LA CHRONIQUE DE MLD: Macky Sall ou l’art de gouverner un peuple désenchanté…Par Mamadou Lamine DIATTA
Pratiquement seul contre tous, le Président Macky Sall est visiblement confronté à la hantise de son successeur. Il tient à dresser lui-même le portrait-robot du futur dirigeant du pays et c’est sans doute la raison pour laquelle il continue de tirer gaillardement les ficelles pour rester le maître du jeu .Il feint par ricochet d’oublier la prééminence de ce peuple qui reste son unique Employeur.
Sinon comment comprendre le simple fait qu’il puisse s’offrir un rabiot de presqu’une année via le vote d’une assemblée nationale qui vient de lui accorder un contrat à durée déterminée (CDD) jusqu’à la passation de pouvoir avec le prochain Chef de l’Etat ?
Un tel scénario n’aurait jamais lieu dans les démocraties avancées connues pour l’efficacité des contre- pouvoirs, leur sens de l’anticipation et de la prospective. Autant dire que l’apprentissage continue sous nos cieux d’autant qu’en Afrique, la fragilité de nos micros- États est de notoriété publique et les Chefs d’Etats des 54 pays du continent ont tous des pouvoirs exorbitants qui leur permettent de rester l’Alpha et l’Omega de leur système politique.
Juridiquement, ce report que d’aucuns appellent un coup d’état constitutionnel, est défendu avec l’énergie du miraculé par les soutiers et autres faucons du Chef auteurs d’arguments tirés par les cheveux. Ils agissent tels des flibustiers prêts à tout pour satisfaire les desseins peu compréhensibles de leur maître.
Moralement, cet acte est de nature à creuser davantage le fossé entre le Prince et un peuple sonné, désabusé et désargenté qui a l’impression qu’on vient de lui faire un enfant dans le dos. Le malaise sénégalais n’est plus une vue de l’esprit ; il se vit au quotidien car l’acte du Boss souffre d’une illégitimité clinique…
Il est évident que ce Président qui a réaffirmé son désistement pour le prochain scrutin perd dans cet épisode douloureux de notre histoire politique un immense capital-sympathie. Pis, sa crédibilité à l’international pourrait être sérieusement entamée (cf les déclarations de la France, des États-Unis, de l’Allemagne et même de la Cedeao qui le pressent d’organiser l’élection dans les plus brefs délais)
Ce Leader qui assurera une transition dès le 03 avril 2024 ne peut plus vendre du rêve aux Sénégalais.
Il gagnerait à se réinventer, user à la limite de ruses de sioux et de stratégies innovantes pour présenter son prochain candidat dans les meilleures dispositions possibles mais aussi tâcher d’organiser une présidentielle la plus inclusive qui soit.
Vaste programme aux allures de travaux d’Hercule.
Mais cet Hyperprésident, adepte du Tout politique avait-il le choix au regard de la configuration du paysage partisan à l’orée de la présidentielle de février 2024?
Tout porte à croire qu’il n’avait plus confiance en Amadou Ba pourtant son candidat à lui; les faucons du palais et les Aperistes de lait ayant fini de le convaincre que Ba n’était pas le bon cheval, cet équidé, ironie du sort, emblème de l’APR.
Le problème pour bon nombre de démocrates c’est le timing de cette décision controversée d’abrogation du décret portant convocation du collège électoral.
Comme un coup de Jarnac asséné à l’électeur Sénégalais à 24 h de l’ouverture de la campagne électorale. Du jamais vu dans l’histoire politique de cette jeune nation présentée à travers le monde comme une démocratie exemplaire. C’est sans doute ce qui a suscité la vive émotion de l’opinion publique.
Comme si le Président faisait une course contre la montre.
Pour beaucoup, le choix de ce moment ultime est juste un pied de nez voire un manque de respect notoire sorte de bras d’honneur à l’électorat sénégalais. C’est l’une des raisons pour lesquelles la pilule a été dure à avaler même pour des profils connus pour leur proximité et leur amitié avec le Président Sall.
In fine, le Bissap est tiré par une assemblée nationale à la majorité mécanique, il faut donc boire cette potion à la saveur du calice jusqu’à la lie.
Avec le recul, les images en mondovision d’un hémicycle envahi par les éléments d’une unité d’élite de la gendarmerie pour sécuriser le vote Benno ne sont pas belles pour dire le moins. Elles sont de nature à faire penser à une démocratie sénégalaise sorte de vitrine craquelée d’un pays tant chanté à l’international comme une exception africaine.
Le renoncement du Président Macky Sall à un 3ème mandat avait pourtant connu un retentissement rarement égalé. Malheureusement, l’homme a visiblement un mal fou à capitaliser ses acquis incommensurables par la faute d’une conjoncture nationale et de calculs d’épicier qui l’ont poussé à la faute.
Quid de Sonko, Karim Wade et des recalés ?
Question : qu’adviendra-t-il du Sénégal du 03 avril à décembre 2024 ?
Par quel tour de passe- passe ce Président va-t-il réussir à gouverner dans la sérénité surtout que des acteurs-contempteurs comme Bougane le jugent illégitime dès avril prochain ?
Quid du cas Amadou Bâ ? Son mentor lui renouvellera-t-il sa confiance pour diriger les troupes Benno en décembre ?
Quelles perspectives pour les cas Sonko, Karim Wade et du fameux collectif des recalés ?
Par ailleurs, qu’est-ce qu’il faut décrypter derrière ce passage du communiqué du conseil des ministres dans lequel le Chef de l’Etat instruit le ministre de la justice, Garde des Sceaux de « prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l’espace public dans la perspective du dialogue national et de l’organisation de la prochaine élection présidentielle. »
Est-ce que des prisonniers politiques seront relaxés pour apaiser la tension diffuse?
Dieu seul sait mais tout porte à croire que ces dossiers brûlants seront sûrement au menu du dialogue national, sorte de porte entrebâillée du Président pour draguer de nouveau et séduire ce peuple désabusé largement gagné par un désenchantement exacerbé par la crise économique ambiante. Le pays est plongé de nouveau dans l’impasse.
Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge !