LA CHRONIQUE DE MLD: L’argent-roi : la République des régies financières. Par Mamadou Lamine DIATTA
« La vie n’est qu’une longue perte de tout ce qu’on aime »
Victor Hugo.
Le compte à rebours a donc démarré avec la décision prise par le Chef de l’Etat de convoquer le corps électoral pour le scrutin du 25 février 2024.Les nombreux sceptiques qui doutaient de la tenue de l’élection à date échue vont finalement se raviser.
Cependant, on constate que l’argent sera plus que jamais un enjeu de conquête et de conservation du pouvoir. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement au regard de la sociologie sénégalaise assez portée sur l’étroite et forte connexion entre l’avoir et le pouvoir. Autant dire que le pognon sera au cœur des péripéties menant vers l’élection du tout prochain Président de la République.
Cela commence déjà avec cette opération de parrainage parasitée par cette donne. Les candidats à la candidature les moins fortunés éprouvent d’énormes difficultés pour mobiliser des signatures. En revanche, les grandes coalitions disposant d’un réel appareil et de parcs automobiles de dernière génération dégagent de la visibilité et du clinquant sur le terrain avec le soutien complice d’une bonne partie de la presse qui a fini d’être sélective dans sa manière de traiter l’information.
Dans la même veine, on se demande si la politisation outrancière et amplifiée de l’administration en général et des régies financières en particulier est une bonne nouvelle ? Non assurément. Même s’il est de notoriété publique que depuis 2000, les hauts fonctionnaires sont pratiquement obligés, contraints et forcés de s’investir littéralement en politique pour apporter un coup de main au Prince et se doter par ricochet d’une certaine couverture-protection voire une immunité judiciaire en cas de pépins. Le risque, c’est de voir cette crème de l’administration prendre des libertés avec la gestion de l’argent public car le champ politique est extrêmement budgétivore. Surtout pour des gens qui vivent aux crochets de l’Etat et qui sont étranglés au quotidien par une demande sociale sans cesse croissante sans oublier le clientélisme désuet ayant droit de cité.
Avec un battage médiatique indécent, la toute dernière irruption sur la scène politique thiessoise d’une certaine Diariatou Aidara Camara, cadre des impôts et domaines est symptomatique de cette anomalie qui a fini d’être banalisée. On vit pratiquement dans la République de la crème des régies financières d’autant que même le Chef de l’opposition radicale Ousmane Sonko aujourd’hui sous les verrous est un membre éminent de ce corps d’élite avec à sa décharge le simple fait d’avoir été radié par l’autorité. Comment peut-on gérer correctement une régie financière avec tout cela comporte comme exigences en termes de discrétion, d’astreinte, de devoir de réserve et de redevabilité et se mouvoir allègrement dans le champ partisan ? Toute la tragédie de ce pays bizarre se situe quelque part dans cette image.
Par ailleurs et pour rester dans la mouvance du caractère vital de l’argent en politique, il faut souligner que même l’opposition d’habitude si fragile et paumée du temps de Senghor et Abdou Diouf dispose d’un matelas financier conséquent et impressionnant depuis l’avènement de Wade en 2000.
Il ne faudrait pas se méprendre pour autant ; Ce n’est pas un crime encore moins une honte d’avoir de l’argent pour se déployer en politique. Loin s’en faut. Il faut juste encadrer légalement toute cette frénésie pour ne pas tordre le coup à l’éthique afin d’assurer l’équité entre les potentiels candidats à la présidentielle…Car le risque est grand de promouvoir le délitement des mœurs sociales et politiques et d’approfondir la fracture sociale.
Dans cette vie d’ici-bas, tout est vanité. Notre existence n’est qu’une longue perte de tout ce qu’on aime comme disait avec justesse Victor Hugo. L’évanescence est consubstantielle à notre existence. Encore faudrait-il être imprégné de la sagesse requise pour avoir un tel esprit de dépassement.
Les plus de deux cents candidats à la candidature devraient bien en prendre de la graine car ce pays nous survivra et nous ne sommes pas éternels. Au moment où on assiste à une montée sans précédent de l’émigration irrégulière et à la déliquescence d’une jeunesse abandonnée, il ne faudrait surtout pas que ce pays renvoie l’image d’une société d’accaparement drivée par une classe politique vorace en mal de vision et de Leadership. Dans un contexte particulier lié à la gestion imminente de cette manne intéressante du pétrole et du gaz. Un autre enjeu qui va davantage aiguiser les appétits et enflammer les joutes politiciennes.