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MACTAR KAMARA, PROFESSEUR AGREGE DE DROIT PUBLIC «La france manœuvre pour maintenir son influence en afrique»

´♣Invité par la fondation Konrad Adenauer, mactar Kamara a animé hier un panel sur la politique européenne de défense et de sécurité en Afrique subsaharienne. Ainsi, le professeur agrégé de droit public à la Faculté de droit de l’Ucad et spécialiste des relations internationales est revenu sur certaines ambitions cachées notamment de la France à travers le déploiement de la stratégie européenne de maintien de la paix.

« Est-ce que la France ne se réfugie pas derrière les politiques européennes de défense et de sécurité pour maintenir sa domination en Afrique et pré- server ses intérêts ?» Loin de nier un tel argumentaire, le professeur de droit public Mactar Kamara estime qu’il y a une part de vérité dans cette interroga- tion. A l’en croire, la France cherche à européaniser sa poli- tique africaine. Tout au moins, poursuit-il, la France cherche à impliquer ses partenaires euro- péens dans la gestion des crises, en particulier les crises qui se déroulent dans son pré carré. Ce faisant, dit-il, l’ancienne puissance coloniale maintient son influence en Afrique subsa- harienne. Il ajoute qu’elle a tout à y gagner en termes d’écono- mie budgétaire et en moyens humains. «Ce ne sont pas seule- ment les soldats français qui vont s’impliquer militairement sur le terrain ; mais également  soldats allemands, belges et anglais», a-t-il précisé. Poursuivant, il indique que la France a également tout intérêt à européaniser sa présence militaire en Afrique pour légiti- mer ses interventions. «Une intervention militaire multilaté- rale européenne est toujours mieux perçue par l’opinion publique africaine qu’une inter- vention unilatérale française. D’autant qu’une présence française est toujours suspectée d’être fondée sur des visées néo colonialistes, sur des arrières pensées impérialistes. Donc sous couvert de politique euro- péenne de défense et de sécurité il arrive que la France soit en réalité à la manœuvre pour maintenir son influence en Afrique tout en accordant une certaine légitimité aux yeux de l’opinion publique à ses politiques africaines.»
Par ailleurs, le professeur a salué certaines interventions des forces européennes en Afrique autorisées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et menées au nom de la politique européenne de défense et de sécurité en Afrique subsaharienne. Il en est ainsi de l’opération militaire au Tchad et en Centrafrique pour protéger les réfugiés et les déplacés qui fuyaient les combats au Darfour. Toutefois, souligne-t-il après tout, «on a le sentiment que l’Afrique est un véritable laboratoire pour la mise en œuvre de la politique européenne de sécurité et de défense. Puisque la première
opération de l’Union Européenne déployée de par le monde a été en Afrique.» Toujours selon Monsieur Kamara, la politique euro- péenne présente aussi des faiblesses dans la mesure où l’Union Européenne ne devrait être là que pour accompagner les Africains à assurer eux- mêmes leur propre sécurité et maitriser les enjeux sécuri- taires. Mais l’ennui, se désole-t- il, c’est que l’Afrique ne dispose des capacités militaires sécuritaires nécessaires pour prendre en charge la sécurité et la stabi- lité du continent africain. Il donne ainsi l’exemple de la force africaine en attente qui peine à prendre forme ; alors qu’il était demandé à chaque communauté économique sous régionale de se doter d’une bri-
gade polyvalente de 5.000 hommes. «Cette brigade d’inter- vention une fois réunie devrait permettre de constituer la force africaine en attente. Aujourd’hui, il y a beaucoup de déclarations d’intention, beau- coup de textes. Mais quand il s’agit de mettre en œuvre, comme à l’accoutumée ici en Afrique, on traine toujours les pieds. De ce fait, l’Union Européenne est obligée de com- bler le vide sécuritaire laissé par l’incapacité de l’Union Africaine et des Etats africains à prendre en charge eux-mêmes leur propre sécurité de manière à anticiper sur les crises et les situations conflictuelles qui se déroulent en Afrique », a-t-il conclu.

( Toutinfo.net )