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INNOVATIONS, TITRES MINIERS, NATURE ET VOLUME DES PRODUCTIONS, SOMISEN…: Ousmane Cissé dit tout sur les mines

Le secteur minier est au-devant de l’actualité avec l’affaire Me Moussa Diop. Une occasion pour L’Info, de s’entretenir avec le Directeur Général de la Société des mines du Sénégal (Somisen), qui, dans cette interview est revenu largement sur les innovations apportés par le régime du président Sall, les titres miniers, la nature et le volume des productions, mais aussi la Somisen qui a en charge l’application concrète des politiques édictées dans le secteur.

Vous avez suivi cette affaire de contrat minier entre Mimran et le chef de l’Etat. Aujourd’hui comment vous résumeriez cette affaire ?

Je ne souhaiterais pas revenir sur cette affaire dont une procédure d’enquête est en cours. Toutefois, je voudrais bien relever que le Président Macky Sall a écrit les plus belles pages de l’histoire minière du Sénégal.

Ah bon, comment ?

Le président Macky Sall est un homme d’état réformateur. Sous son impulsion, juste quelques semaines après sa prise de fonction, une revue a été conduite sur la question des conventions minières conclues par l’Etat sur la période 2005-2012. Cette étude avait révélé pour les finances publiques, un important manque à gagner évalué sur la base des moins-values fiscales et douanières induites. Les premières réformes qu’il a initiées ont porté sur la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur minier, avec l’adhésion du Sénégal à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en 2013. Avec cette initiative, les citoyens ont maintenant le pouvoir d’exercer un contrôle sur les ressources minérales et les flux financiers. Les garanties de transparence, notamment  les assurances apportées à la divulgation et l’accessibilité des informations au public, essentielles à la gestion des ressources minérales, ont été saluées par le Conseil d’administration de l’ITIE en 2019. Aujourd’hui, tout titulaire de titres miniers est soumis à une obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs, c’est-à-dire la communication des informations relatives aux personnes physiques qui détiennent le contrôle effectif de la société. Le président Macky Sall a enrichi le cadre législatif du secteur minier avec l’adoption d’un nouveau code minier en 2016. Pour garantir des retombées positives sur l’économie nationale, une loi spécifique a été adoptée en 2022 pour promouvoir le contenu local dans le secteur minier. Auparavant, en 2020, la Société des Mines du Sénégal – SOMISEN S.A a été créée pour préserver les intérêts miniers et financiers de l’Etat et des populations mais aussi pour traduire concrètement l’esprit de l’article 25-1 de la constitution de 2016, qui confère au peuple la propriété des ressources naturelles. La dynamique de réforme du président Macky Sall s’est poursuivie sur le plan institutionnel avec la réorganisation du département chargé des mines pour mettre l’accent sur le contrôle et la surveillance des opérations minières. Aussi, le Service Géologique National du Sénégal (SGNS) a été créé en 2022 pour une meilleure connaissance des ressources minérales du sous-sol. Cette même vague de réforme a traversé le secteur pétrolier et gazier pour concourir à l’unique objectif, c’est-à-dire celui de sauvegarder les intérêts miniers de l’État et de contribuer ainsi au bien-être des populations. Vous constatez aisément que cette affaire de diamant est une volonté simplificatrice d’édification sérieuse d’un voile de poussière sur cette belle image de Macky Sall, le réformateur et l’initiateur de la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur minier. La transparence dans les industries extractives est devenue une réalité avec lui.

Vous êtes, il parait, convoqué dans le cadre de l’enquête ? Vous confirmez ? Avez-vous répondu à la convocation ?

En tant que citoyen respectueux de la justice et des lois de mon pays, j’ai répondu à l’invitation des enquêteurs. Je dois toutefois préciser que je n’ai pas déposé de plainte.

On a beaucoup parlé de diamant ces derniers jours. Le Sénégal a-t-il du diamant ? Est-ce que des études ou rechercher adéquates ont été faites en ce sens. Car aujourd’hui, les outils de recherches sont plus performants…

A l’état actuel des connaissances géologiques sur les diamants et leur processus de formation, il n’y a pas de roches diamantifères au Sénégal. Le diamant est un minéral formé à 150 km de profondeur, à des températures de plus de 1000°C et à une pression très élevée, et est donc hors de portée. Au Sénégal, les premières recherches de diamant remontent pendant les missions de prospection entre 1957 et 1960 dans les alluvions du Fleuve Gambie. Les résultats de ces recherches n’ont pas été trop satisfaisants puisque moins de 10 pierres totalisant deux carats avaient été trouvées durant ces 20 ans de prospection. Plus récemment, entre 1997 et 2001, des orpailleurs de la région de Kédougou à Badala et Afia avaient trouvé dans ce même endroit mais plus près de la frontière guinéenne une dizaine de diamant très roulés, dont un gros. Il est à noter que ces découvertes sont localisées dans la zone où avait été trouvé un petit diamant lors des prospections antérieures. En raison de leur morphologie montrant une usure importante, ces diamants proviennent indiscutablement de la Guinée. Des indices de diamant ont été également signalés précisément au Nord de Wassangara et dans le secteur de Karakaéne. Vous avez raison de dire qu’il existe aujourd’hui des outils performants et des techniques adéquates de prospection et, de recherche du diamant. Mais, il faudrait au préalable identifier les roches diamantifères qui porteraient les indices pour découvrir d’éventuels gisements. Les roches diamantifères se sont formées et se sont stabilisées au cours des deux premiers milliards d’années d’existence de la terre. Peut-être qu’un effort soutenu de recherche permettra de découvrir très vraisemblablement des ressources diamantifères économiques.

Quel sont aujourd’hui les minerais exploités au Sénégal, pour quelle quantité et quelle contrepartie financière ?

Présentement, l’exploitation minière au Sénégal porte essentiellement sur l’or, le zircon et autres minéraux lourds, le phosphate, le manganèse et les matériaux de construction. Les zones d’exploitation se situent principalement dans les régions de Thiès, de Matam et de Kédougou. La production la plus importante en termes de quantité est celle du calcaire qui se chiffre à 6 millions de tonnes. La production de basalte suit avec environ 3 millions de tonnes. Les phosphates viennent en troisième position avec une production de 2 millions tonnes. La production annuelle d’or s’élève à 17 tonnes. La quantité produite de zircon tourne autour de 90 milles tonnes. La production totale des produits miniers dépasse 1500 milliards FCFA en valeur.

Aujourdhui, quelle est la part du secteur minier dans l’apport des industries extractives au Sénégal ? Comment cette contribution a évolué ces dernières années et comment elle va évaluer (augmentation ou diminution) dans les années à venir ?

En 2021, le total des revenus générés par le secteur extractif pour l’année 2021 s’élève à 223,15 milliards de FCFA dont 206,04 milliards de FCFA affectés au budget de l’Etat, soit 4,98% du PIB. La contribution du secteur extractif dans les exportations est de 38,02%. Pour l’emploi, la contribution est faible et est de l’ordre de 0,23%. La valeur ajoutée du secteur extractif a atteint 730 milliards de FCFA en 2021. La production minière en 2021 est essentiellement portée par l’or avec 512,4 milliards de FCFA, suivie de la production de ciment évaluée à 341 milliards de FCFA, l’acide phosphorique avec une production 298 milliards de FCFA, les phosphates avec 79 milliards de FCFA, d’ilménite avec 74 milliards de FCFA et le zircon 62 milliards de FCFA. La contribution du secteur minier a évolué positivement et de façon significative au cours des dix dernières années. En effet, en 2012, la contribution du secteur s’établit à  près de 41 milliards de francs CFA (dont seuls 3 milliards proviennent des hydrocarbures), soit près de 2% du PIB. Il ressort de l’analyse de la contribution, que le poids du secteur extractif dans l’économie est surtout perceptible à travers son effet positif sur la balance des paiements tandis que son importance dans le PIB reste marginale. La diversification de la production minière accompagnée d’une plus grande implication des nationaux dans la sous-traitance et la fourniture de biens et services à travers la nouvelle politique de développement du contenu local constituerait un bon levier pour augmenter les revenus de l’Etat et la création d’emplois directs.

Peut-on avoir la situation des titres miniers au Sénégal ?

Le Sénégal dispose d’un système de gestion informatisé des titres miniers couramment appelés cadastre minier. Le cadastre minier permet de gérer toutes les informations essentielles sur les bénéficiaires et les demandeurs de titres miniers.  Ce système permet de conserver l’historique des titres miniers et il est accessible en ligne. De façon générale, les régions de Thiès et de Kédougou occupent les premières places en termes de nombre de titres miniers soit plus de la moitié. Elles sont suivies  des régions de Matam, Tambacounda et de Diourbel. Les autres régions sont timidement occupées par les activités minières.

On parle beaucoup de l’or du Sénégal, notamment des critiques sur le fait qu’au niveau local, cet or est quasi invisible pour nous bijoutiers qui sont obligés d’importer de l’or. Quand dites-vous ? Est-ce qu’aujourd’hui quelques choses est fait pour faciliter l’accès de l’or produit au pays à nos bijoutiers ?

Les bijoutiers sénégalais sont réputés pour la finesse et l’originalité de leur travail. Cependant, ils font régulièrement face à des difficultés d’approvisionnement en or produit au Sénégal.  Souvent, ils font recours au marché noir pour s’approvisionner en matière première avec tous les risques associés. Face à ces difficultés d’accès à l’or brut, plusieurs artisans ont suspendu leur métier pour s’adonner à l’émigration, d’autres se sont contentés de travailler l’argent et autre métal accessible  alors qu’une partie s’est convertie en importateur de bijoux. Le Président Macky Sall, très sensible à cette situation et pour promouvoir la bijouterie nationale,  a donné les instructions pour faciliter l’accès de l’or produit au pays à nos bijoutiers. Les sociétés minières ont accepté d’approvisionner le marché national et de mettre à la disposition des bijoutiers 100kg d’or en phase test. Mais pour l’heure, le blocage se situe sur la demande d’exonération de la TVA sollicitée par les bijoutiers. L’application de la TVA au prix de l’or produit au Sénégal le rendrait moins compétitif comparé au marché international. Il convient de noter que l’or exploité est commercialisé dans le cadre de marchés ouverts comme le marché de Londres où les prix se négocient. L’Etat a prévu la mise en place d’un comptoir de commercialisation en vue de permettre aux  artisans locaux d’accéder à l’or à des prix compétitifs. Il nous faut rechercher des moyens de promouvoir le développement de la bijouterie nationale qui est un secteur à fort potentiel de création de valeur et d’emploi. C’est la raison pour laquelle je ne cesse de plaider en faveur de la création d’un ISEP dédié à la formation en Art et techniques de la bijouterie-joaillerie. Il me semble que c’est le seul métier au Sénégal qui n’est pas adossé à une filière de formation professionnelle.

La Société des Mines du Sénégal (SOMISEN S.A) s’est dotée d’un plan stratégique. Comment il a été mis en place et quels sont ses objectifs ?

La SOMISEN a été constituée en 2020  pour répondre sauvegarder les intérêts miniers de l’État et des populations. Dans le cadre de ses missions, il est attendu que la SOMISEN contribue fortement à une meilleure valorisation du potentiel minier, dans l’optique d’une bonne optimisation des retombées financières tirées des opérations minières au bénéfice des populations.  Pour ce faire, en s’inspirant des meilleures pratiques constatées sur le continent et à l’international en termes de structuration et de gestion des sociétés nationales des mines, la SOMISEN s’est dotée d’un Plan stratégique pour le développement de la société pour la période 2023-2027, dont l’objectif global est de «promouvoir, développer et contrôler l’activité minière en vue de mettre en valeur de façon responsable et durable le potentiel minéral au bénéfice de tous». A travers le slogan «Jariñoo sunuy mbell» c’est-à-dire « profiter de nos ressources minérales », la SOMISEN traduit concrètement l’idée d’appartenance des ressources au peuple. Le Plan stratégique a été élaboré avec la participation de tous les acteurs du secteur minier. Cette large contribution des acteurs a permis d’identifier et de retenir quatre (04) axes stratégiques. La concrétisation de ces axes stratégiques sera réalisée à travers neuf (9) leviers d’actions, la mise en œuvre effective des cinquante-sept (57) actions prioritaires retenues et une implication pleine et responsable de tous les acteurs dans les cinq (5) prochaines années.

Entretien réalisé par Mbaye THIANDOUM