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Conférence présidentielle de l’OMC: L’intégralité du Discours du Pr Macky Sall

Excellence, Madame l’Ambassadeur Athaliah Lesiba Molokomme, Présidente du Conseil général,
Excellences, Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la Directrice générale de l’Organisation mondiale du Commerce, chère Ngozi Okonjo-Iweala
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de venir à votre rencontre, au cœur de la Genève internationale, pour cet échange sur le thème du commerce mondial inclusif et durable, un enjeu majeur pour le présent et le futur.
Merci, chère NGOZI, pour ton aimable invitation. Je salue ton leadership à la tête de l’Organisation, et te renouvelle mes encouragements et mon soutien dans l’exercice de ta délicate mission au service des Etats membres.
Merci à vous, Madame l’Ambassadeur MOLOKOMME, Présidente du Conseil général, pour les efforts appréciables que vous consacrez aux travaux du Conseil.
Je salue les représentants des pays et organisations ici présents et leur renouvelle l’attachement du Sénégal aux relations amicales qui nous unissent.
Mesdames, Messieurs,
Depuis les temps anciens, le commerce, dans sa vocation primordiale d’échanges et de mise en relation, a toujours été un facteur de progrès, de paix, de sécurité, d’amitié et de fraternité humaine.
Qu’il soit sous forme de troc ou monétaire, à l’abri d’un arbre, dans la petite boutique du coin, dans une grande surface, ou en ligne, le commerce vise à créer de la richesse et satisfaire des besoins.
De ce fait, le commerce crée des affinités et rapproche les peuples. S’il n’empêche pas le méfait de la guerre, il démontre les bienfaits de la paix.
A l’ère moderne, le système commerce mondial a radicalement changé par son volume, sa complexité et les multiples enjeux qui lui sont attachés. Mais sa finalité reste toujours la même : établir la sécurité juridique et créer entre les parties les conditions de confiance et d’avantages mutuellement bénéfiques. Le commerce va mal chaque fois qu’un de ces paramètres est rompu.
C’est dans cet esprit que l’Accord général sur le Tarif et le Commerce d’octobre 1947, et son successeur en janvier 1995, l’Organisation mondiale du Commerce, ont été instaurés.
Avec 164 Etats membres représentant 98% du commerce mondial, l’OMC a gagné en universalité ; et ses acquis sont importants, comme l’adoption récente de l’Accord sur les subventions à la pêche, après deux décennies de laborieuses négociations.
En concluant cet Accord historique, les Etats membres ont marqué un grand pas en avant pour la durabilité des océans, en interdisant les subventions préjudiciables à la pêche, face à la rareté des ressources halieutiques.
Il est heureux que l’Accord ait pris en compte les besoins spécifiques de la pêche artisanale, et prévu une période de transition en faveur des Pays les moins avancés pour la mise en œuvre de certaines de ses dispositions.
Il est important que le Fonds d’assistance technique et de renforcement des capacités, établi par l’Accord, soit effectivement opérationnel après l’entrée en vigueur du texte pour aider à son application par les pays bénéficiaires.
Le Sénégal reste pleinement engagé dans la deuxième phase des négociations portant sur les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche.
Un Accord complet sur les subventions à la pêche contribuera en effet aux efforts de réalisation de l’Objectif de développement durable lié à la protection des océans, des mers et de leurs ressources.
Je salue également les résultats significatifs de la 12e Conférence ministérielle, en particulier ceux concernant la réponse urgente à l’insécurité alimentaire et à la préparation aux crises sanitaires futures, notamment l’Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au commerce.
C’est un pas important vers une meilleure intégration de l’Afrique dans les chaînes mondiales de production, de distribution et d’approvisionnement, surtout dans le contexte de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf), et de la quête de notre souveraineté pharmaceutique et médicale.
A ce sujet, je me réjouis d’annoncer ici que l’Institut Pasteur de Dakar, qui produit et commercialise le vaccin contre la fièvre jaune depuis 1937, est en train de réaliser un ambitieux projet de vaccinopôle multidimensionnel qui comprend, entre autres, une chaine de production complète de vaccins, utilisant la technologie de l’ARN messager.
Pour nous, pays en développement, l’enjeu du commerce mondial entre acteurs à forces inégales, se pose surtout en termes d’équité, de justice et de respect du droit international.
Pour que le commerce mondial soit durable, il faut que chacun y trouve son compte.
Le commerce ne peut être durable quand ceux qui ont plus, gagnent toujours plus, et ceux qui ont moins, perdent toujours plus.
Le commerce ne peut être durable quand la libre circulation des personnes, des biens et services, censée être régulée par les vertus de la loi du marché, est faussée par la loi du plus fort.
Le commerce ne peut être durable quand, par la guerre commerciale, des mesures nationales à effets extraterritoriaux portent préjudice à des tierces parties.
Le commerce ne peut être durable quand des subventions agricoles abusives violent les règles de concurrence loyale au détriment de millions de petits producteurs.
Le commerce ne peut être durable quand des pays développés, principaux pollueurs, continuent d’utiliser le charbon et interdisent le financement à l’étranger des sources d’énergie fossile, y compris le gaz, pourtant beaucoup moins polluant que le charbon. Ce n’est ni juste, ni équitable.
Enfin, le commerce ne peut être durable quand, par des pratiques d’évasion ou de congés fiscaux abusifs, l’impôt n’est pas payé là où la richesse est créée. Je pense en particulier à l’industrie numérique et extractive.
A ce sujet, il faut saluer l’Accord historique de l’OCDE d’octobre 2021, sur l’impôt minimum mondial de 15%.
La vocation du système commercial international est de réguler les échanges au bénéfice de tous.
Si le système ne répond pas à sa raison d’être principale, il creuse les inégalités au lieu de les réduire ; il accentue les tensions au lieu de les apaiser ; il multiplie les contentieux au lieu de les résoudre ; il aggrave les risques de sa contestation et crée les conditions de sa remise en cause.
Voilà pourquoi nous plaidons pour la réforme de la gouvernance économique et financière mondiale, afin qu’elle soit plus juste et plus inclusive.
Après l’admission de l’Afrique au G20 et l’octroi au continent d’un 3e siège au Conseil d’Administration du FMI, poursuivons nos efforts pour la réforme de l’architecture financière internationale, y compris le FMI, la Banque mondiale et le système de notation des Agences d’évaluation.
Dans le même esprit, le Sénégal soutient les travaux de l’OMC sur les réformes institutionnelles visant à améliorer l’efficacité du fonctionnement de ses organes.
Un commerce mondial inclusif nécessite un système de règlement des différends opérationnel, transparent et accessible à tous les membres.
En outre, l’équité et l’inclusion doivent rester au cœur de notre agenda. Un commerce mondial équitable offre à tous les pays des opportunités d’occuper leurs populations, jeunes et femmes en particulier, par la création d’emplois ou d’autres activités génératrices de revenus.
A l’inverse, le commerce inégal exclut et marginalise la majorité des pays. Il les appauvrit et contribue à la circulation mal maitrisée de populations, y compris les flux de migration clandestine.
C’est dire que le commerce inclusif et durable n’est pas seulement un idéal à atteindre, mais une nécessité et un intérêt commun.
Quand les pratiques sont saines, quand elles sont transparentes, justes et équitables, il doit y avoir de la place pour tous, afin que le système commercial international et l’Organisation qui l’incarne gardent leur vocation première : celle de promouvoir les échanges économiques et commerciaux, de contribuer au développement et de favoriser des relations pacifiques entre les nations. Je vous remercie.