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Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique: L’intégralité du discours du Pr Macky Sall

Excellence, cher frère Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Président de la République Islamique de Mauritanie,

Excellence, Monsieur Geraldo Martins, Premier Ministre de la République de Guinée Bissau,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Premier Ministre,

Madame la Présidente du Haut Conseil des Collectivités territoriales,

Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de délégations,

Chers invités,

Je vous remercie vivement, cher frère, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, d’avoir bien voulu, pour la 2e fois, rehausser de votre présence le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.

J’apprécie beaucoup cette marque renouvelée d’amitié de votre part. Nous sommes ravis et honorés de vous compter parmi nous, dans la pure tradition des relations ancestrales entre les peuples sénégalais et mauritaniens.

Merci à vous, Monsieur le Premier Ministre Geraldo Martins, pour votre participation, symbole des liens multiformes qui unissent nos deux pays.

Je souhaite à tous nos hôtes la bienvenue et un agréable séjour au Sénégal.  

J’exprime notre gratitude aux pays et institutions partenaires pour leur soutien constant au Forum de Dakar depuis son lancement en 2014.

Je félicite le Comité de pilotage et tous les partenaires associés à l’organisation du Forum.

Le thème de cette 9e édition, L’Afrique des potentiels et des solutions face aux défis sécuritaires et à l’instabilité institutionnelle, met en lumière les contrastes de notre continent : une Afrique grande et riche, qui aspire à l’émergence, mais  toujours en retard sur le processus de développement ; une Afrique qui progresse sur la voie de la démocratie, mais encore secouée par l’instabilité institutionnelle ; une Afrique engagée à faire taire les armes, mais  toujours sous le feu ravageur des conflits et du terrorisme.

L’Afrique est grande et riche : plus de 30 millions de km2, dont plus de 60% des terres arables non exploitées du monde ; d’importantes ressources en eau et hydrocarbures ; 85 à 95% des réserves de métaux du groupe du chrome et du platine ; 85% des réserves de phosphates ; 40% des réserves d’or. Et la liste n’est pas exhaustive.

Assurément, l’Afrique est riche par son immense potentiel. Mais les règles et pratiques de l’échange inégal contribuent à l’appauvrir.

C’est pourquoi nous réclamons une gouvernance politique, économique et financière mondiale plus juste et plus équitable.

Je rappelle que parmi nos priorités figurent :

  • Premièrement, la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies, et celle de l’architecture financière mondiale, y compris les Institutions de Bretton Woods, afin que le système international, hérité de la seconde guerre mondiale, soit plus représentatif des réalités de son temps ;
  • Deuxièmement, la révision des règles de l’OCDE sur l’accès au crédit, la durée des délais de grâce et des périodes de remboursement ; ce qui permettrait de mobiliser des ressources plus conséquentes pour financer les besoins de développement ;
  • Troisièmement, la lutte contre les pratiques fiscales anormales, notamment l’évasion fiscale et les congés fiscaux abusifs, pour que l’impôt soit dûment payé là où la richesse est créée, surtout s’agissant de l’industrie extractive.

Une gouvernance mondiale plus juste et plus équitable contribuerait à faire émerger l’Afrique des solutions, c’est-à-dire une Afrique qui compte davantage sur ses propres ressources pour financer ses efforts de développement et offrir de nouvelles opportunités de commerce et d’investissement à ses partenaires.

Je dois reconnaitre et saluer les acquis déjà réalisés dans l’amélioration de la gouvernance économique et financière mondiale, avec :

  • l’adoption par l’OCDE, en octobre 2021 de l’Accord historique sur un impôt minimum mondial de 15% afin de lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par les multinationales ; 
  • l’adhésion de l’Afrique au G20 ;
  • et la décision des instances du FMI d’octroyer au continent un 3e siège au Conseil d’Administration du Fonds.  

Cette dynamique pourrait être renforcée par la réforme du Conseil de Sécurité et la mise en œuvre du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, qui comprend, entre autres, la réforme de l’architecture financière mondiale.

Alors que la Cop 28 démarre cette semaine, je n’oublie pas que l’Afrique des potentiels et des solutions, c’est aussi une Afrique qui participe à la lutte contre le réchauffement de la planète, mais dans l’équité et la justice climatique.

L’enjeu principal pour nos pays, c’est de pouvoir exploiter leurs ressources disponibles pour satisfaire leurs besoins d’industrialisation et d’accès universel à l’électricité dont plus de 600 millions d’africains sont encore privés.

Les Partenariats pour une transition énergétique juste (JETP-Just Energy Transition Partnerships) pourraient offrir de bonnes perspectives de collaboration dans ce sens.

Je rappelle que le Sénégal a signé son JETP en juin dernier.

Au titre de cet Accord, notre objectif est de porter la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique 31 à 40%  d’ici 2030, en mobilisant, avec le soutien du groupe des partenaires, 2,5 milliards d’euros sur une période initiale de 3 à 5 ans, pour financer des projets éligibles au Partenariat.

Pour nous, la coopération dans le cadre des JETP pourrait être une alternative crédible aux mesures unilatérales interdisant le financement à l’extérieur des sources d’énergies fossiles, y compris le gaz.

L’Afrique des potentialités et des solutions qui contribue à éclairer le monde ne peut laisser la moitié de sa population vivre dans la pénombre.

Mesdames, messieurs,

Le thème de cette 9e édition nous rappelle aussi notre part de responsabilité dans les défis sécuritaires et l’instabilité institutionnelle qui agitent le continent.

En plus de leur coût humain et matériel, les conflits armés plombent nos efforts sur la voie du développement économique et social.

Il est donc temps de faire taire les armes et privilégier le dialogue pour le règlement de nos différends.

C’est aussi par le dialogue que l’on surmonte les clivages partisans pour bâtir des coalitions nécessaires à la stabilité des institutions nationales.

Il me semble tout aussi important de veiller à concilier l’exercice des libertés individuelles et collectives d’une part, et les impératifs d’ordre public d’autre part. La liberté sans responsabilité devient une menace pour la société.  

C’est dire que la démocratie, la stabilité institutionnelle et le développement économique et social ne peuvent s’accommoder de facteurs déstabilisants que sont le populisme, le radicalisme et les extrémismes de tous bords.

J’ajoute, par ailleurs, qu’un régime démocratique, si ancien soit-il, reste toujours un idéal en construction. En démocratie, il y a plus d’expérience à partager que de leçons à donner.

Finalement, l’Afrique des potentialités et des solutions, c’est aussi l’Afrique qui met en commun ses forces, ses intelligences et ses ressources pour son développement et son intégration ; à l’image de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie, du champ pétrolier sénégalo-mauritanien Grand Tortue Ahmeyim et du Pont de Rosso sur le fleuve Sénégal en construction avancée, pour relier la Mauritanie et le Sénégal.

Voilà, parmi d’autres exemples, ce qui nous fera avancer sur le chemin du développement dans la paix et la sécurité, en restant conscients de l’histoire multiséculaire de notre continent, comme nous y invite un géant de l’Afrique, Cheikh Anta Diop ; je le cite :

Il faut veiller à ce que l’Afrique ne fasse pas les frais du progrès humain (…) froidement écrasée par la roue de l’histoire… L’ignorance de l’histoire de son peuple est une forme de servitude. fin de citation.

Les enseignements de Cheikh Anta Diop nous parlent toujours, pour nous dire que nous ne devons jamais nous laisser écraser par la roue de l’histoire, parce qu’à travers les âges, les peuples africains ont inventé, façonné, formé et transformé pour contribuer au progrès de l’humanité.

A l’ère moderne, je suis fermement convaincu que rien ne doit nous condamner à vivre en marge du progrès. L’Afrique des solutions est à notre portée.

Si nos défis sont grands, plus grande doit être notre détermination à les relever.

C’est à ce sursaut que j’invite tout notre continent en déclarant ouvert le 9e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.

Je vous remercie.