Cérémonie d’ouverture Global Gateway: Discours officiel du Président Macky Sall
Monsieur le Président de l’UNION africaine, cher Azali,
Chers collègues,
Madame la Présidente de la Commission de l’Union européenne, chère Ursula,
Madame la vice-Secrétaire générale des Nations Unies, chère Amina,
Mesdames Messieurs,
C’est toujours avec un plaisir renouvelé que je viens à la rencontre de nos partenaires européens, à l’occasion d’évènements importants comme les Journées européennes du développement, ou ce premier Forum du Global Gateway.
Merci chère Ursula, pour ton aimable invitation.
Je tiens à réitérer ici l’attachement du Sénégal au partenariat de longue date, fécond et confiant qui nous lie à l’Union européenne.
L’initiative Global Gateway qui couvre des domaines aussi variés que les infrastructures numériques, énergétiques et de transport, ainsi que les systèmes de santé et d’éducation, s’inscrit dans cette dynamique.
Ce sont là des priorités de premier ordre pour les pays en développement, africains en particulier.
L’infrastructure, matérielle ou immatérielle, est le principal fil conducteur qui relie tous les autres secteurs qui concourent au processus de développement.
Une route, une autoroute, un port, un aéroport, un pont, une piste de désenclavement, une centrale électrique : chaque réalisation, quelle qu’en soit la taille, accélère ce processus en améliorant les conditions de vie des populations.
Je me réjouis du fait que plusieurs projets et programmes du Sénégal dans ces domaines bénéficient du soutien de l’UE à hauteur de 193 millions d’Euros.
Je peux citer à titre d’exemple l’acquisition de matériels roulants et autres équipements pour le projet en cours de finalisation de la ligne de Bus Rapid Transit reliant Dakar et sa banlieue.
A l’échelle du continent, le déficit en infrastructures reste encore élevé.
Ainsi, malgré la disponibilité d’abondantes sources d’énergie qui aident à éclairer le monde, plus de 600 millions d’africains n’ont pas encore accès à l’électricité.
Et dans nombre de nos pays, les conditions de transport restent encore problématiques.
Ainsi, pour e transport aérien, on est parfois obligé de sortir du continent pour aller d’un pays africain à un autre.
Pour les infrastructures numériques, malgré les progrès enregistrés, le taux de connexion en Afrique reste encore faible : 36 % contre une moyenne mondiale de 62,5 %.
On pourrait multiplier les exemples illustratifs du déficit du continent en matière d’infrastructures.
C’est pour remédier à cette situation que l’Union Africaine, le NEPAD et la BAD ont lancé en juillet 2010 le Programme de développement des Infrastructures en Afrique (PIDA), afin de stimuler la réalisation de projets transfrontaliers dans les secteurs des transports, de l’énergie, de l’eau et du numérique, entre autres.
Quatre ans plus tard, en juin 2014, nous avons tenu à Dakar le premier sommet sur le financement du PIDA, et lancé un Plan d’action prioritaire de 16 projets.
Dans la même dynamique, Africa 50 a été créée en tant que mécanisme de soutien aux investissements dans les infrastructures.
Malgré les obstacles liés à l’accès au crédit, l’Afrique est en chantier.
A titre d’exemple, avec un prêt de la BAD, le Sénégal et la Gambie se sont associés pour réaliser le pont de la Sénégambie sur le fleuve Gambie, opérationnel depuis 2019.
De même, en 2021, le Sénégal et la Mauritanie ont lancé le chantier du pont de Rosso, sur le fleuve Sénégal, avec le concours de l’Union européenne et des prêts de la BAD, et de la Banque Européenne d’Investissement.
Ce pont est un chaînon stratégique du corridor transfrontalier Tanger-Casablanca-Nouakchott-Dakar-Abidjan-Lagos.
Ailleurs sur le continent, les mêmes efforts de construction d’infrastructures d’interconnexion par des financements publics sont en cours.
Je n’oublie pas le rôle essentiel du secteur privé, dont le mérite est de montrer que l’investissement dans les infrastructures en Afrique peut bien être rentable.
Je citerai par exemple le projet de Port en eaux profondes adossé à une zone économique spéciale, que le Sénégal est en train de construire à 50 km de Dakar, en partenariat avec Dubai Ports World.
De 837 millions de dollars pour la première phase, ce projet mobilisera un financement de plus d’un milliard de dollars dans sa deuxième phase.
C’est le plus grand investissement privé de l’histoire de notre pays.
La construction d’infrastructures en Afrique progresse ; mais le continent reste encore sous-financé en volume et mal financé à cause de taux d’intérêt élevés et de délais de remboursement généralement trop courts.
Selon le dernier Rapport annuel du Consortium pour les infrastructures en Afrique, publié en décembre 2022, le financement des infrastructures en Afrique s’élevait à 81 milliards de dollars en 2020, contre 100 milliards en 2018, soit un recul de de 19 milliards dû en partie à la crise de la pandémie COVID-19.
Je rappelle que le Consortium pour les infrastructures en Afrique a été mis en place en 2005 au sommet du G8 d’alors, à Gleneagles.
Il rassemble autour de la BAD les principaux partenaires bilatéraux et les banques de développement actives sur le continent.
Il est vrai que l’impact de la pandémie a freiné l’investissement dans les infrastructures, à cause du ralentissement de l’activité économique et de la réorientation des dépenses publiques vers des urgences sanitaires et sociales.
Mais, même sans ces difficultés conjoncturelles, l’Afrique a toujours payé cher ses projets à cause de taux d’intérêt abusifs.
Il faut reconnaitre et saluer les efforts des partenaires bilatéraux et multilatéraux dans le financement des infrastructures en Afrique.
En même temps, la problématique du financement restera entière tant que perdurent les règles et pratiques qui entravent l’accès de nos pays à des ressources conséquentes, et à des conditions soutenables.
Je pense, entre autres, aux notations abusives des agences d’évaluation et à la perception du risque d’investissement en Afrique, toujours plus élevée que le risque réel.
Tout au long de mon mandat à la tête de l’Union Africaine l’année dernière, j’ai rappelé cette problématique, notamment à l’OCDE, au G7, au G20 et aux Nations Unies.
Il me semble important d’engager un dialogue honnête pour lever cet obstacle qui continue de freiner nos efforts de financement des infrastructures.
Nous devons aussi relever les défis de la planification et de l’ingénierie technique et financière pour améliorer les études de faisabilité des projets en créant une synergie entre les partenaires techniques et financiers et le Fonds de préparation des projets du NEPAD.
Je voudrais aussi saluer ici les partenariats en cours entre des laboratoires européens et africains dans le domaine de la biotechnologie, en particulier la production de vaccins.
Des progrès significatifs ont déjà été enregistrés à ce titre, ouvrant la voie à d’autres perspectives prometteuses.
Je lance un appel à la Team Europe pour soutenir par des financements adéquats ces partenariats novateurs dans des technologies de pointe.
En définitive, je pense que le Global Gateway est en soi une excellente initiative, qui peut faire la différence en sortant des sentiers battus, en changeant d’échelle et de paradigmes dans l’approche de la coopération.
Ensemble, nous devons engager un dialogue ouvert sur les priorités et les modalités à convenir pour passer de la logique d’aide à la logique de partenariat par la co construction, afin de mobiliser des financements conséquents, et investir dans de grands projets susceptibles de créer les conditions d’une croissance et d’une prospérité partagées.
Je vous remercie.