activité que par le biais d’une structure juridique dotée d’une raison sociale. Pour devenir prestataire de service, il est nécessaire de s’immatriculer au Registre du commerce en vue de l’obtention d’un NINEA. Ce numéro permet au prestataire de services de facturer ses prestations. Toute relation de prestation doit être constatée de façon expresse par un contrat de prestation ou tout autre contrat répondant aux normes édictées par l’AUDCG (cf articles 59 & 65)2.
Ainsi, toute personne effectuant une prestation n’obéissant pas aux règles de régimes de la sécurité sociales (IPRES ; CSS ou IPM) doit obligatoirement attester son inscription au répertoire des contribuables. On vérifiera alors que la personne dispose d’un RCCM ou d’un NINEA en regardant sur le devis. Dans ce cas, le professionnel établira à l’issue des travaux une facture comportant sa raison sociale et son numéro d’identification professionnel. Seuls les autoentrepreneurs détenteur d’une dispense expresse sont exemptés de cette formalité substantielle.

1 « Les employeurs sont tenus de recevoir à toute époque, pendant les heures ouvrables de l’établissement les Agents de l’Institution ».
« Ils doivent se soumettre aux demandes de renseignements et enquêtes relatives à leurs obligations à l’égard de l’Institution dont ils sont saisis par lesdits Agents »
2 ARTICLE 59- Toute personne immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est présumée, sauf preuve contraire, avoir la qualité de commerçant au sens du présent Acte uniforme ;
ARTICLE 65- La personne physique qui satisfait aux obligations déclaratives prévues aux articles 62 à 64 ci- dessus est présumée avoir la qualité d’entreprenant.

Si la personne n’est pas immatriculée, le bénéficiaire de cette prestation ne peut pas lui verser de rémunération sans l’employer comme salarié surtout que toutes les caractéristiques d’un contrat de travail sont réunies particulièrement le lien de subordination. (cf arrêt « Société Générale » rendu le 13 novembre 1996 par la chambre sociale de la Cour de Cassation française)3 A défaut d’un contrat de travail en bonne et du forme, le bénéficiaire pourrait voir sa la responsabilité pénale engagée et il se rendrait coupable de travail dissimulé (voir art. 3 de la loi 62-47 portant interdiction du travail dissimilé et du cumul d’emploi). Dans ce cas, il faut « embaucher » la personne, en établissant un contrat de travail, en faisant une déclaration préalable d’embauche et en lui fournissant chaque mois un bulletin de salaire. Il est prohibé d’utiliser des prestataires de service pour pourvoir à des postes nécessaires à la réalisation de l’activité normale et permanente de l’entreprise donc réservés normalement à des salariés.

NB : le lien de subordination est apprécié par un faisceau d’indices. A cette fin, toutes les conditions de faits dans lesquelles l’activité est exercée vont être relevées. Ainsi, deux grandes catégories de circonstances factuelles sont prises en compte pour caractériser le lien de subordination.

  • Tout élément ou action traduisant une autorité et un contrôle de l’employeur sur le
    « prestataire » (des instructions précises et permanentes sur la manière dont le contractant entend réaliser l’activité et le pouvoir de sanction appartenant à l’employeur en cas de non-respect de ses directives) ;
  • Les conditions matérielles d’exercice de l’activité viendront également témoigner de l’existence d’un lien de subordination et cela va correspondre à toutes les contraintes que l’employeur va fixer (horaires de travail, la tenue de travail, le lieu de travail, la mise à disposition de matériel et l’usage obligatoire de ce matériel pour la production).

Cependant, le droit de la sécurité sociale apporte quelques singularités en raison du fait que certaines situations sont plus difficiles à appréhender en l’état de l’autonomie dont bénéficient certaines fonctions. Le droit de la sécurité sociale a depuis quelques années, fait de la notion de service organisé l’indice incontournable d’exécution du travail. Les indices pris en compte sont : l’autorité de l’employeur, le service organisé, une activité profitable à l’entreprise, le risque économique, la responsabilité.

On peut donc considérer que l’on est en présence d’un contrat de travail dès lors qu’une personne s’engage à réaliser une prestation au bénéfice et sous l’autorité d’une autre personne en contrepartie d’une rémunération.
2) Travailleurs non déclarés au Régime Complémentaire des Cadres4
La définition de cadre est en général donnée dans les annexes des Conventions Collectives. Dans le cas contraire un double critère est souvent appliqué :

3 « L’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements se son subordonnée »

  • 4 Art. L2 du code du travail portant définition de la qualité de travailleur ; Décret 75-455 rendant obligatoire pour tout employeur et pour tout travailleur l’affiliation à un régime de retrait ; Règlement intérieur N° 1 et N°2 de l’I.P.RE.S.

• Le cadre doit satisfaire à la définition édictée par l’article 1er du règlement intérieur n°2 de l’I.P.RE.S ;
• Son niveau de salaire doit être analogue à celui correspondant à un salarié de la même catégorie hiérarchique appartenant à la profession la plus comparable dès l’instant que cette profession bénéficie elle-même d’une convention collective prévoyant la définition du « cadre »
En tout état de cause, tout travailleur répondant aux critères d’encadrement que sont : la fonction occupée, le niveau d’études et de supervision qui requièrent des capacités de conception et de conduction de travaux d’une haute technicité, dont les qualifications professionnelles et les responsabilités conférées correspondent à ces dits critères, obligent l’employeur qu’il soit déclaré au régime complémentaire cadre. En définitive, l’affiliation au régime cadre n’est pas optionnel.
3) Travailleurs étrangers non déclarés au régime de retraite
Le principe de territorialité veut que la législation sénégalaise en matière de sécurité sociale s’applique impérativement aux situations nées sur le territoire national. Autrement dit, son champ d’application correspond au territoire national et à tous ceux qui résident ou travaillent au Sénégal, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou partiel, de façon permanente ou occasionnelle qu’ils soient de nationalité sénégalaise ou étrangère.
L’Article L32 du code du travail sénégalais, pose le principe de territorialité pour tous les contrats de travail conclus pour être exécutés au Sénégal, consacrant les dispositions édictées en la matière par les conventions internationales en matière de sécurité sociale sur les travailleurs déplacés.
Ainsi, le Décret 75-455 du 24 Avril 1975, les Statuts et Règlements Intérieurs. En effet, pour ce qui concerne les travailleurs étrangers, l’Article 1er du décret 75-455 rendant obligatoire l’affiliation à un régime de retraite précise que « les travailleurs étrangers sont exclus de l’application du présent décret lorsqu’ils sont affiliés à un régime de retraite institué par une autre législation », cette disposition étant confirmée par l’Art 7 des Statuts de l’I.P.RE.S et l’Article 4 des Règlements Intérieurs N° 1 et 2 de l’I.P.RE.S.
D’ailleurs, le caractère obligatoire de l’affiliation des travailleurs étrangers a été rappelé par note de service n° DG/N°11/94/LD/SC en date du 26 Aout 1994 à la suite d’une délibération du Conseil d’Administration de l’IPRES en date du 17 Aout 1994.
En effet il y a lieu de préciser que nous avons deux types de travailleurs étrangers :

  • Les travailleurs détachés ou en détachement avec maintien d’affiliation au régime de protection sociale de son pays d’origine. Si son pays à une convention de réciprocité avec le Sénégal ou membre de la CIPRES5, le travailleur détaché n’est pas déclaré au régime de retraite au Sénégal mais à la Caisse de Sécurité Sociale à cause de l’accident du travail et la maladie professionnelle.

5 Conférence inter Etat de Prévoyance Sociale

Exemple 1 : un travailleur de la Société Générale française détaché à la Société Générale Sénégalaise et qui décide de maintenir ses cotisations sociales en France. Exemple 2 : un travailleur ressortissant d’un pays membre de la CIPRES.

  • Les travailleurs expatriés : l’expatriation répond au principe de territorialité de la protection sociale
    Par conséquent et sauf stipulation contraire par une Convention en matière de sécurité sociale entre le Sénégal et le pays d’origine du travailleur étranger, l’affiliation aux régimes de retraite gérée par l’I.P.RE.S, est une obligation légale qui pèse sur tout employeur dont les salariés sénégalais ou étrangers répondent aux conditions fixées par les textes suscités.
    NB : Convention (n° 118) sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), 1962 Convention concernant l’égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale.
    4) Le maintien des séniors au-delà de l’âge légal de la retraite
    Les rémunérations des pensionnés sont soumises aux cotisations sociales dans les mêmes conditions que pour les autres salariés (part patronale et part salariale). Ces cotisations sont calculées sur le montant de la rémunération, sans tenir compte des pensions.6
    Par conséquent, lorsqu’un employeur décide de maintenir un employé au-delà de l’âge légal de la retraite (60 ans) dans les relations contractuelles de travail, il est tenu de continuer à précompter et à reverser les cotisations sociales I.P.RE.S jusqu’à la date de cessation effective de travail. A ce terme, la pension sera calculée que sur les 60 ans et pour les cotisations versées après celle-ci, seule la part salariale fera l’objet de remboursement. La part patronale reste au titre de la solidarité.
    Pour la liquidation des droits à la retraite à l’âge de 65 ans, pour une certaine catégorie de travailleurs, il y a lieu de préciser que le régime national d’affiliation en vigueur au Sénégal est toujours maintenu à 60 ans.
    En conclusion, nous pouvons affirmer que le recouvrement des cotisations constitue une fonction essentielle pour tout système de sécurité sociale. Il joue un rôle déterminant dans la capacité de l’ensemble du système à atteindre sa viabilité financière. Le paiement intégral et ponctuel des cotisations, par les assurés eux-mêmes ou une entité agissant pour leur compte, est en effet indispensable pour que ces derniers puissent obtenir les prestations auxquelles ils aspirent. C’est pourquoi la mise en œuvre de règles claires et précises en matière de recouvrement des cotisations renforce la résilience des Institutions de sécurité sociale. Afin de pouvoir couvrir une grande partie de la population, les Institutions de sécurité sociale doivent disposer d’un système de recouvrement des cotisations bien adapté et efficace, doté notamment de moyens de contrôle et de mesures coercitives. Le non-respect des obligations et l’évasion sociale cotisations ont de graves conséquences sur le niveau de protection des assurés, ainsi que sur la pérennité financière et sociale des régimes.
  • 6 Art. 17 & 24 de la loi 75-50 relative aux institutions de prévoyance sociale ;
  • Loi n° 2020-15 modifiant l’article L.69 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant code du travail ;
  • Art. 3 & 5 du décret n° 75-455 rendant obligatoire l’affiliation à un régime de retraite ;
  • Art. 7& 8 des statuts de l’IPRES ; Art. 4, 14, 16 et 19 du règlement intérieur n° 1 de l’IPRES.